Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.
Imprimeur bien connu de la communauté chinoise, Wang Yong, originaire de la province du Zhejiang, a fait un master en « art visuel » à l'Université de Strasbourg il y a 10 ans. Avec sa femme qui y a étudié l'architecture, ils sont installés dans la capitale européenne depuis 2003. Aujourd’hui, avec leur fille de 7 ans et leur fils de 2 ans, la famille de Wang est installée à demeure en Alsace. « Ma vie est à Strasbourg, j'ai ma vie sociale ici, ma femme et mes enfants, mon travail aussi. Je ne peux plus revenir en Chine », raconte Wang Yong devant le bureau de son entreprise.
Depuis 2000, des étudiants financés par leurs parents sont arrivés en France. Après leurs études à Strasbourg, et plutôt que de repartir en Chine, certains font le choix de débuter leur carrière professionnelle en France. Ils se mettent à leur compte, ou bien travailler pour de grandes firmes chinoises. Après 25 ans de croissance économique à deux chiffres, les entreprises de Shenzhen, Shanghai ou de Beijing s'attaquent désormais aux marchés étrangers. Elles ont besoin de salariés qui maitrisent la langue et la culture de leurs clients.
La pékinoise Yin Xiaofei (44 ans), est arrivée à Toulouse en 1998 pour suivre un master de marketing. Deux ans après, une fois son diplôme obtenu, elle a souhaité venir à l'Université de Strasbourg afin d'améliorer son niveau de français. En 2003, une société photovoltaïque chinoise originaire de Shenzhen (au sud de la Chine, dans la province du Guangdong) cherchait une responsable en France. Par l’intermédiaire d’une connaissance, Yin a été choisie comme chargée d'affaires de la filiale française de la société. Elle en est devenue la présidente.
Venu de la province du Zhejiang où il a étudié dans l'Université de Zhejiang, une des meilleures universités chinoises. Gu Xiaonan est envoyé en France en 1985 par le gouvernement pour faire son doctorat d’architecture à l’INSA de Lyon, puis de Strasbourg. Après son arrivée, il a tout d’abord été surpris par le faible nombre de pauvres en France et le décalage entre la vision de la propagande et le pays réel qu’il a découvert. Le mode de vie capitaliste ne lui semblait pas aussi néfaste que ce que l’on disait en Chine.
Au début de la réforme et de l'ouverture de la Chine en 1978, après les dix années de la révolution culturelle, le gouvernement chinois a décidé de sélectionner chaque année des étudiants, et de les envoyer à l'étranger pour leurs recherches scientifiques. Depuis les années 1980, des dizaines d'étudiants chinois boursiers ont été envoyés à Strasbourg. Certains ont renoncé à retourner en Chine après les événements de la place Tiananmen, d’autres ont choisi de rester en France parce qu’ils y trouvaient la vie plus agréable.
Venant de Shanghai, issu de l’université Fudan de Shanghai, une grande université réputée en Chine, Rao Bopeng vient en France en 1983 grâce à une bourse du gouvernement français. A la différence de la majorité des étudiants qui passaient leur temps à manifester durant la révolution culturelle, Rao Bopeng préférait étudier en autodidacte pendant que les écoles étaient fermées par les Gardes-rouges. Il n’a jamais cessé de lire durant les dix années du mouvement, même quand il a été envoyé à la campagne. Quand les concours d'entrée à l'université sont rétablis en 1977, plus de 5,7 millions de candidats s'inscrivent au concours dans l'espoir de changer leurs vies. Moins de 300 000 sont acceptés par les universités. Parmi eux, Rao Bopeng.
A Paris en 1983, il commence un doctorat en mathématiques qu'il soutient en 1989. Diplômé, il devient Maître de conférences à l’université de Nancy. Puis en 1994, après un concours exigeant, il devient professeur à l’Université de Strasbourg.
En arrivant en France il y a 32 ans, il découvre avec étonnement la vie occidentale : « Les affiches, les vêtements, le monde artistique, les musées, les habitudes alimentaires, l’ouverture des gens ». Il a été subjugué par les appareils photo et l’équipement du laboratoire, beaucoup plus avancé qu’en Chine. Aujourd’hui, affirme-t-il, « la Chine s’est tellement développée, les étudiants ont changé, ils pensent différemment car les conditions matérielles sont meilleures et dépassent même la France dans certains domaines, particulièrement dans les grandes villes chinoises. Au contraire, la France, déjà développée, n’a pas beaucoup évolué ces trente dernières années ». Intéressé au départ par les développements scientifiques dans son domaine en France, il prévoyait de rassembler des savoirs pour ensuite les transférer en Chine : «Retourner en Chine pour rendre service grâce à mes découvertes était à ce moment ma plus forte motivation. » Après son doctorat, il décide finalement d'intégrer l'Université française.
Les différences culturelles sont grandes, d’après Rao Bopeng. Par exemple, il trouve que les Français respectent beaucoup les règles tandis que les Chinois sont plus souples. Il le remarque que les Français se concertent toujours avant de changer quelque chose. Les relations personnelles sont moins codifiées en France.
Rao Bopeng croise rarement les étudiants chinois sur le campus, car il donne des cours surtout aux masters, tandis que les étudiants chinois sont plutôt en licence. Il a tout de même un avis au sujet de la différence de mentalité entre les étudiants d’aujourd’hui et ceux de son époque : « De mon temps, les étudiants menaient une vie simple, studieuse, sans beaucoup de besoins matériels, tandis que la génération de l’enfant unique forme des étudiants gâtés par leur famille. Mais ils sont également plus « dynamiques », ouverts sur les cultures étrangères».
