À Carcassonne, les salariés de l'entreprise Pilpa, spécialiste de la fabrication de crèmes glacées, ont manifesté mardi matin pour sauver leurs emplois. L'entreprise est, d'après la direction, en difficulté et souhaite depuis juillet 2012 se débarrasser de l'usine de Carcassonne. Après deux projets de plans sociaux refusés par la justice en décembre 2012 puis en janvier 2013, la direction souhaite à présent vendre les bâtiments et les terrains de l'usine à la société Comelec, spécialisée dans l'installation et la mise en œuvre de réseaux électriques et de télécommunications. Une décision qui pourrait coûter leurs emplois aux salariés, mais pas seulement. Ces derniers souhaitent racheter eux-mêmes leur entreprise, qu'ils pensent encore tout à fait viable, pour en faire une Scop, une société coopérative de production. Sans locaux ni matériel, ce projet tomberait à l'eau.
Ces reprises en Scop sont de plus en plus fréquentes. Et comme les employés de Pilpa, ceux de l'usine Goodyear à Amiens Nord ont envisagé cette solution de secours qui offre une certaine pérennité : une grande part des bénéfices est mise de côté pour être réinvestie dans l'entreprise et les salariés, touchant des dividendes sur les bénéfices, sont plus impliqués.
Si les reprises d'entreprises en difficulté par des Scop sont très médiatisées, elles ne représentent qu'un faible pourcentage des Scop françaises.
Source: Confédération générale des Scop
Ce type de reprise n'est effectivement pas le plus évident. Quand une entreprise en difficulté souhaite fermer une usine, la direction envisage très rarement ses salariés comme repreneurs potentiels.
Par ailleurs pour créer une entreprise, Scop ou non, il faut que cette dernière soit viable, avec un produit attractif et un marché existant. Dans le cas de reprises d'entreprises en difficulté, il faut que le projet soit validé par le tribunal de commerce. Si une entreprise est vouée à l'échec, la transformer en Scop ne la sauvera pas miraculeusement.
Il faut également trouver un nouveau dirigeant. Pour relancer l'entreprise, il faut quelqu'un qui connaisse son fonctionnement et soit capable d'endosser le rôle de dirigeant, gestionnaire, commercial. Par ailleurs, dans une Scop, le dirigeant est élu par ses salariés. Ce dernier doit donc avoir leur adhésion.
Mais en général, la plus grande difficulté reste financière. Pour reprendre une entreprise, il faut un apport de départ, qui même avec le soutien des banques, n'est pas toujours évident à rassembler. Bien souvent, les salariés repreneurs ne disposent pas d'assez d'argent, de temps et de compétences administratives pour mener ce projet à bien.
Pour faciliter ces processus, la confédération générale des Scop souhaiterait un plus grand soutien de l'État, notamment avec la création de dispositifs d'aide à la reprise et des prêts relais à taux zéro.
Pour l'usine Pilpa, créer une Scop permettrait de conserver 60 des 124 emplois menacés. Mais selon les salariés, le projet n'aurait pas le soutien de la direction et de la préfecture. Le rachat du site par Comelec sera, lui, discuté jeudi 7 mars lors d'un comité d'entreprise.
En Alsace, une entreprise en difficulté a été rachetée par ses salariés. Aujourd'hui c'est une Scop à succès. Reportage à Reichstett.
Une Scop : késako ?
Les Scop, sociétés coopératives et participatives sont des SA ou SARL dont les salariés sont les actionnaires majoritaires. Ils détiennent 51 % du capital social et 65 % des droits de votes. (Tous les salariés ne sont pas forcément actionnaires, seulement ceux qui le veulent et le peuvent). Contrairement aux préjugés, une scop n'est pas une entreprise gérée par tous les employés à la fois, de manière anarchique. Il y a un dirigeant comme dans toute entreprise, sauf que celui-ci est élu par les salariés associés.
Loin des parachutes dorés, les Scop ne sont cependant pas opposées au profit, tant qu'il est partagé de manière équitable. Ainsi une entreprise Scop verse une part des bénéfices pour tous les salariés, sous forme de participation et d’intéressement, une part pour les réserves de l’entreprise et une part pour les salariés associés sous forme de dividendes.
Selon une enquête de l'association ath
Les Scop ont vu le jour dans les années 1830. La première, appelée à l'époque « contrat d’association de travailleurs », réunissait des menuisiers. Fin 2011, on en comptait 2046, réparties dans toute la France et tous les domaines possibles, de l'industrie, à l'artisanat en passant par les services.
On distingue les Scop des Scic (Société coopérative d'intérêt collectif), dans lesquelles, en plus des salariés, tous ceux qui s'intéressent au projet peuvent devenir membres associés au capital. Cela comprend les clients, les bénévoles, les collectivités territoriales, les partenaires privés, etc.
Sandra Chamiot-Poncet