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Huit livraisons passaient quotidiennement à la trappe: de l'eau non distribuée dans les zones demandeuses, et de l'argent systématiquement « perdu on ne sait où »

« Société polluée » 

« La démocratie indienne nage dans l'hypocrisie, commente le politologue Ajit S. Abhyankar, membre du CPI (Communist Party of India). Et le jeu politique est très éloigné de la réalité de la société. » Membre du parti d'opposition, le BJP, le député Girish Bapat ironise sur cette situation : « Notre société est comme l'eau polluée, il suffit d'en boire un verre pour être contaminé à son tour ». Mais la faute, pour lui, en revient au NCP et aux électeurs « immobiles », qui ont pourtant le droit depuis 2005, grâce la loi sur l'accès à l'information, de consulter les documents de l'administration publique sur simple demande. Lorsque Girish Bapar était, lui, au pouvoir dans le Maharashtra, entre 1995 et 1999, son parti avait, assure-t-il, mis en place « un système d'irrigation bien plus adapté », à base d'abris pour conserver l'eau et de plus petits barrages. 

La réflexion fait sourire Suresh Dhas qui, lui, fait partie de la majorité. Député NCP dans une zone du Maharashtra fortement touchée par la sécheresse, il confie sans sourciller que s'il voulait « vraiment faire en sorte que tout le monde, y compris les populations rurales, ait un accès à l'eau, il faudrait que je change radicalement de politique. Et si je faisais ça, je perdrais les élections. Je préfère donc m’adapter au fonctionnement populiste de notre démocratie. » 

Comment s’étonner dès lors qu’à la veille des élections législatives fédérales de 2014, la population continue de se méfier des déclarations officielles ? Selon Parth Biswas, journaliste environnemental au Loksatta, du groupe de presse The Indian Express, les Indiens sont trop « habitués » à souffrir de la sécheresse pour en faire un thème de campagne : « La saison de la mousson aura passé, et on continuera comme d'habitude. » 

Lara Charmeil

La faute à pas de chance. Ou plutôt à la nature. Pour Suresh Gehule, le président du district de Pune, « s'il n'y a plus d'eau dans les barrages à cause des moussons trop faibles, que peut faire le gouvernement ? » Membre du National congress party (NCP), parti au pouvoir dans une coalition avec l'Indian National Congress (INC), Suresh Gehule prévient que « l'an prochain, lors des élections, je dirai que le gouvernement a fait du bon travail, que nous avons augmenté la capacité des réservoirs, créé plus de petits canaux, de barrages, et donné de l'emploi aux paysans démunis ». La critique récurrente selon laquelle il y aurait trop d'eau pour les industries, pas assez pour les citoyens ? Une « thèse conspirationniste » selon lui. 

Caméra cachée

Pour Vijay Paranjpe, économiste environnemental et fondateur de l'ONG Gomukh, la sécheresse actuelle est pourtant le résultat de quatre décennies de politique incohérente, et d'une non-application des lois d'irrigation. Il avance comme preuve de ces  « aberrations » que dans l'Etat du Maharashtra, qui compte le plus grand nombre de barrages de toutes les régions de l'Inde, 60% des eaux sont utilisées à des fins industrielles, et notamment dans la canne à sucre, qui n'occupe pourtant que 3% des terres à irriguer. «L'élite politique contrôle tout, du sucre au système de camions-citernes en passant par la mélasse, s'insurge Vijay Paranjpe. Et je ne vois pas pourquoi le système global changerait puisque la moitié des entreprises appartient aux politiques du NCP, l'autre à ceux du BJP (Bharatiya Janata Party, le parti de l'opposition).» 

Viyaj Paranjpe n'est pas le seul à tempêter contre le comportement des politiques. L'ONG de Vivek Velankar, Alert Citizens Forum, a elle aussi voulu le dénoncer en installant une caméra cachée devant le bâtiment de la PMC (Pune Municipal Corporation). Là où les camions-citernes s'enregistrent et viennent se recharger en eau publique pour la livrer aux frais du contribuable.

