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Le Parlement européen a approuvé, mercredi 10 mars, les grandes lignes d'une nouvelle directive sur la coopération fiscale, qui doit notamment permettre de mieux cibler les géants du numérique. Les eurodéputés invitent cependant les Etats à aller plus loin dans l’harmonisation et l'échange d’informations.
« Il est urgent de mettre en place un système de fiscalité européenne efficace, les systèmes fiscaux nationaux ne sont plus à la hauteur », a déclaré l’eurodéputée autrichienne Evelyn Regner (S&D - sociaux-démocrates) lors de l'examen au Parlement européen d'un projet de directive visant à améliorer la taxation des revenus issus des plateformes numériques. Mercredi 10 mars, les eurodéputés ont adopté leurs recommandations sur le texte et invité les Etats à fluidifier davantage l’échange de données entre leurs administrations fiscales.
Un important manque à gagner pour les États
Actuellement, de nombreuses entreprises, notamment du secteur numérique, bénéficient des opportunités économiques offertes par le marché commun européen tout en profitant de sa faible harmonisation fiscale pour échapper largement à l'impôt. Ainsi, certaines plateformes s'organisent pour être imposées dans les Etats où les taxes sont les plus faibles, comme l’Irlande ou le Luxembourg, alors qu'elles réalisent l'essentiel de leurs profits dans d'autres pays européens. De telles pratiques résultent en des pertes importantes de recettes fiscales pour ces derniers. « Airbnb ne déclare que ses frais marketing en France mais pas ses bénéfices, ce qui fait qu’elle y est taxée à un niveau très faible », explique l’eurodéputé française Aurore Lalucq (S&D).
Mais les entreprises ne sont pas les seules fautives. Le manque d'harmonisation, de réactivité et de transparence des États en matière fiscale complexifie grandement le traçage des flux financiers en Europe. « Nos autorités ne travaillent pas suffisamment ensemble », regrette ainsi l’eurodéputé Sven Giegold (Les Verts), en charge du dossier à la commission parlementaire des affaires économiques et monétaires.
L’un des principaux points d'amélioration mis en avant par les parlementaires dans leurs recommandations concerne le délai maximum de communication des informations fiscales entre Etats. La Commission européen propose qu'il soit fixé à 6 mois, ils conseillent quant à eux de le réduire à 3 mois. Les eurodéputés suggèrent également de mettre en place l’obligation pour les Etats de communiquer les informations fiscales de n’importe quel citoyen à un Etat en faisant la demande. Enfin, ils appellent à combler le vide juridique concernant les crypto-monnaies qui sont actuellement très faciles à dissimuler au fisc. Maintenant que le Parlement a rendu son avis, la nouvelle législation sur la coopération en matière fiscale doit être approuvée par les Etats membres pour une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2023.
Thomas Wronski
A Bruxelles, jeudi 11 mars, les eurodeputés ont exigé que la Commission européenne engage sans plus attendre des sanctions envers la Pologne et la Hongrie. Ces deux pays sont accusés de violations de l'état de droit.
Les eurodéputés ont interpellé le 11 mars la Commission européenne sur son manque de réactivité face au non-respect de l’état de droit dans certains pays, notamment en Pologne et en Hongrie. Pour la majorité d'entre eux, l’étendue de ces transgressions est considérable et nécessite d’être traitée rapidement. L’eurodéputé allemand Daniel Freund (Les Verts) décrit un détournement de fonds européens massif en Hongrie. Du coté polonais, les réformes judiciaires attirent les critiques pour avoir réduit l’indépendance des tribunaux. « Il y a une forte urgence à agir », insiste Freund.
Devant les eurodéputés, le commissaire européen au Budget, Johannes Hahn, s’est voulu rassurant. Il a indiqué que « toute violation sera traitée avec fermeté » et qu'« aucune poursuite ne sera abandonnée ». Il a aussi expliqué que les dossiers d'infraction à l'état de droit devront être préparés minutieusement pour être efficaces.
L’eurodéputé polonais Bogdan Rzonca (ECR - conservateurs) est quant à lui persuadé que son pays évitera les sanctions. « Il n'y a aucune vraie menace au respect de l'Etat de droit et aux principes de la démocratie en Pologne. Les actions de la Commission européenne sont le résultat d’une campagne de députés du groupe S&D (sociaux-démocrates) et du PPE (centre-droit) au Parlement européen ». Son compatriote Robert Biedrón (S&D) ne partage pas cet avis. Lors des débats, il a affirmé que la procédure de sanctions « devait être mise en œuvre très rapidement ».
