01 octobre 2019
A la plaine des Bouchers, l’association culturelle Art-Radouga propose depuis quinze ans des cours en langue russe chaque mercredi et samedi. De plus en plus de parents viennent, parfois de loin, pour en faire profiter leurs enfants.
Quand on passe rue Livio, en plein quartier industriel de la plaine des Bouchers, on ne s’attend pas à tomber sur une école. Pourtant, à deux pas d’un immense entrepôt Amazon, sur un bâtiment couvert de tôle grise, une affiche aux couleurs vives annonce : « Radouga [arc en ciel, ndlr], centre de développement éducatif et créatif franco-russe ».
Dans la cour, des enfants jouent, serpentent entre les camions de l’entreprise de construction Batiglobal avec laquelle l’association partage les locaux. Certains parlent en russe, d’autres en français. Il est 10h30, c’est l’heure de la pause. Elena Litvinov, qui enseigne ici depuis quinze ans, en profite pour souffler un peu. « Une maîtresse est malade, alors vous comprenez, je cours partout », lâche-t-elle sans même s’arrêter.
« On fait ça avec notre cœur »
Il faut dire que près de 100 enfants débarquent chaque samedi matin. Âgés de trois à seize ans, ils assistent à des cours de langue, d’histoire, de dessin, de musique… Le tout en russe. « C’est la base pour s’intégrer. Les parents m’ont amené leurs enfants pour qu’ils parlent la langue », explique Elena Litvinov, qui s’est enfin assise. Les maîtresses sont toutes bénévoles. La contribution des parents n’est que de 3 ou 4 euros. « On fait ça avec notre cœur, notre âme, pas pour l’argent », affirme l’éducatrice.
La société Batiglobal, à la même adresse, finance la structure. « C’est notre entreprise familiale », explique Elena Kouskine, directrice de l’école et vice-présidente de l’association. Local, matériel, travaux... tout est à leur charge. L'établissement ne reçoit aucune subvention de l’Etat.
Quoi qu’il en soit, le succès est au rendez-vous, avec plus de 230 élèves pour cette année, alors que les inscriptions sont encore en cours. En cette rentrée, deux classes supplémentaires ont ouvert, passant de dix à douze, et les cours se terminent une heure plus tard, à 14h30. « Personne n'est refusé », insiste Elena Litvinov, « à condition de valider un test de langue ». La demande est de plus en plus forte, soutient la professeure, y compris pour les tout-petits.
Un projet de crèche en suspens
Pour y répondre, l'association aspire à ouvrir une crèche bilingue. Mais le projet piétine. Elena Kouskine a pourtant déposé le dossier il y a plus d’un an. « Il y a beaucoup de travaux, et on doit subir une analyse de la terre par exemple », explique-t-elle. Pour l’heure, seul le jardin d’enfants associatif est permis, et accueille les trois à six ans. « Pour le reste, il y a énormément de normes… », confie la directrice. « Mais dès cette année, j’espère qu’on ouvrira la crèche ». A tel point que cette dernière est déjà proposée sur le site Internet, bien que non autorisée.
Loin de ces considérations, les enfants ne cachent pas leur enthousiasme. « C’est moi qui ai choisi d'être là, c’est super », lance l’un d’eux. « A la maison, on parle russe, mais avant de venir ici je ne savais ni le lire, ni l’écrire », enchérit un autre. Ils arrivent souvent de loin : de Saverne, de Colmar… d’Allemagne même. Peu d’entre eux sont originaires du quartier. « Si on était basés à la Robertsau, on aurait deux fois plus d’affluence », assure Elena Litvinov. « La Meinau fait peur à beaucoup de parents ». Et pourtant, quand ces derniers rappliquent, certains enfants ne sont pas pressés de partir.
Aïcha Debouza, Marine Godelier