Nouveau rebondissement dans la crise ukrainienne : ce 10 février, Joe Biden a demandé aux Américains de quitter l’Ukraine « maintenant » en raison d’une possible invasion russe. Les médias internationaux en parlent.
La crise ukrainienne continue de faire couler de l’encre. Malgré les efforts diplomatiques pour apaiser les tensions, le président américain a averti que « les choses pourraient vite s’emballer » dans une interview accordée à la chaîne NBC ce jeudi. Il a répété qu'il n'enverrait pas de soldats sur le terrain en Ukraine, même pour évacuer des Américains dans l'hypothèse d'une invasion russe, car cela pourrait déclencher « une guerre mondiale ».
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a assuré, vendredi 11 février que la Russie amassait encore plus de troupes à la frontière avec l’Ukraine et a averti qu’une invasion « pourrait commencer à tout moment ». Quelques heures plus tard, le Kremlin déclarait que les discussions avec Paris et Berlin n'ont produit « aucun résultat ». Qu’en pense la presse internationale ?
Izvestia : « Dudakov, politologue : l'appel de Biden aux Américains de quitter l'Ukraine n'est que des mots »
Izvestia est un quotidien de référence en Russie. Créé au cours de la révolution de 1917, il s’agit d’un des titres les plus importants du pays, avec la Pravda. Dans un article, le quotidien donne la parole au politologue russe Malek Dudakov. Les annonces alarmistes du président américain mêleraient bluff et opportunisme.
« De tels avertissements et appels ne vont pas au-delà des discussions verbales. (..) Comme l'a souligné la partie russe, de telles accusations sont utilisées comme prétexte pour déployer autant d'équipements militaires de l'OTAN que possible près des frontières de la Fédération de Russie [...]. Une provocation organisée par l’Occident pourrait avoir lieu sur le territoire de l’Ukraine…»
Moscow Time : « Biden exhorte les Américains à quitter l'Ukraine alors que les craintes d'une invasion russe augmentent »
De son côté le Moscow Time, un journal indépendant et occidental diffusé en anglais, n’a fait mention des propos de Joe Biden que de façon très factuelle. Le quotidien généraliste et gouvernemental Rossiyskaya Gazeta mise, lui, sur la censure et n’évoque aucun aspect de la crise ukrainienne : du déploiement des forces russes en passant par les réactions internationales, comme celle de Joe Biden.
Segdonia : « Biden fait peur aux américains »
Segodnia est un quotidien ukrainien de langue russe, au moment de la guerre du Donbass il était connu pour ses prises de position en faveur de la paix entre la Russie et l’Ukraine. Dans un article paru ce vendredi matin, le journal fustige les propos du président américain :
« Washington continue de faire tourner le tourbillon d'hystérie en répandant de fausses prédictions d'une invasion russe en Ukraine.[... ] Le dirigeant américain n'a pas oublié d'ajouter que l'armée américaine n'ira en Ukraine sous aucun prétexte, sinon il y aura une nouvelle guerre mondiale. [...] Et là, vous pouvez assister à un spectacle très divertissant où les Slaves s'entretuent avec la main légère des Anglo-Saxons. »
Argoumenty i Fakty : « Les choses peuvent rapidement s’emballer » et « Pourquoi les Américains ont-ils été invités à fuir l’Ukraine ? »
Même son de cloche du côté d'Argoumenty i Fakty, un hebdomadaire en langue russe d'information générale. Il fait paraître une édition internationale, imprimée en Allemagne et diffusée dans divers pays d'Europe et au-delà, qui est appréciée de la dispora russophone. Le site web a totalement fait l’impasse sur la crise ukrainienne dans la matinée : aucune trace de l’interview de Joe Biden avant 14 heures. Mais le média a fini par publier un article, pas des plus tendres envers les occidentaux :
« Les États-Unis font monter les enchères. Les politiciens européens ne sont pas sérieusement préoccupés par l'évolution de la situation. [... ] Le représentant allemand au format Normandie a même voulu se promener avec son chien pendant les discussions. « Les Anglo-Saxons préparent quelque chose » [...] Nous sommes le 11 février, et pourtant certains analystes des médias occidentaux ont prédit qu'une « invasion » russe de l'Ukraine commencerait dès janvier. Ils fixent désormais une nouvelle date pour le « déclenchement de la guerre » : la fin des Jeux olympiques d'hiver à Pékin. Après tout, si l'on en croit les sources anonymes « secrètes » de CNN, le président chinois Xi Jinping a personnellement demandé au président russe Vladimir Poutine de reporter l'invasion afin de ne pas gâcher l'événement sportif chinois. »
Le média ukrianien tourne en dérision le ton alarmiste de Joe Biden. Un écho clair à la position adoptée par le gouvernement ukrainien qui a minimisé l’appel aux ressortissants américains à quitter l’Ukraine : « Il n'y a rien de neuf dans cette déclaration », a relativisé le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.
CNN : « Les choses pourraient vite s'emballer »
Outre-atlantique, les titres américains, loin de minimiser les faits comme leurs homologues russes et ukrainiens, reprennent allègrement, souvent en titraille, les propos fatalistes d’un monde au bord d’une guerre mondiale. Comme le fait le Wall Street Journal : « Les États-Unis avertissent leurs alliés que la crise en Ukraine met en péril l'ordre de l'après-Seconde Guerre mondiale ».
Tagesschau : « Les citoyens américains devraient quitter l'Ukraine »
En Allemagne, pourtant impliquée dans les négociations engagées entre la Russie et l’Ukraine, les médias font les timides. Le Tagesschau se contente d’un papier factuel sur le sujet, même son de cloche du côté du Der spiegel. La presse allemande ne se mouille pas au lendemain de l’interview du président américain.
Enora Seguillon et Iris Bronner
Edité par Eléonore Disdero