Lors des élections en Allemagne le 22 septembre, Angela Merkel se présente pour la troisième fois au poste de chancelière. Et pourtant, ce n'est pas la même femme que celle qui est apparue sur la scène nationale en 2005, pour son premier mandat.
Au début de sa carrière dans les années 90, Merkel mettait des pulls trop grands, des pantalons et des chaussures sans style, dont le seul but était d'être confortables. « Elle voulait signaler par sa coupe et ses vêtements que son corps lui appartient, et pas au public », racontait son biographe Gerd Langguth en 2005. « Elle a mis du temps à comprendre que son style pouvait être déterminant pour l'issue des élections. »
En 2005, Angela Merkel se présente face à Gerhard Schröder, chancelier à l'époque, qui lui sait se servir des médias et se mettre en scène. Pour s'imposer, « Angie » doit changer de stratégie. Quelque temps avant l'annonce de sa candidature, elle décide de travailler sur son physique et de modifier son apparence.
Elle se transforme progressivement : se teinte les cheveux et change sa coupe à la Jeanne d'Arc contre une coupe mieux assortie à son visage. Le coiffeur allemand des stars, Udo Walz, s'occupe d'elle et la transforme peu à peu, sans que personne ne le remarque immédiatement. Son style vestimentaire se modifie aussi : les pulls disparaissent, de nombreux tailleurs à couleurs unis mais couvrant tout le spectre de l'arc en ciel complètent sa garde robe : avec une préférence pour les tailleurs bleuâtres ou violets. Elle apparaît plus féminine, plus élégante. Sa féminité est soulignée avec du maquillage délicat. Le résultat est immédiat : les photographies publiées sont beaucoup plus flatteuses. Cependant, son audace vestimentaire est parfois critiquée. En 2008, pour l'inauguration de l'opéra national d'Oslo, elle met une robe très décolletée. Scandale en Allemagne ! L'information est traitée à la Une dans certains journaux allemands.
Son deuxième mandat, en 2009, ne marque pas un grand tournant. Mais pour l'élection de 2013, une nouvelle stratégie de campagne est mise en place. Après la transformation physique, son équipe s'attaque à modifier son image de docteur en physique, femme de l'Est, austère. Elle donne des interviews au magazine Brigitte – où elle révèle le secret de la posture de ses mains – participe à des talk-shows, surtout avec des invités de milieux sociaux difficiles, dans lesquelles elle diffuse une image humoristique.
Son site internet est renouvelé. Un « one page design » , avec de grandes photographies de son enfance et de sa jeunesse, une biographie personnelle et politique. Des textes courts et personnelles sont écrits à la première personne. On apprend qu'elle est mariée depuis 1988, que son mari Joachim Sauer et elle-même apprécient « la musique classique, notamment les opéras. ». « Je suis jardinière passionnée et je cultive mes propres légumes à la maison, écrit-elle sur le site. J'aime cuisiner, notamment de la soupe aux pommes de terre. Mon mari se plaint rarement. Sauf pour les gâteaux, quand il n'y a pas assez de Streusel dessus. Il est fils de pâtissier. » Parallèlement, elle minimise les conflits et les problèmes en Allemagne et évite de parler des controverses politiques dans ses interviews, s'attirant les critiques de ses opposants. Le 1er septembre, les chaînes allemandes diffusent le duel télévisé entre Angela Merkel et son principal opposant Peer Steinbrück. D'après l'institut de sondage Statista, la majeure partie des 17 millions spectateurs a perçu Merkel plus sympathique, compétente, crédible et loyale. Sa stratégie semblent fonctionner.
Larissa Rausch