Vent debout contre la réforme des retraites menée par François Fillon en 2010, le Parti socialiste tient un autre discours maintenant que François Hollande est à l'Elysée.
Elle a bataillé dur, la gauche, quand en 2010, le gouvernement Fillon proposait une nouvelle réforme des retraites dont la principale mesure consistait à reculer l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, et l'âge pour une retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Mais trois ans plus tard, confrontés aux réalités économiques, les socialistes doivent remettre cette réforme sur la table.
Plusieurs pistes sont à l'étude mais mercredi 7 mars, Michel Sapin, le ministre du Travail et du dialogue social, interrogé sur France Inter, a expliqué que « l'allongement de la durée de cotisation est sur la table », mais « au même titre que les leviers habituels ». Une position partagée par François Hollande qui estimait en 2010 qu'« à mesure que l'espérance de vie s'allonge, la durée de cotisation doit être liée à cet allongement ». Une déclaration en complète opposition avec la ligne officielle du Parti socialiste arc-bouté sur l'âge légal des 60 ans.
Dénonçant l'injustice de la réforme, le candidat Hollande avait pris comme engagement, pendant la campagne présidentielle, de permettre aux personnes ayant travaillé jeunes de partir à la retraite à 60 ans et non pas 62 ans. Promesse tenue, d'après les estimations du gouvernement, ce sont 110 000 personnes qui seront concernées cette année.
Mais au PS, les dissensions perdurent sur cette réforme. Il y a ceux qui veulent aller plus loin comme Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris. Il a préconisé dans une interview au Figaro du 25 février de passer à la retraite à 62 ans dès 2015 alors que la réforme Fillon prévoit un relèvement progressif, à raison de quatre mois par an, de l'âge de départ jusqu'en 2017. « Cette mesure pourrait dégager plusieurs milliards d'euros. Son caractère un peu injuste socialement pourrait être amendé si l'on prolonge le dispositif des carrières longues mis en place par François Hollande en juillet 2012 », ajoute-t-il.
Mais plus surprenant, la réalité s'impose à tous, des sociaux-démocrates jusqu'à l'aile gauche du PS. Ainsi, Henri Emmanuelli, député des Landes, s'est interrogé sur France info mardi 26 février sur la durée de cotisation : « La biologie fait qu'il faut quand même se poser la question de la durée de cotisation ». Le jour suivant, c'est un proche de Benoît Hamon, le porte-parole des députés socialistes, Thierry Mandon, sur RMC, qui estime « qu'il ne doit pas y avoir de tabous. Il faut faire preuve de réalisme. »
Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe PS à l'Assemblée nationale, déclarait en 2010 : « le passage de l'âge de la retraite à 62 ans plongera ou maintiendra les personnes à faibles revenus dans la précarité », déclarait-il. Allié au candidat Hollande, le maire de Nantes avait dû taire sa volonté de revenir sur la réforme et infléchir son discours.
Le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), paru en décembre 2012, prévoit que le déficit de l'ensemble des régimes de retraites atteindra 18,8 milliards d'euros en 2017. Une réalité que les socialistes ne peuvent plus ignorer.
Le 27 février, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a chargé Yannick Moreau, l'ancienne présidente du COR, de présider la commission devant proposer des scénarios de réforme d'ici à juin pour préparer la future concertation avec les syndicats. Dans un document de trois pages, l'exécutif a défini « les objectifs » que devront « prendre en compte » les dix experts de la commission. Les leviers pour réformer les retraites sont bien connus : l'allongement de la durée d'activité, la hausse des cotisations et la baisse du niveau des pensions. Les socialistes, désormais au gouvernement, sont obligés de prendre leurs responsabilités.
Adriane Carroger