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Ancien local vide d'Alsan Market rue de Franche-Comté.            © Almamy Sané

Le processus de transformation urbaine fait aussi des gagnants, à l’image d’Aslan Market. Après huit premières années d’activité rue de Franche-Comté, il commence une deuxième vie en déménageant en 2019 dans des locaux plus grands et modernes au 3, rue de Picardie. Le magasin a bénéficié d’une aide du Fond européen de développement régional (Feder), en soutien aux petites et moyennes entreprises des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une bonne affaire pour Aslan Market comme pour les habitants, qui peuvent acheter des produits locaux mais également venant d’Asie, de Turquie et de Russie. Dans ce déplacement, le supermarché a néanmoins perdu quelques fidèles : Saïd, 62 ans, chef d’équipe dans l'assainissement, confie ne plus s’y rendre : "Il faudrait que je prenne la voiture." Il se ravitaille désormais exclusivement chez Auchan. Pareil pour Majdi Mtiri, commerçant au Neudorf : "Moi, je faisais mes courses à Aslan à la rue Franche-Comté, mais je ne vais pas de l’autre côté, rue de Picardie".

 

Lounès Aberkane et Fanny Lardillier
 

Selon les équipes pastorales, les fidèles sont issus du centre de Strasbourg, des communes alentour mais aussi, de bien plus loin. "On a des personnes qui font 50 km pour venir. Ils viennent de Colmar, de Haguenau …", indique Siegfried Schelské. "Quand les fidèles trouvent une église qui leur correspond, ils n’ont pas peur de faire du chemin", précise Jérôme Kantelberg. C’est une particularité de l’évangélisme selon Frédéric Rognon, professeur à la faculté de théologie protestante de Strasbourg : les fidèles ne vont pas à l’église du coin mais ils en essayent plusieurs, jusqu’à trouver celle qui leur plaît. Pour Stéphane, 30 ans, l’Epis est la plus convaincante  :  "C’est un ami qui m’a invité en 2017. Je suis resté car on y trouve beaucoup de cultures."

Les non-francophones se reconnaissent de loin. Ils sont quelques dizaines à arborer des casques audio. Dans leurs oreilles résonne la traduction anglaise, allemande ou arménienne du culte. Les trois traducteurs sont isolés dans des cabines situées au fond de la salle. L’équipe pastorale de l’Epis a recensé plus de 60 nationalités parmi ses fidèles. Ce mélange de cultures en plein cœur de la Plaine des Bouchers, "c’est une richesse, analyse Sebastiao Ntela. Il ne faut pas trouver bizarre le fait qu’il y ait autant d’églises dans ce quartier".

Garance Cailliet et Hady Minthé

Cartographie de l'état des immeubles devant être détruits dans le quartier de la Canardière, dans le cadre de la phase deux du Projet de renouvellement urbain 2019/2030. © Lya Roisin--Pillot, Angellina Thieblemont 

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Yildiz Dileck a appris en 2019 la future destruction de son PMU. © Almamy Sané

Une autre barre commerciale sera également bientôt rayée de la carte, rue de la Canardière. Appartenant au bailleur In’li, elle compte une boulangerie, un salon de coiffure et un PMU. Yildiz Dileck, propriétaire de ce dernier, vit dans l’incertitude depuis l’annonce de la destruction de son commerce en 2019, deux ans après son installation. In’li aurait évoqué à Yildiz Dileck la possibilité de le reloger rue de Bourgogne dans un nouvel immeuble, mais elle affirme n’avoir pas reçu davantage de précisions depuis. "Je me suis rapprochée d’une avocate pour avoir plus d’informations sur l’évolution, les dates. Je n’ai toujours pas de retour car il y a un déni vis-à-vis des commerçants. Les réunions visaient plus les locataires des logements", déplore-t-elle.

Aslan Market, une success story subventionnée

Son bâtiment se trouve en plein milieu d’une portion de la cité qui va faire peau neuve. Certains ensembles voisins ont déjà été vidés, d’autres sont en cours de relogement. "Quand on vide un immeuble de 56 habitants, c’est possiblement des clients qu’on enlève. Ça a un impact négatif sur le commerce, et nous, ça nous met dans des doutes pas possible pour l’avenir", regrette-t-elle. 

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Les cinq commerces vides rue de Champagne seront détruits. © Almamy Sané

Ailleurs, la tentative de redynamiser l’offre commerciale s’inscrit dans le sillage du Projet de renouvellement urbain (PRU) débuté en 2006. Elle passe par des destructions, comme celui du bâtiment de la rue de Champagne. Cet ensemble de cinq locaux commerciaux déserts abritait jusqu’au printemps 2023 La Cantine, dernier fast-food de la Canardière. Sa fermeture laisse les clients du bar voisin La Caravelle perplexes. 

Un manque de visibilité qui interroge

Majdi Mtiri, commerçant de 45 ans au Neudorf, avait l’habitude d’y manger deux fois par semaine. "Maintenant, pour manger, il n’y a pas grand chose à part la boulangerie. Il manque un snack", se plaint-il. Le nouveau bâtiment qui sera construit à la place du bloc sera composé de 46 logements mais aucun magasin en rez-de-chaussée, soit une perte potentielle de cinq enseignes pour le quartier.

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