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Jean-Philippe Vetter, la droite idéale
Il avait dit que ce serait son dernier mandat. Mais le 13 décembre dernier, Gilbert Meyer a décidé de revenir sur cette promesse faite en 2014 en se présentant une nouvelle fois aux élections municipales à Colmar. Confortablement installé dans son fauteuil de maire depuis 25 ans, il s’y accroche toujours.
Sa réélection pour un cinquième mandat semblait presque une formalité, jusqu’à ce que Éric Straumann, député de la première circonscription du Haut-Rhin, annonce sa candidature le 1er février. Résultat : deux listes menées par des candidats LR s’affrontent.
Face à eux, deux listes du centre, l’une menée par LREM, l’autre par le MoDem. À gauche, Lutte ouvrière s’est lancée dans la course, ainsi que les écologistes. Il faudra également compter sur les gilets jaunes, associés à des membres de LFI et des syndicalistes. En tout, sept listes sont en compétition dans la préfecture du Haut-Rhin.
Troisième round entre Meyer et Straumann
Yves Hemedinger, premier adjoint et troisième sur la liste du maire sortant, dit regretter la division de la droite. D’autant que lui-même vient de laisser passer sa chance : en 2019, il était pressenti pour succéder à Gilbert Meyer. Il avait même envisagé, pendant un moment, entrer en dissidence et mener sa propre campagne. Mais la décision du maire sortant l’a contraint à revoir ses ambitions en se rangeant derrière lui. « Nous voulons rassembler les Colmariens, pas diviser notre famille politique », concède-t-il.
Éric Straumann ne l’entend pas ainsi. « On arrive au bout d’un cycle, martèle-t-il à chaque interview. Maintenant, c’est le bon moment. Dans six ans, j’aurai plus de 60 ans, ce sera trop tard pour un premier mandat de maire », poursuit-il. Sa décision tardive est venue changer la stratégie de campagne de Gilbert Meyer. Fin janvier, celui-ci assurait qu’une seule réunion publique, avant le premier tour, serait suffisante, signe d’une campagne à minima. Après l’annonce d'Éric Straumann, ce sont neuf rencontres que l’équipe du maire sortant a organisées en février dans différents quartiers de Colmar.
Pour le premier édile, Éric Straumann représente une menace sérieuse. Leur première confrontation remonte à 2007. Lors des élections législatives, Éric Straumann vient défier le député sortant, Gilbert Meyer, et lui arrache son siège à l’Assemblée nationale. Cinq ans plus tard, il remporte une seconde fois la circonscription face au maire de Colmar. Cette année, ils s’apprêtent à en découdre pour la première fois sur le scrutin municipal et Éric Straumann espère bien faire chuter Gilbert Meyer lors de cette troisième manche.
L’acte de divorce du MoDem
Au centre aussi, la campagne est marquée par les rivalités. En juillet 2019, ils étaient deux à demander l’investiture LREM. Finalement, c’est Stéphanie Villemin, la référente départementale du parti, qui l’a obtenue, au détriment de Tristan Denéchaud, membre du MoDem.
Les deux candidats centristes s’étaient rencontrés pendant l’été, évoquant alors la possibilité de faire une liste commune. Mais Tristan Denéchaud a décidé d’entrer en campagne avec ses propres colistiers. Conseiller municipal depuis 2008, il explique sa décision par un manque d’affinité avec la candidate choisie par LREM : « Même si nous aurions pu nous entendre sur le programme, il n’y avait pas les atomes crochus tant en termes de projet que de personne ». Il en profite pour critiquer le processus d’investiture de LREM. « Je n’ai jamais été auditionné, je n’ai jamais pu présenter mon programme. » Même s’il avoue être satisfait de ne pas porter cette étiquette aujourd’hui.
De son côté, Stéphanie Villemin précise avoir proposé la deuxième place de sa liste au candidat du MoDem, avant de lâcher : « C’est une mauvaise idée qu’il n’y ait pas de liste commune ». Et d’assurer, six mois après la décision de LREM, de ses bonnes intentions : « Nous avions pris un engagement et je me serais rangée derrière lui s’il avait été investi ». Un scénario qui restera invérifiable.
Le grand flou avant le scrutin
Car ni l’un ni l’autre n’aura cédé et là aussi, ce sont deux listes qui se font face. À l’évocation d’une fusion entre les deux tours, Stéphanie Villemin ne dit pas non, mais Tristan Denéchaud prévient : il n’a pas l’intention d’être relégué au second plan.
