Le tribunal a condamné deux frères à six et quatre mois de prison ferme, ce mardi, pour tentative d’extorsion. Le duo avait tenté, sans succès, de braquer deux boulangeries dimanche, en brandissant une fourchette.
Le tribunal de Strasbourg. © Lola Breton
"J’ai demandé à récupérer le fond de caisse. La vendeuse a dit non, j’ai dit ‘j’insiste pas’." À 7h30, dimanche, Patrick et son frère, Sébastien, sortent bredouilles d’une boulangerie du Neudorf. Une heure plus tard, c’est dans le centre de Strasbourg qu’ils retentent leur chance. Une fourchette à la main, Sébastien s’avance vers la caisse. Là encore, la boulangère refuse. Retrouvés grâce aux caméras de vidéosurveillance de la boutique, les deux hommes comparaissaient cet après-midi devant le tribunal pour tentative d’extorsion.
"La prison, ça me fait peur"
Dans le box des prévenus, la complicité entre Patrick et Sébastien se voit au premier clin d’œil lancé de l’un à l’autre. "C’est moi qui ai entraîné mon frère, il voulait pas braquer", assure Sébastien, le benjamin, un peu agité. Patrick dit avoir simplement voulu "mendier les invendus, des petits pains pour pouvoir manger". Mais le grand frère reste aux côtés de Sébastien lorsqu’il sort la fourchette pour menacer la vendeuse à travers la vitre en plastique. "C’est mon petit frère, j’allais pas le laisser seul !", se défend-il.
Le duo reconnaît les faits, les justifie par son besoin d’argent. Sébastien ne touche plus de RSA depuis six mois. Il vit chez son frère, qui affirme vouloir se réinsérer, après 15 ans passés derrière les barreaux. "Moi c’est pareil !", crie Sébastien en levant le doigt à l’attention du président. "Mais pourquoi vous avez menacé de ‘mettre un poing sur la gueule’ de l’enquêteur social, alors ?", demande le tribunal. "J’étais énervé, répond le prévenu. C’est la prison, ça me fait peur." La misère semble avoir creusé les cernes sur les visages, quasiment identiques, des deux frères.
"Deux rigolos qui font les malins"
Pour le parquet, les tentatives de justifications de la fratrie ne passent pas. "Je les entends minimiser sur les faits, mais ils sont allés dans deux boulangeries à la suite. Ils ont organisé un petit parcours pour récupérer de l’argent, ont attendu que les clients sortent pour entrer. On voit bien que c’est maîtrisé", estime le procureur, lunettes à la main. Et d’ajouter : "Ce sont des faits graves".
Appuyée sur la table près du box, l'avocate des prévenus s’oppose à cette qualification : "Mes clients entrent dans une boulangerie, demandent la caisse, ne l’obtiennent pas et partent. Il n’y a ni agitation ni actes agressifs, plaide-t-elle. La vendeuse n’a même pas eu peur ! Elle est allée chercher son patron en disant : ‘il y a deux rigolos qui font les malins’."
Prison ferme
À la droite de son petit frère, Patrick se tient droit, prêt à entendre le jugement. Calmement et dans un accent alsacien très marqué, il promet : "Dorénavant, je vais faire attention à lui. Dès qu’il me parle de boulangerie, de conneries, je vais lui en mettre une".
Le tribunal reconnaît finalement le duo coupable de tentative d’extorsion sur l’une des boulangeries. Patrick écope de quatre mois ferme sans mandat de dépôt. Pour avoir brandi la fourchette, Sébastien, lui, est envoyé en prison immédiatement pour six mois. Son masque glisse sous son nez. "Je vais me suicider en détention", lance-t-il au président. Peiné, Patrick tente de le rassurer : "T’inquiète pas, je viendrai te voir au parloir."
Lola Breton