Depuis le mois de juin, une Française de 27 ans se bat pour se faire greffer un nouvel utérus. L'opération qu'elle demande n'a jamais été pratiquée en France, mais récemment, deux Suédoises ont reçu avec succès l'utérus de leurs mères. Rien n'affirme toutefois qu'elles pourront vraiment avoir un enfant. Pour mieux comprendre les enjeux d'une telle opération, Cuej.info a interviewé François Olivennes, gynécologue-obstétricien, spécialiste des traitements de l'infertitilé.
Cuej.info : La greffe d'utérus est-elle une opération compliquée ?
François Olivennes : Oui, très compliquée. Comme toutes les greffes d'organes en fait, notamment parce qu'il s'agit de relier des centaines de vaisseaux sanguins les uns aux autres. Une fois l'opération finie, la première étape consiste à voir si le corps du receveur accepte le greffon. Ensuite, si l'organe continue à bien fonctionner. Dans le cas d'un utérus, de voir s'il peut garder durablement un embryon. Et puis ensuite, il faut que l'organe résiste bien aux épreuves qui l'attendent. Un utérus implanté supportera-t-il la croissance du foetus ? Le plus gros risque, c'est une rupture de l'utérus, ou des sutures de la greffe.
C.I : Pensez-vous qu'une femme puisse vraiment avoir un enfant avec un utérus greffé ?
FO : Il est encore trop tôt pour le dire. Il y a trois ans, lorsque l'opération avait été réalisée en Arabie Saoudite, tout le monde avait crié à l'exploit. Malheureusement, six mois plus tard, l'utérus implanté avait arrêté de fonctionner et on avait dû le retirer. Les opérations pratiquées en Suède semblent plus fiables. Attendons de voir, après la cicatrisation complète, si ces femmes pourront mener une grossesse à terme.
C.I : Comment s'assurer de la réussite de l'opération ?
FO : On ne peut jamais assurer que l'opération réussira. Mais en Suède, les donneuses sont de la même famille que les receveuses. C'est déjà un plus ! Avoir des liens génétiques minimise les risques de voir le greffon rejeté.
C.I : Les donneuses suédoises étaient vivantes lorsqu'elles ont donné leur utérus. Cela signifie-t-il que l'on peut parfaitement vivre sans cet organe ?
FO : Sans aucun problème. Et puis, comme le disait l'un de mes collègues, "l'utérus, avant 40 ans, ça fait des enfants. Après 40 ans, ça fait des emmerdes." (rires)
C.I : Actuellement, aucune greffe d'utérus n'a encore été pratiquée en France. Pourquoi ?
FO : Une opération de ce genre demande de nombreuses années de recherche, de très haut niveau. Et pour le moment, personne ne s'y est vraiment attelé en France. On en est encore loin. Et puis, l'opération pose aussi des problèmes éthiques. C'est généralement le cas avec les greffes d'organes qui ne sont pas vitaux. Greffer un cœur, un foie, ça sauve des vies et c'est donc globalement accepté par tout le monde. Mais dès que ce n'est pas absolument nécessaire, ça pose plus de problèmes. Rappelez-vous du gros débat autour de la greffe de visage. Avec l'utérus, ça risque d'être pareil : d'où vient cet utérus ? A qui a-t-il été pris ? Est-ce malsain qu'une mère donne son utérus à sa propre fille ? Pour beaucoup de personnes, ça peut être des questions gênantes.
C.I : Êtes-vous personnellement favorable à la greffe de l'utérus ?
FO : Je suis tout à fait pour. Je pense que si on y arrive, ce sera une très bonne chose et ça évitera le recours à la GPA. Même si ça ne se fera jamais aisément.
Propos recueillis par Mélina Facchin
Photo François Olivennes, Crédit forumeuropeendebioethique.eu