Ce lundi s'est ouvert la semaine du microcrédit de l'association Adie. Dans le cadre de cette opération nationale, l'agence de Strasbourg tenait une journée portes ouvertes. Une cinquantaine de personnes s'y sont rendues. Dans un contexte de crise économique, la micro-entreprise apparaît de plus en plus comme une solution.
Ali Traikia, venu avec sa compagne, présentait son projet de société de paysagisme à Romain Perry (à droite), tout jeune conseiller à l'Adie. (Photo : Marion Garreau / CUEJ)
Créer sa propre entreprise pour retrouver un emploi est le leitmotiv de l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique), qui tenait ce lundi une journée portes ouvertes dans son agence de Strasbourg. La structure propose des microcrédits à des personnes exclues du marché du travail et du système bancaire. Puis elle les accompagne dans le démarrage de leur micro-entreprise. En Alsace, 236 personnes ont bénéficié de son aide en 2011. Un chiffre en hausse de 20% par rapport à 2010, alors qu'il avait connu une baisse significative entre 2009 et 2010, passant de 300 à 200 personnes.
Sylvain Breuvart, l'un des trois conseillers en poste à l'agence de Strasbourg, s'attend à ce que « la hausse continue en 2012 », notamment après « le succès de la journée portes ouvertes » où une cinquantaine de personnes sont venues. Responsable de l'Adie en Alsace depuis trois ans, il constate que la plupart des personnes financées par l'association entreprennent par nécessité, faute de solution sur le marché du travail. Et depuis peu, l'Adie finance aussi des travailleurs pauvres. Un phénomène dû à la frilosité grandissante des banques et à la crise, mais qui résulte aussi de la création du statut d'auto-entrepreneur permettant de cumuler un emploi salarié tout en ayant sa propre société.
Cette journée portes ouvertes était organisée à l'occasion de la huitième édition de la semaine du microcrédit de l'Adie. Ali Traikia est venu avec sa compagne. Un petit café à la main, il remplit la fiche de renseignements avant de se livrer à un premier entretien de près d'une heure. Employé il y a encore deux mois d'une société de paysagisme, il pourrait facilement retrouver un emploi. Mais à 39 ans, il a le réseau, les compétences et surtout l'envie de lancer sa propre boîte. Il ne lui manque plus que 8 000 euros pour acheter la camionnette et l'outillage nécessaires. Le problème est qu'entre son statut de demandeur d'emploi et les trois emprunts qu'il a déjà contractés pour acheter et rénover sa maison, il est sûr du refus de sa banque. « Ici, je trouve plus qu'un financement, ajoue-t-il. Je peux profiter de l'expérience de l'Adie, être accompagné et avoir un appui juridique surtout. »
Effet inverse
Nadia (le prénom a été modifié) est au chômage depuis trois ans, après avoir déposé le bilan de son agence de voyage. Cette liquidation judiciaire l'empêche aujourd'hui d'accéder un emprunt bancaire classique alors qu'elle voudrait ouvrir un restaurant sénégalais. Pour cela, elle a besoin de près de 40 000 euros. Venue ce lundi à l'Adie, elle a frappé à la mauvaise porte : l'association ne finance que des micro-entreprises, à hauteur de 10 000 euros maximum. Elle est donc renvoyée vers une association voisine, Alsace Active.
Située sur le trottoir d'en face, elle se veut un intermédiaire entre des créateurs d'entreprise et les banques : l'association joue le rôle de garant financier et assure une expertise quant à la viabilité du projet. Selon son directeur, Jean-Yves Montargeron – qui se base sur les statistiques de l'URSAF -, environ 40% des créations d'entreprise sont faites par des demandeurs d'emploi, une réalité valable en France comme en Alsace.
Dans la région, environ 5% des personnes inscrites à Pôle Emploi sont intégrées au parcours de création d'entreprise. Alsace Active s'occupe de projets plus lourds, avec des besoins de financement de 10 000 à 100 000 euros, et d'une population plus large, mais qui exclut les interdits bancaires. Sur les 340 entreprises qu'elle a aidé à financer en 2011, 86% étaient lancées par des demandeurs d'emploi.
« Cela fait sept huit ans qu'on observe une vraie corrélation entre le nombre de chômeurs et celui de créations d'entreprise », estime Jean-Yves Montargeron. Mais depuis quelques mois, le directeur d'Alsace Active remarque que la crise économique produit l'effet inverse : « Depuis le quatrième trimestre 2011, on connait une forte baisse des demandes de créations. C'est l'environnement général qui prime, un climat peu propice à rêver. Beaucoup de personnes n'osent plus franchir le pas ».
Marion Garreau et Fabienne Hurst