Des sanctions difficiles à appliquer
Le respect de l’état de droit fait partie des principales valeurs de l’Union européenne. La corruption ou l’interférence du gouvernement dans le système judiciaire vont à l’encontre de celles-ci. Le traité de Lisbonne prévoit des sanctions pour ce type de dérive comme la suspension des droits de vote au Conseil de l'Union Européenne de l’Etat membre contrevenant. Cette procédure reste cependant difficile à appliquer puisqu’elle doit être approuvée à l’unanimité des autres Etats. En 2018, des eurodéputés ont alors proposé une alternative : un Etat membre qui violerait l’état de droit pourrait se voir retirer une partie des fonds communautaires à la simple majorité qualifiée.
Cette procédure de sanctions financières est en vigueur depuis le 1er janvier 2021, mais le Parlement attend toujours qu’elle soit appliquée contre la Hongrie et la Pologne. Il reproche à la Commission sa lenteur excessive et lui demande d'accélérer les poursuites contre les deux Etats. Une résolution officielle pour marquer l’insatisfaction du Parlement devrait être présentée dans les prochaines semaines. En attendant, la Hongrie et la Pologne contestent fermement les accusations du Parlement. Jeudi 11 mars, ils ont même déposé un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour annuler la procédure engagée à leur encontre. Selon l’eurodéputé finlandais Petri Sarvemaa (PPE), la Commission n’a pas d’autres choix que d’attendre la décision de la Cour avant de décider d'éventuelles sanctions. Or, la CJUE ne devrait pas trancher sur le sujet avant l’automne 2022.
Emilio Cruzalegui
Les premières conclusions sont attendues pour le printemps 2022. « Elles seront suivies sans tabou, s’il faut réformer les institutions et les traités, faisons-le », assure Sandro Gozi. « Tous les scénarios sont ouverts », insiste Paolo Rangel (PPE-Centre-droit). Un enthousiasme qui n'est cependant pas pleinement partagé par tous. Ainsi, pour Bert-Jan Ruissen (ECR - conservateurs), il convient de fixer des lignes rouges pour « que l’Union européenne ne devienne pas un "super-État", mettant de côté les spécificités nationales.»
Dans l'immédiat, une nouvelle incertitude pèse sur l'organisation de la Conférence. Sa séance inaugurale pourra-t-elle se tenir à Strasbourg le 9 mai prochain, comme prévu, malgré la pandémie ?
Amandine Poncet
Un lancement retardé
L’idée de la Conférence était sur la table depuis longtemps. Dès son élection à la tête de la Commission en juillet 2019, Ursula Von der Leyen avait exprimé son envie d'initier un moment d'échange citoyen sur l’avenir de l’Union. En janvier 2020, les eurodéputés avaient adopté une résolution allant dans le même sens. Mais les désaccords entre les Etats membres sur le mode de gouvernance d'une telle conférence, puis l'émergence de la pandémie du coronavirus, ont conduit à repousser son lancement d’une année.
Le fonctionnement finalement retenu est celui d’une présidence conjointe de la Conférence par les trois institutions européennes. Un compromis un peu décevant pour les libéraux du Parlement européen qui auraient préféré une présidence unique, confiée à leur ancien président de groupe, le belge Guy Verhofstadt. L'eurodéputé Sandro Gozi (Renew - libéraux) espère néanmoins que ce dernier s'imposera comme « le protagoniste principal du comité exécutif ».
Des agoras réservées aux jeunes
« Ce n’est pas une Conférence pour la bulle bruxelloise, nous voulons entendre la majorité silencieuse », a déclaré Ursula Von der Leyen lors de la cérémonie de signature. Les citoyens seront ainsi invités à proposer leurs idées dans des « agoras » et sur une plateforme en ligne multilingue interactive. Certaines seront spécialement réservées aux jeunes.
Les propositions citoyennes seront ensuite débattues dans le cadre d'une « assemblée plénière » composée de représentants des institutions européennes, des parlements nationaux et de la société civile. « Combiner les plénières et des agoras est le meilleur moyen pour que cette Conférence ne soit pas juste un show », estime Helmut Scholz (GUE/NGL - extrême-gauche).
Les eurodéputés ont débattu de la stratégie européenne pour préserver les droits des enfants avec la vice-présidente de la Commission européenne, Dubravka Šuica. La pandémie de Covid-19 a entravé l'instruction et a pesé sur la santé mentale de beaucoup d'enfants, notamment à cause de la fermeture des écoles. La Commission présentera le 24 mars un nouveau plan d’action pour garantir les droits des mineurs dans tous les États membres. « Grâce à notre action, les enfants pourront retourner à l’école en sécurité », a précisé Dubravka Šuica.