Tous les deux reconnaissent pourtant les similitudes de leurs projets. A droite aussi, les programmes se ressemblent, Éric Straumann invoquant surtout le renouvellement du conseil municipal.
C’est donc entre ces quatre listes du centre et de la droite, divisées par des querelles personnelles plus que politiques, que les Colmariens doivent choisir. Une situation qui plonge la campagne dans la confusion. Mais si le nom du futur maire reste la grande inconnue de ce scrutin, il ne fait aucun doute que la ville, bastion de la droite depuis des décennies, ne connaîtra pas de basculement politique majeur.
Aurélien Gerbeault
Après recensement des propositions des candidats aux municipales de Strasbourg, l’écologie arrive en tête alors que la sécurité est quasiment absente des débats.
Sans surprise, l’environnement est la thématique la plus évoquée dans la campagne aux municipales à Strasbourg. Elle fait la couverture de la plupart des programmes des candidats et représente un cinquième de la totalité des propositions. Tout le monde se veut « vert » et trois candidats en font leur priorité numéro un : à gauche avec Jeanne Barseghian (34,3% des propositions) et Kévin Loquais (28,6%), comme à droite avec Jean-Philippe Vetter (21,4%).
Globalement, la stratégie écologique des candidats est presque systématiquement la même. La majorité des mesures sont consacrées à la place de la nature en ville et à une végétalisation massive de l’espace urbain. C’est un tiers des propositions environnementales d’Alain Fontanel, de Catherine Trautmann et d'Hombeline du Parc et plus de la moitié de celles de Vetter, qui se veut le candidat « anti-bétonisation ».
Arrive ensuite la question des déchets et de la pollution, suivie par les énergies renouvelables, notamment mises en avant par les candidats de gauche. Ces derniers accordent également une large part à la transition écologique, fer de lance des programmes économiques de Jeanne Barseghian (64% des mesures économiques) et de Catherine Trautmann (45%).
L'infographie ci-dessous compile les thématiques développées dans le programme de chaque candidat [plus de détails en cliquant].
La sécurité poussée par le RN
Comme chaque année, la sécurité apparaît comme un enjeu saisonnier, suite au Marché de Noël et aux événements de la Saint-Sylvestre à Strasbourg. C’est pourtant une thématique quasiment, voire totalement absente des programmes de certains candidats comme celui de Kévin Loquais (une proposition).
La sécurité représente à peine plus de 5% des propositions qui figurent dans les programmes des candidats. Une moyenne largement remontée par la droite et l'extrême droite. Avec 21 des 44 propositions sécuritaires, la tête de liste du Rassemblement national, Hombeline du Parc, est la seule à en faire son principal argument de campagne.
Car si Jean-Philippe Vetter, le candidat Les Républicains, a fait de l’insécurité son cheval de bataille, en mettant en avant des photos de voitures brûlées sur ses tracts, c’est seulement la septième thématique la plus développée dans son programme.
Benjamin Martinez
Comment nous avons procédé ?
Notre recensement totalise 787 propositions que nous avons classées en onze thématiques (voir graphique ci-dessus).
Pour recenser les propositions des candidats, nous avons étudié leur programme officiel. À chaque fois, nous avons relevé leurs propositions concrètes, en écartant au maximum les constats et déclarations d’intention qui ne les engageaient pas.
Par souci de lisibilité, sur les onze listes qui se présentent à Strasbourg, nous avons étudié les six principales : Alain Fontanel (LREM, Modem, Agir), Catherine Trautmann (PS), Jeanne Barseghian (EELV, PCF), Jean-Philippe Vetter (LR) Kévin Loquais (LFI, Génération.s) et Hombeline du Parc (RN).
Nous avons donc délibérément exclu les candidats restants : Chantal Cutajar (Citoyens engagés), Patrick Arbogast (Égalité active), Mathieu Le Tallec (POID), Louise Fève (Lutte Ouvrière), Clément Soubise et Isabelle Wendling (NPA, Gilets jaunes).
Parfois qualifié de « Macron alsacien », Alain Fontanel est souvent considéré comme un homme de dossiers. « Je ne suis pas sûr que ce soit un maire proche des gens, c’est un énarque qui va prendre des décisions dans son bureau », pense Valentin, un ami de Jean-Philippe Vetter, la tête de liste des Républicains.
Mise en scène de la vie privée et hashtags
« Je veux remettre de l’humain dans le quotidien ». Ce slogan de campagne, il l’applique aussi dans sa communication. Sur ses tracts électoraux et sur les réseaux sociaux, Alain Fontanel met en scène sa vie privée. L’étiquette En marche est plus discrète. « Alain Fontanel surfe sur sa personnalité, sur le fait qu’il soit connu », constate Edouard Steegmann, colistier de Catherine Trautmann.
