L'alcoolisme est une dépendance physique qui peut nécessiter aussi bien un traitement thérapeutique qu'un suivi psychlogique de la part de professionnels. Aujourd'hui, de plus en plus de médicaments arrivent sur le marché pour tenter d'enrayer ce mal.
L'alcoolisme est une maladie qui nécessite un traitement psychologique (Flickr/Arthur Caranta)
Soigner les alcooliques et les différentes formes d'alcoolisme peut aussi être du ressort des psychologues. Les médicaments ne sont pas les seules alternatives thérapeutiques. Détecter l'origine de l'addiction, impliquer leurs patients : des praticiens donnent leur analyse.
Les psychologues distinguent trois types d'alcooliques. Ceux qui boivent pour oublier, ceux qui boivent pour se lâcher et ceux qui boivent pour vivre.
Selon David Schmitt, psychologue à Strasbourg, la troisième catégorie d'alcoolisme est une maladie, une dépendance physique. Alors que les deux premières catégories sont des addictions qui cachent les symptômes d'autres problèmes.
« Ceux qui boivent pour oublier sont généralement en état dépressif. Ils s'enferment et boivent à l’intérieur, seuls. Cela peut cacher plusieurs problèmes : des problèmes de famille, des problèmes de couple, etc. », explique-t-il. « Dans la deuxième catégorie ce sont plutôt des jeunes qui boivent à l’extérieur : en boîte de nuit, dans les bars. Souvent ils font ça pour se rassurer, parce qu'ils n'ont pas de confiance en soi ».
Pas d'âge, pas de sexe pour l'alcoolisme
En ce qui concerne la quantité d'alcool, la psychologue strasbourgeoise Anne Schirmeyer, pense que les plus âgés boivent autant que les jeunes: « Ce n'est pas la différence dans la quantité, mais dans la façon de boire. Les personnes, âgées de moins de 30 ans, boivent une fois par semaine quand ils rencontrent leurs amis. Ils consomment beaucoup en une seule fois. En revanche les adultes vont boire tous les jours. Au bout du compte ...le résultat est le même ! ».
Pour elle, il y a autant de femmes que d'hommes concernés. La différence tient dans le type de boissons consommées. Si dans le cas de l'alcoolisme masculin on note une préférence pour le vin et la bière, les femmes, elles, sont plus attachées aux alcools forts : whisky, vodka, apéritifs.
Les psychologues s'accordent sur un point : les alcooliques reconnaissent qu'ils ont un problème avec la boisson à partir de 40 ans : « C'est à cet âge qu'ils commencent à se poser des questions sur leur mode de vie, sur ceux qu'ils ont fait. Les jeunes ne réfléchissent pas trop à ça » indique D.Schmitt.
Des traitements variés
Les traitements diffèrent en fonction de la gravité de la maladie. Les gens avec une addiction forte sont soignés dans un hôpital. Là, ils suivent une cure pendant au moins deux semaines et on leur administre un traitement antidépresseur avec plusieurs formes de médicaments.
Pour les deux premières catégories, le traitement peut être réduit aux consultations avec un psychologue, dont la durée varie d'un an et demi jusqu'à cinq années. Souvent, ce sont les proches d'un alcoolique qui sont à l'origine des demandes de prise en charge médicale. Pourtant, selon les psychologues, le plus important «c'est que la personne ne soit pas forcée, qu'elle prenne la décision d'être soignée toute seule».
Anastasia Sedukhina
"Je ne buvais pas pour emmerder le monde"
Elle a été plus forte que l'alcool, plus forte que son envie de boire. Léa, 18 années d'abstinence et de sobriété, se souvient comment elle a réussi à arrêter de boire, grâce aux Alcooliques anonymes.
« Quand j'ai commencé, c'est parce que j'aimais ça, cet état second. Je l'ai toujours aimé. » A 13 ans, Léa1 bois déjà de l'alcool. « Il y avait ce besoin d'évasion. Je n'avais pas envie de vivre la réalité. L'obsession d'être tout le temps dans un état second. J'aimais cet état. »
Aujourd'hui, sa voie est claire, ses yeux expressifs, son discours plein de vie. Depuis 18 années, Léa n'a plus touché à une goutte d'alcool. « Le 11 novembre 1994 ça a été le premier jour où j'ai repoussé ce verre, où je n'ai plus eu soif. »
Son alcoolisme, Léa ne l'a pas vaincu du premier coup. En 1992, elle sort de deux ans de cure de désintoxication. C'est son mari qui l'y a poussé. Maman d'une petite fille elle accepte cette solution, pour sortir de cette spirale infernale et retrouver sa « dignité ». « Pour dire à ma fille, je suis ta mère. Etre digne, c'est pour ça que je suis rentrée en cure. » Cette motivation ne suffit pourtant pas. « Dans une bulle, c'est facile d'arrêter. Mais je n'étais pas prête dans ma tête. Quand je suis sortie, les angoisses ont triplé. J'ai rechuté, forcément. Ca n'a pas marché car je ne l'avais pas fait pour moi. »
Sortir de l'enfer
Les années suivantes sont un enfer. Pendant la cure, son mari a emmené sa fille. « Je pensais être forte, les affronter. Mais je n'ai pas pu être revendicative. J'étais pleine de culpabilité. » Elle ne la revoit pas.
