Michel-Edouard Leclerc persiste : le patron du groupe de distribution veut remettre en cause le monopole des pharmacies sur la vente de médicaments. Il annonce pouvoir faire baisser le prix des médicaments non remboursés de 25 à 30 %.
Des médicaments sur les rayons des supermarchés, c'est déjà une réalité dans de nombreux pays, et cela pourrait le devenir en France. Michel-Edouard Leclerc, a annoncé ce lundi sur l'antenne de Canal+ vouloir vendre des médicaments non remboursés, ou médicaments d'automédication, dans ses magasins. L'objectif est de pratiquer des prix inférieurs de 25% à 30% par rapport aux officines : « Aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de concurrence entre les officines, il y a un écart de un à deux dans le prix des produits de pharmacie. On va essayer de mettre un peu de concurrence dans ce secteur », explique le PDG.
Seuls les produits dits de para-pharmacie sont pour l'instant disponible dans les supermarchés. Mais pour pouvoir vendre ces produits, les enseignes de grande distribution ont l'obligation d'embaucher des pharmaciens. Une présence qui justifie, pour Michel-Edouard Leclerc, le droit de pouvoir vendre également des médicaments : « Pour vendre de la dermo-cosmétique et du lait pour nourrissons, nous avons des pharmaciens. A partir du moment où ils sont chez nous, nous ambitionnons de vendre des médicaments, notamment les médicaments qui ne sont plus remboursés, qui ne sont plus remboursables ».
Michel-Edouard Leclerc lundi matin, dans la matinale de Canal +
« Michel-Edouard Leclerc veut s'approprier une part du marché de la santé »
Le déremboursement récent de nombreuses spécialités pharmaceutiques risque en effet de peser lourd dans le portefeuille des Français. L'automédication représente déjà un tiers de leurs dépenses de médicaments. La libéralisation du secteur apparaît pour certains comme la solution pour faire baisser les coûts, mais elle suscite la ferme opposition des pharmaciens d'officine.
«Michel-Edouard Leclerc ne poursuit qu'un seul objectif, celui de s'approprier une part du marché de la santé, au détriment de la sécurité. On ne peut pas, d'un côté, débattre de la dangerosité de certains médicaments, même les plus courants telles que les pilules contraceptives, et de l'autre ouvrir le marché à la grande distribution », clame Jean-Luc Audhoui, de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pour lui l'argument de la baisse des prix grâce à la grande distribution ne tient pas, et il propose plutôt un encadrement des tarifs des industriels.
Michel-Edouard Leclerc n'en est pas à son coup d'essai : en 2008 et 2011, il avait déjà fait la même proposition. Sans succès : pour le moment en France, la vente des médicaments reste un monopole exclusif des pharmacies, y compris pour ceux ne nécessitant pas d'ordonnance. Et seuls les pharmaciens inscrits à l'ordre national de la profession peuvent être propriétaires d'une officine rappelle la Direction générale de la santé (DGS). Sans changement de la loi, il est donc impossible de voir aspirine ou encore substituts nicotiniques prendre place dans les rayons des supermarchés. Or, cela ne semble pas être la volonté du gouvernement : « Les dernières lois votés vont plutôt dans le sens d'un encadrement strict de la la prescription et de la vente des médicaments », explique-t-on à la DGS.
Pourtant, en mars dernier, l'association de consommateurs UFC-que Choisir avait réclamé l'autorisation de la vente des médicaments d'automédication en supermarché (sous la surveillance impérative d’un pharmacien diplômé), arguant que le monopole des officines entraînait un surcoût pour les acheteurs, sans pour autant garantir des conditions de sécurité satisfaisantes. La réclamation était restée lettre morte, tout comme la recommandation faite en ce sens par le rapport Attali en 2007. Depuis le 31 décembre 2012, un décret autorise en revanche la vente de certains médicaments sur Internet, à condition que le site internet soit adossé à une pharmacie physique.
Vincent Di Grande