Sur son site de campagne, le candidat macroniste dresse longuement son portrait d’homme à tout faire. Il explique avoir pratiqué, dans sa jeunesse, le piano, la flûte à bec, le hockey, le tennis et pose en premier de la classe à l’école Branly de Strasbourg. Et lorsqu’on lui demande de se présenter, ses premiers mots sont « je suis père de trois enfants ». Humain donc, des fois qu’on en doute... Il est plus à l’aise sur les réseaux sociaux qu'entre les étals du marché. Sur Instagram, le favori dans les sondages pose sur son vélo, en vampire pour Halloween, avec son fils à la plage arborant le maillot du Racing Club de Strasbourg. Assisté de son directeur de campagne, Julien Midy, il n’hésite pas à reprendre les codes du réseau social de photos : textes stylisés, couleurs vives, phrases accrocheuses. Tous les événements auxquels participent Alain Fontanel sont filmés et publiés sur Instagram pour ses 1668 abonnés. C’est le roi du hashtag.
Être lisse pour ratisser large
Au moment des élections municipales de 2014, le premier adjoint avait refusé tout rapprochement avec le centre. « C'est une primaire à gauche, nous n'avons pas fait la proposition à la direction nationale du MoDem de participer », déclarait-il alors. Depuis, la donne a bien changé, il est désormais l’un des derniers espoirs des municipales pour Emmanuel Macron, dans les grandes villes. Le chef de file d’Agir, parti proche du MoDem, Pierre Jakubowicz, en 9e position sur la liste d'Alain Fontanel, cohabite avec Paul Meyer, passé par Génération.s (15e position). « Meyer est de l'extrême gauche du PS et Jakubowicz est de l’UMP, Fontanel retourne sa veste à des fins électorales », tacle Valentin, militant LR. Le vice-président de l’Eurométropole mène désormais une liste LREM/MoDem/Agir soutenue par Roland Ries, son mentor. « C’est une liste sur laquelle il y a des gens qui partagent la politique nationale du gouvernement et d’autres qui s’y opposent », explique-t-il. À deux semaines du premier tour, le candidat poursuit sa campagne, sans remous. Reste à savoir si, en cas de victoire de la liste, l'entente idyllique des colistiers perdurera dans l'arène du conseil municipal.
Maxime Arnoult
Homme de l’ombre de l’actuel maire de Strasbourg Roland Ries depuis 2008, Alain Fontanel, se trouve, cette fois, dans la lumière. « Je suis un grand timide mais je me soigne », explique-t-il dans une interview à StrasTv. Le quinquagénaire se place en favori. « Un sondage reste un sondage, il vaut mieux être premier que dernier », tempère-t-il. Une réponse à l’image du candidat : consensuelle.
Des entrailles du PS à la lumière d’En marche
Le désormais candidat macroniste a été conseiller d’Harlem Désir entre 2008 et 2014. En coulisse, il a réglé les conflits au sein du PS. À cette période, il est envoyé à la rescousse pour remettre de l’ordre au sein des fédérations des Bouches-du-Rhône, de l’Hérault, du Pas-de-Calais mises sous tutelle par le parti. Fort de son expérience à l’échelle nationale et investi par LREM, il lance sa campagne dès octobre. Ce samedi de la fin février, Alain Fontanel, 51 ans, a déposé son vélo au marché de Neudorf, à Strasbourg. Entouré par ses colistiers, il est planté au milieu des allées, peu avenant, à attendre que les habitants viennent à sa rencontre. Lorsqu’une mère et son fils saluent le candidat, il répond d’un ton hésitant : « Restez mobilisés ». Laetitia Hornecker, numéro 2 de sa liste et maraîchère, a été séduite par sa personnalité : « Quand on le connaît, il est complètement à l’opposé de l’image qu’on lui donne, il est proche des gens, simple et humble », décrit-elle.
Une voie royale vers le pouvoir
Alain Fontanel coche toutes les cases du parcours classique menant à l’exercice du pouvoir. Après une jeunesse passée dans le quartier de la Robertsau à Strasbourg, il poursuit ses études à Science Po Paris. Le Strasbourgeois décolle ensuite pour le Vietnam en mission humanitaire, une expérience qu’il n’hésite pas à mettre en avant sur son site de campagne et dans ses tracts. Voilà pour la lutte contre la pauvreté et l’injustice. Il rénove un hôpital, donne des cours de français : Alain Fontanel reste dix ans dans ce pays et intègre l’antenne française d’assistance à la transition économique du Vietnam. À son retour en France, le candidat réussit le concours d’entrée de l’École nationale d'administration (ENA) et s'assoit sur les bancs de la promotion « République » entre 2005 et 2007, puis devient magistrat financier à la Cour des comptes. Alain Fontanel a rejoint le bureau exécutif du parti créé par Emmanuel Macron, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, alors que sa femme, Marie Fontanel, camarade de promotion du président de la République à l'ENA, devenait sa conseillère santé.
