Deuxième jour de mobilisation dans le secteur de la métallurgie en Allemagne. A l'appel du puissant syndicat allemand IG Metall, une cinquantaine d'usines sont bloquées ce jeudi 1er février. L'usine Bosch de Bühl est l'une d'elle. Malgré des négociations tendues entre syndicat et patronat, la mobilisation s'est déroulée dans une ambiance bon enfant.
Devant la tente dressée sur le parking de l'usine Bosch de Bühl, le feu crépite. Malgré le froid, ils sont 200 salariés mobilisés depuis 5 heures du matin. Mais seules les banderoles et les écharpes bardées du logo et des initiales d'IG Metall indiquent qu'il s'agit d'une mobilisation syndicale.
Sous la tente chauffée, l'ambiance est familiale et festive. Dans un coin, une jeune femme anime un atelier maquillage, tandis qu'une autre distribue des goodies à l'effigie du syndicat. Attablés, les salariés, accompagnés de leurs amis ou de leurs familles, partagent un hot-dog ou un café sur fond de musique locale. Parmi eux, Markus, 42 ans, et son fils de 4 ans. « Cela fait 8 ans que je travaille chez Bosch à plein-temps. J'aurais bien aimé profiter de la semaine de 28 heures quand j'ai eu mon fils ». La semaine à 28 heures, c'est l'une des revendications d'IG Metall défendues depuis l'automne dernier. Face au refus du patronat, le syndicat a lancé mercredi un appel à l'arrêt d'usines pendant 24 heures et sur trois jours. Au total, ce jeudi, 52 usines sont bloquées en Allemagne. L'objectif est de permettre aux salariés qui le souhaitent, notamment ceux qui s'occupent de leurs parents ou de leurs enfants, de pouvoir réduire leur temps de travail pour une durée maximum de deux ans avec une compensation salariale.
Une proposition soutenue par Anita et Monica, salariées chez Bosch depuis plus de 30 ans. Toutes deux proches de la retraite, elles n'avaient pas connu de mouvement d'une telle ampleur depuis 1984. « A l'époque, la mobilisation a duré six semaines et le patronat a fini par céder », raconte Monica. La semaine de 28 heures leur permettrait de passer plus de temps avec leurs enfants et petits-enfants. Quant à la hausse de 6 % des salaires, autre revendication syndicale, elles y sont très favorables. « Ça permettrait de compenser l'inflation », explique Anita.
A midi, les salariés sont rejoints par un groupe de jeunes apprentis venus casser la croûte. Même si leur statut ne leur permet pas de profiter de la hausse des salaires et de la semaine à 28 heures, ils soutiennent le mouvement. Peu après leur départ, des applaudissements retentissent depuis la tente. A l'intérieur, les salariés saluent l'arrivée d'un homme sur l'estrade. Cet homme, c'est Ahmet Karademir, le président d'IG Metall-Offenburg. Il fait le point sur les négociations avec le patronat.
«Nous étions à Stuttgart hier soir. Nous avons négocié avec le patronat jusqu'au petit matin, mais ça n'a rien donné. Pourquoi ? Parce que le patronat nous a fait des propositions honteuses ». Après une salve d'applaudissements, le syndicaliste poursuit. « Les employeurs nous demandent d'être toujours plus flexibles pour s'adapter aux carnets de commandes. Soit. Mais en 2018, nous estimons que la flexibilité doit aussi profiter aux salariés et à leur vie de famille. » Avant de quitter l'estrade, Ahmet Karademir appelle les salariés à garder le sourire, « parce qu'une mobilisation doit se faire dans la joie et bonne humeur », et fait place à Philipp Zink, jeune star locale.
La mobilisation se poursuit dans une ambiance festive, mais une salariée met en garde. « Pour l'instant, on procède 'à l'allemande', dans le respect mutuel. Mais la situation pourrait vite changer. » Les négociations entre syndicats et patronat seront relancées durant le week-end. Mais si d'ici lundi matin, ils ne parviennent pas à trouver un accord, IG Metall procèdera à un vote de ses membres pour lancer un réel mouvement de grève, un cas inédit en Allemagne.
Wyloën Munhoz-Boillot