Des nouveaux traitements contre l'alcoolisme
La semaine dernière, un nouveau médicament, Selincro, a obtenu l'autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne des médicaments. Elaboré en Finlande par Biotie Therapies en partenariat avec le laboratoire danois Lundbeck, ce médicament est censé réduire l'envie de boire chez les dépendants de l'alcool. Selon Lundbeck, les études montrent la réduction de la consommation de 40 % le premier mois et de près de 60 % au bout de six mois.
Alcover, un autre médicament contre la dépendance de l'alcool va être testé en France. Déjà utilisé en Italie et en Autriche depuis une quinzaine d'années, il doit faire preuve d'efficacité pour obtenir l'autorisation européenne de mise sur le marché.
Le laboratoire D&A Pharma, basé à Paris, indique qu'en Italie au moins 300 000 patients ont déjà été traités. Plus de 70% des patients deviennent abstinents ou consommateurs modérés après un an de traitement, toujours selon D&A Pharma.
La molécule active de ce médicament est l'oxybate de sodium, plus connu sous le nom de GHB (acide gamma-hydroxybutyrique). Son utilisation date des années 60. Il est déjà disponible en France dans un traitement de la narcolepsie sous le nom de Xyrem. En raison des risques, sa prescription est réservée aux spécialistes des troubles du sommeil. Ce médicament ne peut être délivré qu’à l’intérieur des établissements de santé, et pendant 28 jours maximum.
En 2008 le docteur Ameisen écrivait « Le dernier verre ». Un témoignage sur sa guérison de l'alcoolisme grâce à l'utilisation d'un relaxant musculaire, le Baclofène. Produit et vendu par Novartis sous le nom de Lioresal, il a été testé par les américains dans le traitement de l'alcoolisme en 2010. Un essai qui a conclut à l'inefficacité du produit. De nouveaux essais sont en cours en France.
Anastasia Sedukhina
Léa se tourne vers sa propre mère. En septembre 1994, elle rentre à Strasbourg et s'y installe. Son premier geste, refaire sa carte d'identité tachée de vin. Mais l'alcool la suit. « Et à un moment donné, je me suis dit, mais Léa jusqu'à quand tu vas boire ? Je n'avais plus de prétextes pour boire, je n'en avais plus. Mais je n'ai pas bu pour emmerder le monde » Malgré la présence de ses proches, l'envie est terrible. « Et là, j'ai eu peur. J'ai véritablement eu peur. Je n'ai plus vu la lumière au bout du tunnel, j'ai appelé à l'aide. »
Au bout du fil, il y a Françoise des Alcooliques anonymes. « Elle m'a répondu et m'a dit : il y a une réunion ce soir, essaye de venir. Et j'y suis allée. J'étais vraiment prête, j'étais prête pour essayer d'arrêter. » L'association permet aux personnes dépendantes de l'alcool de se retrouver entre-elles. Le programme simple -ne pas boire le premier verre- est transmis aux arrivants par ceux qui ont réussi à s'en sortir. Et leur exemple est un moteur extraordinaire pour les personnes qui ont la volonté de s'arrêter. Aux réunions, « chacun parle de soi, chacun parle de son problème d'alcool, de comment il a fait pour arrêter, etc... Donc moi je n'ai pas beaucoup parlé au début, j'écoutais. J'avais pris un petit bouquin Mes premiers pas sans alcool », explique Léa.
Dans ce qu'elle appelle maintenant son « jardin secret », Léa retrouve la confiance perdue. « Ma première réunion, je m'en souviens vaguement parce que j'étais imbibée d'alcool. Un petit peu, histoire de me donner un peu de courage, j'ai quand même un peu bu. J'ai entendu que l'alcoolisme était une maladie. Je voyais qu'autour de la table il y avait des gens bien, souriants... Qui avaient aussi un problème d'alcool. Je ne me sentais plus toute seule. Ca aussi c'est vachement important car je me sentais très très seule, vraiment très seule. Et là de voir qu'il y avait aussi des personnes qui ont un problème avec l'alcool, qui s'en sont sorties. Je me suis dit : merde, si eux y arrivent, pourquoi pas moi. »
Le 11 novembre, « mon anniversaire de sobriété »
Dix-huit ans après la première réunion, après le dernier verre, Léa continue à se rendre aux rendez-vous hebdomadaires des alcooliques anonymes. A 52 ans, elle est consciente qu'elle reste alcoolique. Pour transmettre son vécu, ne pas oublier sa maladie et maintenir sa sobriété, elle aide ceux pour qui l'alcool est devenu une obsession, qui une fois la première gorgée bu ne peuvent pas s'arrêter. « Comme on dit chez les AA, la quantité n'a pas d'importance, c'est la façon de boire. C'est cette façon obsessionnelle de boire. » Autour d'elle des hommes, des femmes de tous milieux sociaux. Peu de jeunes, mais pas parce qu'ils ne boivent pas. Selon elles, les personnes dépendantes s'en aperçoivent plutôt vers la trentaine ou la quarantaine quand rien ne va plus et qu'ils sont décidés à arrêter.
Devenue abstinente, toutes les portes se sont ouvertes à Léa. Accompagnée par l'AFPA, association nationale pour la formation des adultes, elle accède à un emploi comme femme de ménage, puis suit une formation, passe des concours et obtient un poste de cadre administratif qu'elle occupe depuis. Chaque 11 novembre Léa fête son anniversaire de sobriété à grand renfort de gâteaux, café, sodas et jus de fruits. Quelques jours avant la date, elle prévient les autres AA « pour qu'il y ait le plus de monde possible ce jour-là », celui de sa « renaissance ».
Aude Malaret