La secrétaire d’Etat pour les Affaires européennes du Portugal, Ana Paula Zacarias, a rappelé devant les eurodéputés l’importance du nouveau plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, récemment dévoilé par la Commission européenne. Au nom de la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne, elle a confirmé l’organisation d'un sommet social à Porto, le 7 et 8 mai 2021. Le nouveau plan d’action constituera la base des discussions entre les participants au sommet.
Alexis Cécilia-Joseph, Emilio Cruzalegui
Mercredi 10 mars, les présidents des trois principales institutions européennes ont signé une déclaration commune instituant la « Conférence sur l'avenir de l'Europe ». L'objectif de celle-ci est d’associer les citoyens aux futures réformes de l’Union européenne.
« La démocratie est fragile, il faut la protéger en impliquant les citoyens », a déclaré le président du Parlement européen, David Sassoli, pendant la cérémonie de signature de la déclaration commune de la « Conférence sur l’avenir de l’Europe », ce mercredi 10 mars. Aux côtés de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, et du président du Conseil, Antonio Costa, il s’est réjouit de la tenue de cette Conférence qui devrait durer près de deux ans. Son but est de mieux prendre en compte l’opinion des citoyens européens, dont 92 % souhaitent que leur voix soit davantage entendue dans les décisions européennes, selon un sondage Eurobaromètre de février 2021.
Dans un rapport adopté mercredi 10 mars, le Parlement européen plaide pour que les entreprises écoulant leurs produits en Europe respectent davantage l’environnement et les droits humains. Les eurodéputés demandent à la Commission de légiférer rapidement sur le sujet.
« Faire des affaires au XXIème siècle oblige à agir de façon responsable », estime Lara Wolters. L' eurodéputée néerlandaise (S&D - sociaux-démocrates) est à l’origine du rapport sur le devoir de vigilance et la responsabilités des entreprises adopté mercredi 10 mars par le Parlement européen. « Travail forcé des Ouïghours en Chine, dégâts causés aux récifs du Curaçao, ouvriers morts sur le chantier de la Coupe du monde au Qatar. À chaque fois, des entreprises européennes sont impliquées et ont causé des dommages à travers leur activité », déplore-t-elle.
Les eurodéputés souhaitent que l’Union européenne se dote d’outils plus efficaces pour contraindre les entreprises commercialisant leurs marchandises sur le continent à cesser leurs atteintes à l’environnement et aux droits humains. Ils veulent les obliger à contrôler scrupuleusement ce qui se passe sur l’ensemble de leur chaîne de production, y compris dans des pays tiers.
Pour Sabine Gagnier, chargée de plaidoyer à Amnesty International France, « les entreprises devraient être capables de cartographier précisément les risques sur leur chaîne d’approvisionnement pour se prévaloir d’atteintes aux droits humains ». En cas de manquements à leurs obligations, des sanctions devraient pouvoir s’appliquer. Jusqu’à présent, aucun texte n’existe à l’échelle européenne sur le devoir de vigilance. Seule la France s’est dotée d’une législation en la matière en 2017.
Trois types d’entreprises sont ciblés par le Parlement : les multinationales, les PME cotées en bourse et celles évoluant sur un secteur considéré à haut risques comme le secteur minier.
« Un texte ambitieux »
Pour l'eurodéputée française Manon Aubry, (GUE/NGL – gauche radicale) la prise de position du Parlement constitue « une petite révolution car avant les entreprises se dédouanaient de toute responsabilité ». Elle poursuit: « ce rapport visera à mettre un terme à l’impunité des multinationales avec l’objectif de les sanctionner en cas de mauvaises pratiques. Malgré la mobilisation des lobbys, ce texte reste ambitieux ».
Si un large consensus a pu être trouvé, certains députés ont insisté sur la nécessité de ne pas faire porter de trop lourdes contraintes sur les entreprises. « Pour éviter une bureaucratie inutile, les entreprises, en particulier les PME ne peuvent et ne doivent pas avoir à retracer chacun de leurs éventuels milliers de fournisseurs », avance l'eurodéputé allemand Axel Voss (PPE – centre droit).
Didier Reynders, le commissaire européen à la Justice a assuré avoir entendu l’appel du Parlement : « la Commission fera son devoir. Notre objectif est d’engendrer une économie européenne juste et équitable. Il est important que nous respections nos valeurs dans et en dehors de l’Union européenne », a-t-il annoncé. La proposition de la Commission européenne pour responsabiliser les entreprises devra être publiée d’ici l’été 2021.
Alexis Cécilia-Joseph