La sortie sur les écrans du film Spring Breakers est l'occasion de faire un point sur le phénomène qui s'implante de plus en plus en Eurpe. En France, des agences spécialisées dans ces fêtes géantes rencontrent même un franc succès.
Spring Breakers, le film de Harmony Korine sur les dérives de ces fêtes américaines, sort dans les salles. Aux Etats-Unis, le springbreak (ou semaine de relâche scolaire en Québecois) est une période de vacances de deux semaines autour de Pâques. Les étudiants profitent de ces congés pour participer à des fêtes géantes qui ont lieu pour la plupart sur les plages de Floride. Excès en tous genres font la joie des médias, qui diffusent chaque année des images de jeunes fortement alcoolisés et/ou drogués, et de bikinis à gogo.
Suite à cette médiatisation, ces fiestas géantes se développent en Europe depuis une dizaine d'années. La première a eu lieu en 2004 à Lloret del Mar, à une centaine de kilomètres au sud de Barcelone. Cette ville côtière reste une destination de choix pour les fêtards européens, de même que Salou, en Espagne, et que la Croatie.
Les Français aussi s'amusent...
En France, des agences spécialisées proposent des formules pour que les étudiants aillent faire la fête au soleil. Et ce business se porte bien, avec une hausse constante du nombre de clients. « On avait 800 personnes la première année d'activité (en 2007, ndlr), on table sur plus de 3 000 cette année », se réjouit Adrien Romeyer, qui travaille dans l'agence Funbreak, basée à Lyon. Chez Play'on Events, à Montpellier, on compte 20 % de clients en plus chaque année.
Cette année, les festivités se tiendront du 24 avril au 4 mai. Les réservations sont ouvertes à des groupes d'étudiants comme à des particuliers. Les participants ont tous entre 18 et 25 ans, mais il est difficile d'établir le profil type du « springbreaker » français. « On a vraiment de tout. Des gens de STAPS (faculté des sciences du sport), des écoles de commerce ou d'ingénieurs, mais aussi des étudiants en BTS. Le spectre est très large », explique Adrien Romeyer.
Des formules à la carte sont proposées aux jeunes clients. Des séjours de trois, six ou neufs jours, avec ou sans transport, pour un tarif de base aux alentours de 150 €. Les activités sur place s'adaptent aux tendances du moment. Ainsi, le Harlem Shake, danse à la mode, sera mis sur le devant de la scène fin avril. Des loisirs plus classiques comme le foot de plage, le poker, ou encore les séances de manucure pour les filles remportent toujours un franc succès. Sans oublier les sempiternelles soirées mousse ou DJ's dans les boîtes de nuit espagnoles.
… sans excès ?
Les agences françaises spécialisées se défendent d'avoir une clientèle turbulente, quitte à rejeter la faute sur les jeunes étrangers, anglais notamment. Pourtant, c'est bien un étudiant français qui est tombé du cinquième étage de son hôtel à Salou, en 2011. Mais les gros dérapages restent rares.
L'agence Funbreak prend par exemple en charge la sécurité de ses « springbreakers ». « On a un agent pour 100 étudiants, précise Adrien Romeyer. Mais ils ont plus un rôle de médiateurs qu'autre chose. Ils sont chargés de discuter avec les jeunes alcoolisés, et leur demande de faire moins de bruit la nuit, pour ne pas déranger les autres personnes. En Europe, on est beaucoup moins trash qu'aux Etats-Unis ».
Comment expliquer le succès des Springbreaks?
Ce phénomène américain peut s'étendre d'autant mieux qu'Internet permet de savoir ce qu'il se passe partout sur la planète. Les jeunes se ressemblent, ont des aspirations et des attitudes communes. Ils ont besoin de moments d'oxygénation, même si ce terme est plutôt mal placé dans ce contexte.
Je pense que dès lors qu'on parle plutôt de jeunes étudiants engagés dans des études longues et difficiles, il faut voir l'aspect épuisant de la chose. Ils ont besoin d'un temps de récupération. Ça permet de couper les ponts avec la vie de tous les jours. L'intention est louable, c'est le mode opératoire qui pose problème. De plus, l'agitation est propre à la structure en groupes. Le nombre favorise une tendance à tomber dans l'excès. Pour dire les choses comme elles sont, c'est un comportement infantile attardé. C'est de la pure médiocrité. C'est ramener l'homme au rang d'une bête soumise à ses instincts. Et le risque, c'est que cela peut donner à penser aux plus jeunes que c'est une façon « normale » de faire la fête.
Les comportements sont moins extrêmes en Europe qu'aux Etats-Unis. Pourquoi ?
Ce sont principalement des différences liées à la culture. Les Etats-Unis sont partagés entre un puritanisme très présent et des comportements très libéraux, qu'on ne trouve pas en France par exemple, où il y a plus de cadres moraux, plus d'influence familiale qui préservent les enfants. En Amérique, l'éducation parentale est beaucoup plus libérale. Ici les enfants sont quand même plus encadrés. Il y a une sorte « d'auto-contrôle » au sein des cellules familiales européennes.
La jeunesse a toujours cherché à se démarquer, à être turbulente. Ces excès en tous genres lors des springbreaks ne s'inscrivent-ils pas dans une forme de continuité historique ?
La jeunesse a toujours eu besoin d'avoir du temps de libération de l'esprit, besoin de rébellion. Les charivaris par exemple, c'était ça ! La différence par rapport à aujourd'hui, c'est que ces événements étaient codifiés. Il y avait une forme de régulation, qui était acceptée par les jeunes. Et comme ces fêtes étaient institutionnalisées, les parents étaient au courant, et avaient eux-mêmes participé à de tels rites pendant leur jeunesse. Cela se faisait donc avec un consentement des parents.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Il n'y a plus cette place des adultes dans ces événements réservés aux étudiants. A part bien sûr les forces de police...
Il y a toujours eu de l'alcool pour fêter quelque chose, que ce soit un diplôme ou le permis de conduire. Ce qui est problématique de nos jours, c'est le fait d'en abuser au point de se mettre en danger.
Maxime Meyer