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La terre des maraîchers

La Robertsau a longtemps été envahie par les marécages. Asséchés au début du XIXe siècle, ces marais ont laissé derrière eux des terres particulièrement fertiles. “Le sol est sableux, c’est super pour le maraîchage et pour la fleur”, explique Laure Devivier, propriétaire d’une parcelle de libre cueillette de fleurs chemin du Grand Belzwoerth. “À 1,50 mètre sous le sol il y a la nappe phréatique, celle d’Alsace est la plus grande d'Europe!”,  se réjouit-elle. Ces terres sont aussi connues pour leur riche teneur en calcaire. “Ici, le loess permet de retenir l’eau”, expose Bernadette Koepf. Cet équilibre entre terres drainantes et argileuses a notamment permis la culture du poireau, emblème du quartier.

Chez Andrès, on est sûr de ce qu'on achète

À un kilomètre de là, rue de l’Afrique, la famille Andrès travaille la même terre depuis 1928. Quatrième génération de maraîchers, Jean-Pierre Andrès, 57 ans, a repris l’exploitation familiale de 4,5 hectares il y a quinze ans. De manière traditionnelle, il pratique une agriculture “raisonnée”. “On traite au cas par cas, et si c’est vraiment nécessaire”, explique son épouse, Isabelle, qui tient le magasin situé juste à côté des serres et des champs.

À l’intérieur de la boutique, poireaux, navets, courges de toutes sortes et même les dernières tomates sont vendus directement du producteur aux particuliers. Laurence, venue faire ses courses de la semaine, retrouve chez les Andrès le côté familial du potager de ses parents.  “Les légumes ne sont pas toujours beaux, mais ce sont de vrais légumes. Rien à voir avec la grande surface. C’est de très loin meilleur.” Nombre de clients sont des habitués de très longue date. Michelle, habitante de la Robertsau, vient quasiment toutes les semaines depuis dix ans. “On est sûr de ce qu’on achète, c’est de saison et de qualité”, affirme-t-elle en examinant les aubergines.

Elle a trouvé dans son métier un travail axé sur le soin et l'aide à la personne, mais aujourd’hui, tout comme Laurence, Sophie tire la sonnette d'alarme. “La profession n’est plus intéressante pour les étudiants, les contraintes de travail sont trop difficiles, le salaire pas à la hauteur de nos responsabilités ni de nos années d’études, la responsabilité qu’on prend au quotidien est en décalé par rapport à la considération des sages-femmes.” Pour la jeune femme, rester sur cette ligne de conduite finira irrémédiablement par amener la mort de la profession. “Il va falloir remettre en question la santé des mères et des enfants. On n’a pas compris assez tôt l’importance capitale de la sage-femme dans la santé des femmes”. Ce discours fait écho aux mouvements pour une revalorisation de la profession.

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Localisation de l'Ifsi dans le quartier de la Robertsau. ©Marine Corbel et Luc Herincx

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©Tifenn Leriche et Victor Topenot

La “jungle” d’Euroasis.

À l’orée d’un bois qui abrite un hêtre remarquable, des ifs ou encore un pin noir, se dévoilent trois villas de maître abandonnées. “Ça ressemble à une jungle”, s’exclame Gaby Guthmann, présidente de l’association Euroasis. Le mot sonne juste pour décrire cet espace de permaculture, qui tente de reproduire un écosystème naturel. Au cœur de ce désordre organisé dans lequel poussent lavande, blettes, fraisiers, Anne-Claire, une nouvelle recrue, pointe l’enjeu du “sol très pollué. La mairie a recensé du mercure, de l’arsenic et du plomb”. Une problématique qui concerne l’ensemble du quai Jacoutot. Fred, jardinier à ses heures perdues, confie avoir “nettoyé, par précaution, le sol, et ajouté de la terre”. De son côté, l’association fait pousser ses courges, son maïs, ses citrouilles, dans des bacs à lasagnes: empiler les couches de matériaux permet d’éviter que les cultures ne touchent le sol. La permaculture, en favorisant la biodiversité, a aussi permis le retour de la faune. Désormais classée refuge Ligue de protection des oiseaux (LPO), Euroasis affirme tout mettre en œuvre pour encourager l’installation des oiseaux. L’association a déjà observé un couple de buses, des crécerelles et même une chouette hulule. “On a la chance d’avoir un jardin avec une clôture naturelle de haies, qui permet d’abriter les oiseaux. Des feuilles, du compost et des briques concassées forment des tas à l’extérieur pour les hérissons ou les orvets”, décrit Gaby Guthmann.

 

 

Liza Foesser-Eckert et Lorenzo Vergari Morelli

Si les habitants de la Cité de l’Ill jouissaient d’un accès aux soins égal à celui des autres habitants de la Robertsau, seraient-ils en meilleure santé, auraient-ils la même espérance de vie ?

Ce n’est pas aussi simple. Beaucoup de gens ne trouvent pas la porte d’entrée. Aujourd’hui, pour avoir accès à un médecin spécialisé par exemple, il faut passer par Doctolib. Il faut avoir un smartphone, un abonnement, et savoir naviguer sur internet. C’est le problème de la fracture numérique: certaines personnes renoncent à se soigner parce qu'elles ne maîtrisent pas ces outils.

 

 

La destruction annoncée du bois de Bussière au nord de la Robertsau sera-t-elle le désastre pour la biodiversité qu'annoncent ses défenseurs? Des spécialistes de la nature strasbourgeoise établissent un constat plus nuancé.

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