L'instance principale du football français a délivré mercredi son rapport sur la gouvernance du président Noël Le Graët. Pointé du doigt pour des faits de harcèlement moral et sexuel, le sort du Breton sera étudié le 28 février.
Le 15 février 2023 marque une nouvelle date clé dans la série de scandales dans lesquels est impliqué Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF). Mercredi, l’instance a rendu son audit - débuté le 13 octobre - commandé par le ministère des Sports. Il s’agissait de rendre des comptes quant à la gouvernance de la 3F, mais aussi l'attitude du dirigeant. Le rapport a dénoncé son « comportement inapproprié vis-à-vis des femmes » via «des SMS ambigus pour certains, et à caractère clairement sexuel pour d'autres ». Conformément à la note provisoire publiée mi-janvier, les trois inspecteurs de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont évoqué des actes « incompatibles avec l'exercice des fonctions et l'exigence d'exemplarité qui lui est attachée ».
Tout est parti d’une enquête de So Foot, début septembre. Le magazine avait notamment révélé la teneur des SMS que Noël Le Graët avait envoyés à ses collaboratrices. S’il a toujours nié les révélations du média, l’affaire a rapidement pris une ampleur considérable, provoquant une libération de la parole en interne et la préoccupation d’Amélie Oudéa-Castera, la ministre des Sports. Le 16 septembre, elle convoquait Noël Le Graët pour aborder la situation. C’est au terme de ce rendez-vous que le lancement d’un audit a été décidé.
Une déflagration médiatique
Dès lors, les langues se sont rapidement déliées pour incriminer le président de la FFF. Le 12 octobre, la cellule d’investigation de Radio France publiait des nouveaux témoignages d’anciennes salariées de la fédération. Les personnes interrogées déploraient le comportement « inapproprié » de leur supérieur.
Au-delà des agissements de son président, la FFF a également été épinglée en raison du comportement de son ancienne directrice générale Florence Hardouin, critiquée pour son « autoritarisme déplacé » et son management « passif », selon un rapport réalisé en septembre 2020, mais qui avait été relayé par Le Monde en novembre.
Un nouveau témoignage livré par l’agente de joueurs Sonia Souid 9 janvier accablait encore plus l’octogénaire. Elle déclarait que Noël Le Graët la voyait « comme deux seins et un cul ». Elle ajoutait même : « On a l’impression que c’est le roi et que la FFF est son royaume ».
Sur le terrain, le parcours des Bleus, défaits en finale du Mondial au Qatar par l’Argentine n’a pas permis de calmer la tempête ni d’améliorer le climat ambiant. C’est même le sujet sportif qui a définitivement terni l’image du président. Le 8 janvier - veille du passage à l’antenne de Sonia Souid - il était l’invité de l’émission "l’After" sur RMC afin d’évoquer l’avenir de l’équipe de France.
« Je n’en ai rien à secouer, Zidane peut aller où il veut ! »
Au lendemain de la prolongation de Didier Deschamps jusqu’en 2026, Noël Le Graët a été questionné quant aux sollicitations supposées de Zinédine Zidane. Le champion du monde 1998, un temps annoncé comme un potentiel candidat au poste de sélectionneur, s’est vu barrer la route par les résultats de "DD".
Vindicatif et sans retenue, Le Graët déclarait : « Je n'en ai rien à secouer. Il peut aller où il veut ! Dans un grand club, une sélection, j'y crois à peine en ce qui le concerne. Si Zidane a tenté de me joindre ? Certainement pas, je ne l'aurais même pas pris au téléphone. » Des propos qui ont rapidement consterné le monde du football et suscité des réactions sidérées. Dans la foulée de cette sortie médiatique mal maîtrisée, Kylian Mbappé s’est fendu d’un tweet très critique à l’égard de son président.
Cette déclaration a été suivie d’une vague de soutiens à l’attaquant du PSG, plaçant encore un peu plus l’ancien président de la LFP (Ligue de football professionnel) dans la tourmente.
Et maintenant ?
Face à une pression du comité exécutif - une assemblée composée de 14 cadres du football français, dont Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais - qui n’a fait que s’accroître, Noël Le Graët a été contraint de se mettre en retrait au profit de Philippe Diallo, intérimaire à la présidence de la FFF depuis le 11 janvier. Néanmoins, le Guingampais n’entend pas quitter son poste, une perspective qu’il a balayée à maintes reprises. Selon Le Monde, ses avocats auraient dénoncé un rapport aux allures de « réquisitoire » tout en plaidant « une ingérence politique et médiatique ».
Si Le Graët faisait fi des accusations, le Comité national d’éthique (CNE) aurait la possibilité de traduire son dossier devant la commission de discipline de la FFF. En cas d’abstention, le comité exécutif de la fédération s’occuperait de transmettre les pièces administratives. Un autre levier est possible : une démission simultanée des membres pour provoquer de nouvelles élections. De quoi asséner un coup sûrement fatal au président.
Le comité exécutif de la Fédération française de football se réunira le 28 février à Paris en séance extraordinaire pour rendre sa décision. L'instance dirigeante pourrait ainsi mettre un terme au volet administratif du dossier Le Graët.
Milan Busignies
Edité par Isalia Stieffatre