Si l’on a bien compris, chacun partage un morceau de bilan, mais personne ne veut en endosser toute la responsabilité. Les écolos ont beau jeu de rappeler qu’Alain Jund et sept autres élus ont claqué la porte de la coalition de l'Eurométropole en 2018 pour cause de GCO. Ils n’ont pas pour autant rejoint les rangs de l’opposition, et sont même restés dans la majorité à Strasbourg. Quant à Catherine Trautmann, malgré son : « Moi, j’assume le bilan », elle n’est pas la dernière à dire qu’elle aurait fait les choses autrement, eût-elle été au pouvoir. « Roland Ries ne la tenait au courant de rien, confie en aparté Anne-Pernelle Richardot, cinquième sur sa liste. Sur l’urbanisation du jardin des Deux-Rives, ou sur le Shadok, elle a été écartée de la gestion des dossiers, pilotés par Fontanel. »
La gauche diluée
Parmi les colistiers du premier adjoint à la mairie, certains n’hésitent pas à mettre en avant les dissensions dans la majorité sortante, responsables selon eux de certains échecs. « Pendant tout le mandat, il y a eu des tensions entre le Parti Socialiste (PS) et Europe écologie - Les Verts (EELV), diagnostique Paul Meyer, adjoint au numérique et soutien d’Alain Fontanel. La gauche s’est diluée, ce n’était plus possible de rester avec les écologistes. » Alors, en juin 2017, il crée avec son acolyte Jean-Baptiste Gernet, adjoint aux mobilités alternatives, la Coopérative sociale, écologique et citoyenne. Le mouvement cherche alors à rallier l’aile gauche de la majorité PS de Roland Ries, après le départ d’Alain Fontanel, venu grossir les rangs des marcheurs dès 2016. « En fait, l’idée de Meyer était de prendre le PS en tenailles : à droite La République en marche (LREM) et à gauche la Coopérative », analyse Eric Schultz, membre fondateur de la Coopérative, qui a depuis rejoint la liste de Catherine Trautmann. Autre sympathisant, attiré par l’initiative de Paul Meyer, Alexandre Feltz, a choisi de devenir le colistier de Jeanne Barseghian. Une saignée dont la Coopérative, forte de sept élus à ses débuts, ne s’est pas remise. Même si elle grenouille désormais au bas des tracts d’Alain Fontanel, aux côtés de LREM et d’Agir, elle est une coquille presque vide, tout juste animée par le binôme Gernet-Meyer.
Idéologie
La gauche de la majorité de Roland Ries se trouve désormais écartelée entre trois listes. Mais c’est naturellement contre les écolos, favoris de l’élection, que se concentrent les critiques. « Les Verts sont en charge de l’urbanisme et des solidarités, dégaine Paul Meyer. Ils font beaucoup de discours idéologiques mais leur gestion a été désastreuse ». Il est vrai que l’adjoint au numérique, hamoniste de formation, passé avec armes, bagages et Coopérative dans le camp du marcheur Fontanel, n’est pas du genre, lui, à s’embarrasser d’idéologie. À le voir s’amuser comme larron en foire au débat de mercredi avec Pierre Jakubowicz, le chef de file d’Agir, le mouvement de Fabienne Keller, on comprend que les clivages de la campagne de 2014 ont été dépassés. Au grand dam de Jean-Philippe Vetter, ancien assistant parlementaire de la dernière édile de droite de la capitale alsacienne.
Les vieux amants quittent le débat, ce mercredi. Il y a bien eu quelques assiettes cassées mais rien d’irréparable. Devant la librairie Kléber, Alain Fontanel se félicite même de la tenue des échanges : « Nous avons tous travaillé ensemble, et regardez : nous arrivons à nous réunir dans la même pièce et à discuter plus ou moins dans le calme ». Façon de sous-entendre que ces passes d’armes n’empêcheront pas les discussions de se poursuivre. Dans la cuisine de l’entre-deux tours, tous ces politiques, qui se connaissent somme toute assez bien, sauront trouver les mots pour recoller les morceaux.
Maxime Arnoult et Nicolas Massol