Ce dimanche 28 janvier, Alexeï Navalny, principal opposant de Vladimir Poutine, est arrêté à Moscou. Ses partisans découvrent l'information presque en direct, sur une des chaînes YouTube de l’opposant. Elles enregistrent déjà deux millions d’abonnés. L'adversaire du Kremlin a créé ces chaînes, ainsi que son propre site d’information, voilà quatre ans. Une manière de s’adresser aux citoyens russes quand les médias traditionnels le boycottent. Et son projet fait un carton : sa chaîne YouTube était en direct pendant douze heures pour couvrir les manifestations en faveur du boycott des élections présidentielles.
Créé comme un simple blog dans les années 2010, son site enregistre 12 millions de visites chaque mois. Chaque jour, environ trois nouveaux articles sont publiés. Au fil des ans, on s’éloigne du simple blog de l’homme politique ; d’ailleurs, une partie des textes sont écrits par son attachée de presse. S’ils ressemblent parfois aux dépêches des agences de presse, le ton est toujours très engagé.
L’homme politique devient présentateur
Au début de sa carrière politique, Navalny donnait des interviews aux journalistes quasiment chaque jour. Aujourd’hui, il répond rarement aux appels des médias. Quant à son attachée de presse Kira Yarmich, on dit d’elle qu’elle est plus difficile à joindre que Dmitry Peskov, le porte-parole du président russe Vladimir Poutine. Occupée par les enquêtes journalistiques, elle a peu de temps pour gérer la communication de l’opposant. Mais même quand elle décroche, les interviews sont rares. Alexei Navalny préfère s’exprimer sur sa propre chaîne, pendant son émission hebdomadaire en direct. À la fois présentateur et invité, il répond aux question de ses auditeurs, donne les infos et les commente.
Mais sur ses chaînes, il n’y a pas que Navalny. Matin et midi, chaque jour, quatre journalistes engagés présentent des journaux télévisés en ligne. Pendant l'émission matinale, intitulée “le Cactus”, les journalistes invitent des représentants de l’opposition, qui partagent les mêmes idées. Cet entre-soi quotidien est regardé au moins 20.000 fois chaque jour.
Contrairement aux autres médias qui, sauf rares exceptions, hésitent à révéler des informations sur les proches de l’homme fort du Kremlin, les médias de Navalny, eux, dégainent. Régulièrement, l’équipe de Navalny publie des enquêtes journalistiques sur l’entourage de Vladimir Poutine. Présentées par Alexeï Navalny lui-même et réalisées souvent en collaboration avec d’autres médias, ces enquêtes font toujours la une de journaux. Les cibles sont toujours les mêmes : le cercle proche du président. Et ces révélations provoquent des manifestations populaires contre le régime. En juin 2017, plus de 270 000 personnes sont decendues dans les rues de Moscou pour demander la démission du premièr-ministre Dmitriy Medvedev. Selon Navalny, il aurait posseder de nombreux biens immobiliers qui coûtent environ un milliard d'euros. Les manifestants n'ont pas obtenu gain de cause, Dmitriy Medvedev est toujours au pouvoir.
Même si ces enquêtes font du bruit, le gouvernement fait mine d’être sourd et ne réagit pas, sinon par la force. Les perquisitions dans la rédaction sont fréquentes et ses journalistes passent régulièrement des semaines au garde à vue. Ce qui ne les fait pas taire : c’est devenu une routine.
La police interrompt le journal télévisé diffusé en direct.
Denis Strelkov