Ce lundi, 5200 sidérurgistes européens ont manifesté à Bruxelles pour dénoncer la concurrence déloyale pratiquée par la Chine sur le marché européen. Décryptage d'une crise qui menace plus de 330 000 emplois en Europe.
"Nous manifestons pour que la Commission Européenne renforce ses procédures anti-dumping contre la Chine" explique Charles de Lusignan, porte-parole de la fédération Eurofer, co-organisatrice de la manifestation. Equipés de casques et de gilet jaunes, les manifestants ont appelé à "garder les emplois forgés en Europe", avant qu'une délégation de représentants ne soit reçue par Jean-Claude Juncker, président de la Commission Européenne.
Le 5 février, sept ministres de l'Economie européens (français, allemand, britannique, italien, polonais, belge et luxembourgeois) avaient adressé une lettre à la Commission européenne et au Conseil (représentants les 28 Etats membres de l'UE). "L'Union européenne ne peut rester passive lorsque l'augmentation des pertes d'emplois et des fermetures d'aciéries montre qu'il existe un risque important et imminent d'effondrement du secteur européen de l'acier", ont-ils averti.
Ce lundi matin, lors d'un déplacement a Roubaix, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie français, a insisté en déclarant que "la sidérurgie européenne est aujourd'hui attaquée, de manière injuste", "l'Europe doit se protéger, s'armer"
Pourquoi la sidérurgie européenne souffre-t-elle de la concurrence chinoise ?
Selon Eurofer (la fédération des sidérurgistes européens), 85 000 emplois directs ont été supprimés depuis 2008 dans l'Union Européenne pour ce secteur qui compte, depuis ces suppressions, près de 330 000 salariés dans cette zone. L'UE est le deuxième plus gros producteur d'acier au monde après la Chine, avec 177 millions de tonnes par an, soit 11% de la production mondiale. Mais le ralentissement de l'économie chinoise a poussé le pays a déverser sa production à l'étranger, d'où une chute du cours de l'acier de 38 % en trois ans, passant de 675 dollars la tonne en 2013, à 449 dollars en 2016.
Pékin est aussi accusée de pratiquer du dumping sur le prix de son acier en subventionnant ses entreprises sidérurgiques, ce qui leur permet de maintenir des prix inférieurs aux coûts de production. C'est en ce sens l'UE a annoncé vendredi l'ouverture de trois enquêtes sur les prix de produits sidérurgiques chinois. "La demande européenne en acier augmente de 1 à 2 % par an mais elle est entièrement absorbée par les importations chinoises", souligne Charles de Lusignan. Pour les sidérurgistes européens, les bas prix de l'acier chinois et la réaction tardive de l'UE sont donc clairement responsables de la destruction des emplois sidérurgiques en Europe.
Ce que réclament les manifestants ?
Lors de leur rencontre avec Jean-Claude Juncker, les représentants de la sidérurgie ont appelé une modernisation des outils anti-dumping de l'UE, afin de les rendre plus efficaces et plus rapides. Ils souhaitent aussi que la Chine ne soit pas reconnue par l'Europe comme étant une économie de marché. En effet, en 2001 lors de son entrée au sein l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la Chine n'était pas considérée comme telle. Ce statut facilite l'application de taxes sur les produits dumpés. Il doit être révisé en 2016, et les sidérurgistes européens craignent que la Chine bénéficie du statut d'économie de marché qui supprimerai la taxe anti-dumping limitant actuellement la concurrence chinoise sur le marché européen. Ils ont d'ailleurs rappelé que la Chine ne remplissait qu'un seul des cinq critères caractérisant une économie de marché (répartition des ressources économiques par le marché, suppression du commerce de troc, gouvernance d’entreprise, droits de propriété et ouverture du secteur financier). La suppression du troc étant l'unique critère rempli jusqu'à présent.
À l'issue de la rencontre avec les sidérurgistes, la Commission a rappelé que le secteur de l'acier était avant tout confronté à une surcapacité mondiale : "les défis auxquels sont confrontés le secteur de l'acier vont plus loin que le commerce uniquement". Une manière de ne pas donner de réponse définitive aux sidérurgiste européens.
Quelle est la position de la Chine ?
La Chine supporte mal son statut actuel au sein de l'OMC. Elle a fait connaître son intention de réduire sa production d'acier de quelque 150 millions de tonnes sur les cinq prochaines années (elle produit actuellement 803 millions d'acier par an), alors que sa surproduction est estimée à 340 millions de tonnes par des experts.
Les négociations s'annoncent donc délicates au sein de la Commission Européennes étant donné les liens d'interdépendances qui unissent la Chine et l'Union Européenne en matière de commerce.
Théau Monnet