30 ans après de nombreux voyages autour du monde, le procès de « l'Ecole en bateau » s'ouvre ce mardi. Le fondateur de l'association âgé de 76 ans, et trois accompagnateurs sont jugés pour les viols de plusieurs enfants. À l'époque, cette école alternative avait le vent en poupe.
Léonid Kameneff, 76 ans, a écrit un livre intitulé "Ecoliers sans tablier" / Crédit photo: afp video
Voyager à travers le monde tout en apprenant. Mêler loisir et apprentissage. Dans les années 1970, des initiatives éducatives originales commencent à se mettre en place. Hors du cadre scolaire, loin des bancs de bois et des encriers, les élèves apprennent. Les parents leur confient volontiers leurs enfants turbulents. On pense que cela profite aux jeunes. On veut leur faire voir du pays et les rendre autonomes. En retour, on promet aux parents une expérience émancipatrice.
En 1969, Léonide Kameneff, un psychothérapeute pour enfants, fonde «l'Ecole en bateau». Les adolescents embarquent pour plusieurs mois, voire plusieurs années à bord de voiliers. Au total, plus de quatre-cents jeunes ont voyagé à leur bord entre 1969 et 2002. Ils apprennent les rudiments du métier de marin, se cultivent, lisent des manuels scolaires. Sur le site de l'association, on peut lire : «Le navire était le lieu de vie et de travail d'un groupe en expédition ou recherche. Rien à voir, donc, avec un bateau de loisir pour une sortie en mer.» Le site évoque aussi la bonne entente entre les membres de l'équipage : «Les relations étaient bonnes, dans l’ensemble, et les agressions physiques quasi inexistantes. La vie active, les responsabilités à assumer, la paix du large ou des mouillages en pleine nature, la coopération, favorisaient ce bon climat relationnel.» En outre, les jeunes vivaient avec les adultes, en toute égalité, comme l'indique encore une fois le site web : «La coopération amicale, égalitaire, entre les âges (préadolescents, adolescents, jeunes gens) s'étendait tout naturellement à l'adulte qui travaillait avec eux aux mêmes tâches et vivait comme eux.»
Bouches à oreilles, interviews, reportages... L'association est vite connue du grand public et appréciée des médias. Selon le site internet, «l'Ecole en bateau participait à des réunions-débats en France, presse éducative et grand public en parlaient, reportage d'une grande chaîne de télévision, radios. Un mouvement Ecole en Bateau se constituait. Les candidats étaient nombreux, jeunes et adultes ». Rien alors ne laissait présager le pire.
Se débarrasser des délinquants
A cette époque, la pédagogie alternative est à la mode. L'engouement pour l'Ecole en bateau se propage. Une association de réinsertion pour mineurs délinquants voit aussi le jour un peu plus tard, dans les années 1990. «Cheval pour tous» propose d'encadrer des jeunes en difficulté en leur faisant faire de l'équitation. Nichée dans les Vosges alsaciennes, la ferme du Climont les accueille. Certains pensionnaires sont durs, violents, échappent de peu à la prison. L'objectif de François Supéri, l'éducateur, est d'aider les jeunes à se reconstruire. «Des institutions étaient prêtes à me payer n'importe quel prix pour se débarrasser de certains délinquants» : 2002, procès à Colmar. L'éducateur était un prédateur. Verdict : douze ans de réclusion et cinq ans d'obligation de soins pour des viols et agressions sexuelles répétés commis sur sept de ses jeunes pensionnaires.
Aujourd'hui, sur les bancs des parties civiles de la cour d'assises de Paris, neuf anciens élèves de «l'Ecole en bateau». Ils accusent de viols Léonide Kameneff et trois autres accompagnateurs. «J'aimerais que ce procès permette de dire que les enfants ne souhaitent pas de relations sexuelles avec les adultes», a déclaré avant le début de l'audience Marie Rigod, l'une des plaignantes de 46 ans. L'Etat a été condamné entre-temps pour «déni de justice» en raison de la longueur de la procédure. Le procès devrait durer trois semaines.
Les écoles alternatives, une pédagogie séduisante
La méthode alternative se base sur l'expérimentation et l'observation / Credit photo: Flickr (LizMarie_AK)
Méconnues, marginalisées, les écoles alternatives séduisent de plus en plus. Freinet, Montessori, Steiner... En France, plus de 700 établissements, majoritairement privés, proposent des méthodes de l'éducation nouvelle. Né au XXème siècle, ce courant pédagogique fait participer l'enfant à sa formation. Il s'agit de se démarquer du cadre scolaire traditionnel et de placer le jeune au centre du système. Une situation d'échec scolaire peut être par exemple l'occasion de se tourner vers ce type de pédagogie. Ces écoles proposent un suivi des élèves plus personnalisé. L'apprentissage est basé sur l'observation et l'expérimentation. Pourtant, à l'étranger, ces méthodes sont beaucoup plus développées que dans l'hexagone.
En Allemagne, il existe une centaine d'écoles alternatives libres. Les écoles Waldorf sont très répandues : pas de notes, aucun redoublement, des activités pratiques et artistiques, des langues étrangères... L'objectif est de motiver l'enfant. On ne part pas forcément en voyage. On y apprend seulement différemment. Un lycée privé a, lui, crée la « High seas high school ». Pendant sept mois les élèves suivent des cours sur un ancien voilier, naviguant jusqu'aux Caraïbes.
Mathilde Dondeyne