Le professeur Rao Bopeng conseille aux nouveaux étudiants de se concentrer sur leurs études, sur la langue française, de se spécialiser: « Il n’y a pas de bon ou de mauvais métier mais chacun comporte son élite », affirme-t-il sentencieusement en citant un proverbe chinois.
A quelques dizaines de mètres, on rencontre un autre étudiant à l'IRCAD (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif). Zhu Wenwu, y est doctorant en imagerie médicale.
Envoyé par le gouvernement, le parcours de Zhu Wenwu ressemble à celui des étudiants d'il y a 30 ans. Fruit d'une féroce sélection, il fait partie d'un groupe de 3 étudiants de sa faculté. Le programme de collaboration franco-chinoise auquel il a participé est né en 2007 et promeut les échanges professionnels et dans la recherche avancée. Zhu Wenwu a passé sa jeunesse dans la province du Zhejiang mais il a poursuivi ses études à l’université de Chongqing, au sud-ouest de la Chine. Il est lié avec cette université par un contrat stipulant qu’il doit revenir travailler pendant deux ans en Chine après la fin de son doctorat. Une situation qu'il assume : « C’est normal de rentrer en Chine, c’est l’Etat qui nous a fourni cette opportunité ». Il explique aussi son choix de venir en France : « le monde du travail actuel demande des spécialistes internationaux qui connaissent à la fois les pays occidentaux et la Chine ».
Shen Meng est interne au nouvel hôpital civil de Strasbourg qui fait partie du programme de coordination sino-français pour la filière de formation médicale. Ce programme tire ses origines de l’Université « L’Aurore » fondée par les Jésuites en 1903 au sein de la concession française de Shanghai. Le programme est relancé après l’ouverture de la Chine en 1978. Depuis 1997, il se compose en France de 20 Centres hospitaliers universitaires (CHU) et 26 universités, dont celle de Strasbourg.
Aujourd’hui, les participants du programme à Strasbourg sont au nombre de dix : quatre jeunes médecins de Shanghai faisant fonction d’internes, cinq étudiants de Chongqing en cinquième année de médecine, ainsi qu’un médecin, thésard en sciences venant de Kunming ayant déjà exercé.
Shen Meng est arrivée en novembre dernier à Strasbourg. Cette année elle fait un an de stage avant de terminer son doctorat d’études médicales à l’université Jiaotong à Shanghai. Elle travaille comme médecin généraliste et a été recrutée après une classe préparatoire parmi les meilleurs étudiants pour obtenir un financement de son stage par le gouvernement français.
L’année dernière, Shen Meng a fait un stage d’un mois en Suisse. Elle est reconnaissante pour son expérience française : « J’ai beaucoup aimé cette opportunité de travail car ici je peux voir des conditions médicales avancées et apprendre beaucoup de choses. Même si la vie est calme et simple, c’est une ville intéressante pour étudier. Et c’est joli en plus ». Après ce stage, Shen Meng va rentrer en Chine pour finir son doctorat mais plus tard, elle souhaiterait travailler aux Etats-Unis : « L’avenir est plus grand là-bas. Il y a beaucoup plus de chinois qu’en Europe. Je n’ai pas l’habitude de la stabilité de la vie européenne ».
Son emploi du temps est chargé. Elle est de garde chaque jour de 7h30 à 20h. Elle vérifie les informations des patients sur l’ordinateur, précise l’ordre des opérations. Avec les autres internes, ils font les visites aux patients dans leurs chambres. Le stage de Shen Meng occupe donc la plupart de ses journées mais son espoir se concentre sur ses cinq semaines de congés qu’elle va consacrer à des voyages dans toute l’Europe.
Ce mardi soir, comme toutes les semaines, une dizaine d'étudiants chinois se réunissent chez Shi Jinhao, dans une colocation de quatre étudiants chinois. Parmi les participants, quelques étudiants de l'EM (Ecole de management de Strasbourg) se fréquentent souvent, dont Luo Siwen, Zhao Wenting et Ding Lan.
Dans les années 1920, quelques uns des premiers dirigeants du parti communiste chinois, comme Deng Xiaoping et Zhou Enlai sont venus étudier en France. Ils cherchaient une solution pour sauver la Chine des fléaux qui l'assaillaient. Les temps ont beaucoup changé, le monde s’est transformé. Aujourd'hui, en Chine, environ cent mille personnes apprennent la langue française. Et plus de trente cinq mille étudiants chinois font leurs études en France.A Strasbourg, les quelques 700 étudiants chinois sont présents dans de nombreuses disciplines.
Shi Jinhao, originaire de la province du Shandong, est actuellement étudiante en 2e année de licence de biologie à l'Université de Strasbourg. Arrivée comme lycéenne en 2009, c'est sa quatrième année en France.
Les relations diplomatiques entre la France et la Chine existent depuis déjà cinquante ans. Du communiqué officiel de quarante mots publié en 1964 à la coopération actuelle dans de nombreux domaines, les deux pays se connaissent de mieux en mieux grâce à la circulation de leurs citoyens. Pendant ce demi-siècle, de nombreux ressortissants du pays du « Dragon » sont venus dans l'hexagone. Parmi eux, beaucoup d'étudiants.