Jean-Luc Mélenchon va saisir la Cour européenne des droits de l'Homme après le rejet du Conseil d'Etat, a annoncé vendredi son équipe de campagne. Il accuse les instituts de sondage d'être opaques sur leur façon de redresser les données.
Jean-Luc Mélenchon en meeting en Charentes (Crédit photo : Pierre-Alain Dorange / Flik'r)
Après le recours rejeté par le Conseil d'État mercredi, l'équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle, a annoncé qu'il allait saisir la Cour européenne des droits de l'Homme au sujet de l'opacité des sondages.
En cause, un sondage Harris Interractive / Le Parisien, paru le Le 7 septembre 2011 dans le quotidien francilien, qui place Jean-Luc Mélenchon à 3% des intentions de votes au premier tour, en baisse de 4%, dans le cas où François Hollande serait candidat à l'élection présidentielle.
Plus que les 3%, le candidat du Front de gauche s'agace du manque de transparence des sondeurs. En effet, le député européen a saisi le Conseil d'Etat après avoir demandé les détails de l'enquête d'opinions auprès de la commission nationale des sondages. Jean-Luc Mélenchon considère les données transmises comme incomplètes.
En ligne de mire : le redressement. Point aveugle des sondages, cette technique scientifique permet aux sondeurs de prendre en compte les différents biais des enquêtes d'opinions tels que les hésitations ou encore les votes non assumés et de corriger les résultats. Dans les documents transmis par la Commission nationale des sondages, les critères de ce redressement n'apparaissent pas au grand dam du candidat du Front de gauche.
Dans sa décision de rejeter le recours, la plus haute juridiction administrative estime que la commission nationale des sondages a transmis l'ensemble des documents qu'elle avait à sa disposition. Elle rappelle que les données remises par Harris Interractive sont des « des documents administratifs communicables sous réserve des secrets protégés par la loi et notamment du secret des affaires ». Secret des affaires dans lequel entre la méthodologie de redressement utilisée. Rien ne contraint donc Harris Interractive à communiquer les critères utilisés.
Le sondage quotidien de Paris Match / IFOP consacré à la présidentielle 2012 a aussi subi les foudres de Jean-Luc Mélenchon dans un passage de son blog intitulé « Rions un peu ».
Chaque soir à 18 heures, l'hebdomadaire Paris Match met en ligne une enquête d'opinion sur les intentions de vote au premier tour. Les données détaillées sont également disponibles sur le site du journal. A les regarder de plus près, des fluctuations étonnantes se font jour.
Exemple avec les sondages publiés le 30 le 31 janvier. Dans la première enquête, 3% des inactifs hors-retraités soutiennent le candidat du Front de Gauche. Le lendemain, ils sont désormais 7% à lui prêter une intention de vote. « Que s’est-il passé dans la nuit du lundi 30 au mardi 31 janvier ? », s'interroge avec fausse candeur Jean-Luc Mélenchon sur son blog.
Plus flagrant, le 31 janvier 1% des ouvriers disent voter pour le candidat de Front de Gauche. Le 3 février, ils sont 12%. Des aléas qui se ressentent néanmoins peu dans le résultat de l'enquête où Jean-Luc Mélenchon oscille entre 7,5% et 8%. « Si l’on en croit l’IFOP, le score total du Front de Gauche ne varierait quasiment pas, quant bien mêmes les intentions de votes d’une des catégories sociales les plus nombreuses du pays baisseraient ou augmenteraient de plus de 10 points », s'étonne-t-il encore.
Malgré tout, le leader du Front de gauche n'ignore pas ces enquêtes d'opinion. Lors d'une note sur son blog laissé le 4 février 2012, Jean-Luc Mélenchon ironise tout en prêtant attention aux évolutions : « C’est assez fort (la mobilisation dans les meeting, Ndlr) pour que deux instituts de sondages aient pensé en rendre compte en m’attribuant 9 % des intentions de vote. » Quelques jours plus tard, dans un entretien dans le journal Libération du 7 février 2012, il évoque de nouveau le rôle des sondages dans la suite de la campagne: « Maintenant, j'attends le moment où un sondage me mettra à 10 %. A cet instant le signal sera donné, à savoir : “ces gens-là sont crédibles”. »
En septembre 2006, lors des universités d'été de l'UDF, François Bayrou avait déjà abordé l'importance des sondages dans la présence médiatique : « Les minutes de télévision font les sondages, les sondages font les médias qui justifient à leur tour que vous repassiez à la télévision. » Le « Je t'aime moi non plus » devrait continuer au moins jusqu'au premier tour.
Crédit photo d'appel : Place au peuple / Flik'r
Fabien Piégay