Robert Biedron, gay et ahtée, a lancé dimanche 3 février son parti politique de gauche, Wiosna («printemps» en polonais). Nouvel espoir des progressistes, il tente de se faire une place dans le paysage politique conservateur et catholique polonais.
Robert Biedron, ovni politique et nouvel espoir pour la Pologne./DR
6 000 personnes se sont réunies dimanche dans un stade couvert à Varsovie pour le meeting de Robert Biedron. L'ancien maire de Slupsk a annoncé la création de son parti politique, Wiosna. Entouré de drapeaux polonais et européens, le politicien de 42 ans énonce les grandes lignes d'un programme social, en rupture avec Droit et justice (PiS), parti de droite conservateur au pouvoir, et son principal opposant, Plateforme civique (PO), libéral de centre-droit.
Robert Biedron envisage notamment la séparation totale de l'Église et de l'État dans un pays majoritairement catholique. L'homme politique souhaite supprimer le financement des cours de religion à l'école, ou encore les avantages fiscaux accordés au clergé. Au programme également, la libéralisation de l'avortement, l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes, et l'union entre les personnes du même sexe. Écologiste, il prévoit la fermeture de toutes les mines de charbon d'ici 2035.
«Ce sont des promesses populistes, réagit Boguslaw Sonik, député européen de Plateforme civique. C'est compliqué de changer la loi sur l'avortement, elle est issue d'un compromis passé il y a une vingtaine d'années.» En accord avec Robert Biedron sur les questions d'égalité hommes-femmes, de démocratie et de liberté, il déplore néanmoins son «fort discours anti-clérical». Boguslaw Sonik ajoute : «Nous lui avons proposé de se joindre à nous dans un bloc démocratique pour faire barrage au PiS, mais il a refusé.» Ses adversaires l'accusent d'ailleurs de faire le jeu du parti au pouvoir, en divisant l'opposition.
Parviendra-t-il à s'imposer durablement dans le paysage politique polonais ? Robert Biedron serait crédité de 6 à 10% des votes pour les élections européennes en mai prochain selon plusieurs sondages. Ce qui le placerait en troisième place, derrière le PiS et PO.
Un retour de la gauche en Pologne ?
«Il y a toujours l'effet de nouveauté, analyse Boguslaw Sonik. Ceux qui aspirent à un retour de la gauche comptent sur Robert Biedron.» En Pologne, la gauche a totalement disparu du parlement il y a trois ans. Aucun parti n'a atteint le seuil nécessaire de 8% des voix lors des élections de 2015. «Sous le drapeau d'une gauche verte et sociale, Biedron peut rassembler les branches de gauche dispersées», explique Boguslaw Sonik. Il rappelle tout de même l'échec d'initiatives similaires dans le passé, comme celle de Janusz Palikot, ayant obtenu 10% des suffrages en 2011, ou le parti Razem qui avait récolté 3,6% des voix en 2015.
Robert Biedron mise sur son bilan en tant qu'ancien maire de Slupsk, ville d'environ 100 000 habitants. Il se félicite d'avoir réduit la dette de sa commune, tout en privilégiant le développement rural. «C'est un très bon candidat, il a fait du super travail», considère Maxim, 25 ans, habitant de Koszalin, à 70 kilomètres de Slupsk. «Les Polonais ne sont pas très ouverts d'esprit sur l'homosexualité, ça pourrait le desservir», note-t-il néanmoins. Fondateur de la Campagne contre l'homophobie en Pologne, Robert Biedron a été le premier député à assumer publiquement son homosexualité.
Dans ses discours, il ne se définit pas clairement comme de gauche, mais plutôt comme «progressiste». Pour une redistribution des richesses en faveur des zones rurales qu'il estime laissées de côté, il se donne pour objectif de réunir une Pologne divisée, moins d'un mois après l'assassinat de Pawel Adamowicz. Le maire de Gdansk, catholique, avait soutenu la communauté LGBT et accueilli des migrants dans sa ville. Dans son discours, Robert Biedron affirme vouloir «réaliser son héritage».
Mathilde Obert