Dénoncées par l'opposition, les élections législatives égyptiennes ont été suspendues mercredi par la cour administrative du Caire.
Le président égyptien Mohamed Morsi. / Photo Flickr EEAS
Un camouflet pour le président égyptien Mohamed Morsi. La justice administrative égyptienne a ordonné la suspension des élections législatives prévues à partir du 22 avril. En cause : le non respect de la Constitution du pays. « Ce n'est pas vraiment une surprise, assure Sophie Pommier, spécialiste de l'Egypte et directrice d'un cabinet de conseil sur le monde arabe. Cette décision s'inscrit dans un processus de forte tension entre la magistrature et le pouvoir. »
« Les juges ont eu envie de marquer le coup »
Le leader islamiste avait convoqué ces élections le mois dernier par décret, après l'adoption de la loi électorale par le Conseil de la Choura – la chambre haute du Parlement égyptien, dominée par les islamistes. Mais la cour administrative du Caire a jugé que la procédure suivie par la Choura n'était pas valide. Et pour cause : la loi avait été adoptée sans même la soumettre au vote. « Les juges ont eu envie de marquer le coup, explique Sophie Pommier. Ils ont tapé du poing sur la table face à ce genre de pratiques. » La cour administrative égyptienne a donc renvoyé la loi électorale devant la Haute Cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur sa validité. Une décision que la présidence a expliqué « respecter ». Pour Sophie Pommier, « Morsi a compris la leçon, et va s'y plier ». Passer outre reviendrait de toute façon à violer la Constitution que les islamistes ont défendue becs et ongles.
Le report des élections était réclamé par plusieurs opposants. Ils mettaient en doute leur transparence et le moment choisi pour les organiser, estimant que le pays était trop divisé pour qu'elles se tiennent dans le calme. La principale coalition de l'opposition, le Front du salut national (FSN), avait d'ailleurs annoncé son intention de les boycotter. « Que ce soit du côté du pouvoir ou de ses adversaires, il ne faut pas tomber dans la stratégie du chaos, prévient Sophie Pommier. La situation économique du pays est catastrophique et il faut vite régler cette question des législatives pour remettre l'Egypte sur pied. »
Les élections « bien avant la fin de l'année » ?
La décision de la cour administrative égyptienne ne dissipera pas la confusion qui règne en Egypte. Le pays peine à sortir d'une transition politique chaotique et émaillée de violences, devenues par exemple quotidiennes à Port-Saïd. Mais face à l'incertitude qui pèse à nouveau sur le calendrier électoral, Sophie Pommier se veut optimiste : « N'oublions pas qu'il ne s'agit que d'un report, pas d'une annulation. On peut espérer que les législatives se tiennent bien avant la fin de l'année. C'est de toute façon une nécessité. »
Port Saïd est le théâtre de violences quotidiennes. / Crédit vidéo : Euronews
Les législatives devaient s'étaler sur deux mois et enfin offrir une nouvelle Assemblée aux Egyptiens. Qui l'attendent depuis la dissolution de la précédente par la Haute Cour constitutionnelle, déjà en raison d'une loi électorale jugée injuste. C'était en juin 2012.
Raphaël Badache