Le différend est loin d’être réglé puisque l'apurement des comptes fâche aussi. « Delhi n’a payé qu’un milliard de roupies sur les cinq et demi qu’ils doivent. Ils ne sont donc pas en mesure de réclamer quoi que ce soit. » Au Delhi Jal Board, on se refuse à tout commentaire sur ce volet financier. Ce casse-tête coûte, quoi qu’il arrive, très cher au gouvernement de Delhi. « On a construit trois réservoirs supplémentaires destinés à contenir l’eau économisée avec le CLC, explique Sanjam Cheema. Mais ils ne servent à rien pour le moment. » 

Rajeev Verma préfère ironiser. « Delhi a construit ces réservoirs sans même nous avertir. S’ils nous l’avaient dit, on aurait pu les prévenir qu’ils seraient inutiles… » Pour trouver une issue à cette querelle interminable, l’Upper Yamuna River Board encouragé par  un groupe de ministres fédéraux a proposé sa médiation. Delhi attend beaucoup de cette intervention. 

Mais le rôle de de l’UYRB reste modeste, comme l’explique HK Sahu  : « Je ne dirai pas que Delhi a raison, ni que l'Haryana a raison, ni même que la Cour suprême a eu raison. Je ne suis là que pour faire respecter l’arrêt de 1996 et faire en sorte que les choses se passent du mieux possible. » 

En attendant un hypothétique dénouement, Delhi et l’Haryana pourraient prochainement expérimenter un nouvel objet de conflit. Les six Etats riverains de la Yamuna ont entrepris la construction, au nord du pays, d’un nouveau réservoir de stockage des eaux de la mousson. Delhi espère en être la seule bénéficiaire. Ni l’Haryana, ni les autres Etats, n’entendent lui faire cette concession. 

Shahnawaz Alam, Antoine Izambard, Thibaud Métais

A Deshgavan, alors que la plupart des hommes ont gagné les villes de l’ouest du Maharashtra pour chercher du travail, les vieux, les femmes et les enfants tentent de survivre en attendant leur retour, et la pluie.

Le Godavari, un cours en justice

La partie la plus pauvre du Maharashtra du Maharashtra se plaint d'un déséquilibre dans le partage de l'eau. Au tribunal de trancher. 

 

Les habitants disposent d'un parc de 14 hectares au coeur de la cité.  Photo: Lorraine Kihl/Cuej

Les eaux usées sont intégralement retraitées pour être utilisées dans l'irrigation. En cas de rupture d'approvisionnement en eau potable, un mini centre d'épuration permet de nettoyer l'eau de la nappe phréatique, pompée dans l'un des huit puits du quartier. Outre les tours verre et acier de la cybercité, 8 000 résidences ont été construites pour accueillir, entre autres, ses salariés. Tout a été conçu pour satisfaire leurs besoins à proximité : école, épiceries, équipements sportifs...

Calme et sécurité

« L’avantage de la vie à Magarpatta, c’est qu’elle supprime les problèmes basiques, comme devoir se lever tôt pour faire des provisions d’eau. Mais ce que l'on recherche en venant habiter ici, ce n'est pas tant les services que le calme et la sécurité », assure Jash, un ingénieur de 29 ans venu s'installer à Magarpatta city en octobre. Hormis les aller-retours quotidiens qui le mènent à son travail, il ne quitte presque plus le quartier. « J’ai déjà passé deux-trois mois sans voir une seule fois la ville, je ne supporte plus '' l’extérieur '' : le trafic, la pollution, le désordre. »

Près de 40 000 personnes habitent désormais ce ghetto vert. Des employés des 48 entreprises du site, des étudiants, des femmes célibataires et des militaires retraités.

A Bangalore, la « Silicon valley » du high-tech indien, l’outsourcing informatique montre des signes de ralentissement suite à la relocalisation dans les pays occidentaux de certaines activités. Pas de quoi faire sourciller Manik Sharma, le vice président de la société qui administre le quartier : « Toutes les entreprises sont locataires. Si un secteur ralentit ou s’écroule, d’autres prendront le relais ».

Lorraine Kihl et Thibault Prévost

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