En tête du palmarès "Parlons Vélo" des villes les plus cyclables de France pour la deuxième année consécutive, la capitale alsacienne voit son avance se réduire.
Des initiatives comme le défi "Au boulot à vélo" incitent à l'usage de la petite reine. Photo Nicolas Massol / CUEJ
Strasbourg va-t-elle devenir la Marie-Antoinette du vélo ? Alors que la Fédération des usagers de la bicyclette a de nouveau placé la capitale alsacienne en tête de podium des villes cyclables de France, les raisons de ne pas fanfaronner sont nombreuses. Et la ville fait figure de souveraine en sursis.
Certes, ici, la petite reine n'a rien perdu de son éclat : avec un honnête 4,02 sur 6 au palmarès « Parlons vélo », présenté jeudi soir à Bordeaux, la métropole rhénane est considérée comme une terre « favorable » à la bicyclette. Mais elle fait moins bien que Grenoble, qui voit son volontarisme récompensé par la note de 4,12.
La préfecture de l'Isère, 160 000 habitants, aurait donc grillé la première place à Strasbourg, si les deux communes avaient couru dans la même catégorie des villes de plus de 200 000 habitants. Plus inquiétant, la capitale de Noël n'améliore pas son score par rapport à la précédente enquête. Et l'on sait, depuis Che Guevara, que lorsqu'une bicyclette n'avance pas, elle tombe.
Échec de VéloStras
Strasbourg aurait-elle laissé la petite reine se reposer sur ses lauriers ? Avec ses 600 kilomètres de pistes cyclables, et ses 15 % de déplacements à vélo dans le centre-ville (8 % dans l'ensemble de l'agglomération), il faudrait être sacrément pinailleur pour affirmer que la Ville ne fait rien pour ses cyclistes.
Mais si on décide de l’être, on peut trouver matière. À commencer par VéloStras, le projet de « réseau cyclable à haut niveau de service », promis pour 2020, qui pédale dans la semoule. Sur les neuf véloroutes devant relier la deuxième couronne de l'Eurométropole au centre-ville, aucune n'est à ce jour finalisée. Pareil pour les trois pistes de ceinture, encore dans les cartons. Or, si les vélos cargos sont légion aux abords de la cathédrale, la part modale du cycle accuse une chute niagaresque dès qu'on s'éloigne du cœur de la cité.
L'usage de la bicyclette reste majoritaire en centre-ville. Photo Jean-François Gornet /CC BY-SA 2.0
Jean-Baptiste Gernet, adjoint aux mobilités alternatives de l'actuelle mairie l'avoue aux Dernières nouvelles d'Alsace : « On a pris du retard, et il va falloir redoubler d'efforts. »
Est-ce pour corriger le tir que le monsieur Cyclopède strasbourgeois, hamoniste de formation, a rejoint la liste du macroniste Alain Fontanel ? Le dauphin de Roland Ries n'a pourtant pas fait part de son intention de démultiplier les pistes cyclables, préférant mettre l'accent sur la cohabitation entre cyclistes et piétons. « Faire de Strasbourg la ville du vélo responsable ! », est tout le programme qu’il affiche sur sa page Facebook.
De quoi inspirer les candidats
Une chose est sûre, ce palmarès des villes cyclables devrait faire réagir les autres brigueurs de la mairie. Lesquels n'ont pas attendu les résultats de l'enquête pour prendre position sur le sujet - capitale du vélo oblige. Le candidat LR Jean-Philippe Vetter a pris la roue d'Alain Fontanel et insiste sur le savoir-vivre : « On ne peut pas considérer qu'une fois qu'on est sur une selle de vélo, plus aucune règle s'applique », sermonne-t-il sur France Bleu.
À gauche, on préfère parler développement du réseau. Jeanne Barseghian, la favorite EELV du scrutin, promet de « construire 15 kilomètres de pistes par an et de mettre en place des autoroutes à vélo ». La France insoumise, elle, propose par la voix de Kévin Loquais, toujours à France Bleu, « des taxis vélos, des livraisons à vélo pour éviter que les camions se trimbalent dans la ville ».
Même le Rassemblement national enfourche la thématique. Sa tête de liste, Hombeline du Parc, annonce la création d'arceaux à vélo « un peu partout, notamment au niveau des arrêts de tram [et] de manière systématique au niveau des écoles, des bâtiments administratifs et des musées ».
Un conseiller au vélo à la mairie ?
La seule liste à rester muette sur le sujet est celle de Mathieu Cahn, certes réduit à l'état gazeux depuis son retrait au profit de sa colistière et ancienne maire de Strasbourg, Catherine Trautmann. Le tract distribué sur les marchés se contente d'augurer le « développement d'un réseau de transports performant et accessible à tous ».
De son côté, Cadr67 a déjà interpellé sur Facebook les candidats à la mairie. « Culture vélo, réseaux cyclables cohérents, vélo au quotidien », l'association pro-vélo se propose de conseiller le ou la future maire de Strasbourg. Car, à moins d'une politique volontariste, la première ville cyclable de France risque de se prendre une bordure. Et de finir comme Marie-Antoinette, en bas du podium.
Nicolas Massol