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Ces différences s’expliquent aussi par l’espace disponible alloué à ces pratiques. Ce paramètre, que les sportifs prennent en compte, entraîne des mouvements pendulaires, a fortiori de la campagne vers la ville. Ils peuvent expliquer en partie la surcharge de certains équipements en ville.

Pour Thierry Hory, trois facteurs peuvent motiver les sportifs à se déplacer pour pratiquer un sport.

  • En premier lieu, l’appétence pour un sport particulier. Le taekwondo, par exemple, se pratique essentiellement en zones urbaines.
  • En deuxième lieu, la proximité. En ville, les réseaux de transports en commun facilitent l’accessibilité du mobilier sportif. C’est moins le cas en campagne, et notamment dans les territoires les plus reculés.
  • Enfin, le niveau de compétition, souvent plus élevé dans les grandes villes, peut motiver les sportifs les plus aguerris à se déplacer.

Autre élément majeur, les villes bénéficient bien souvent d’un matériel sportif plus moderne. Si l’on prend l’exemple d’un club qui souhaite concourir en compétitions de haut niveau, celui-ci doit bénéficier d’une salle conforme aux normes fédérales. Ces salles drainent les sportifs urbains qui fuient les équipements les plus vétustes, même s’ils vivent à proximité. « Il existe des disparités entre les quartiers prioritaires, plus excentrés, et les quartiers plus riches d’une même ville, précise Gilles Vieille-Marchiset. Certains équipements peuvent être surchargés tandis que d’autres sont laissés à l’abandon, notamment du fait de leur vétusté

Mutualiser pour mieux répartir

Les mouvements pendulaires liés au travail peuvent également jouer un rôle dans la surcharge des équipements en ville, selon Gilles Vieille-Marchiset. Les habitants des communes rurales qui travaillent en ville profitent de leur présence dans les zones urbaines en journée pour pratiquer leur activité sportive sur place. A l’inverse, une minorité d’urbains s’éloigne des centres névralgiques pour bénéficier d’installations incompatibles avec la ville. C’est notamment le cas des cavaliers ou des randonneurs, tandis que d’autres font le choix d’aller à la campagne pour éviter les gymnases bondés.

La vétusté des équipements risque d’être un problème pérenne. Pour Gilles Vieille-Marchiset, cela devrait pourtant être une priorité pour le gouvernement. « Dans l’optique des JO de Paris 2024, l’État souhaite augmenter de 10% le nombre de licenciés, rapporte-t-il. Mais il faudrait déjà investir dans les équipements existants ».

Pour pallier aussi bien les soucis de surexploitation dans certaines villes que les problèmes de sous-exploitation en campagne, certaines communes s’orientent vers une mutualisation des équipements disponibles, de manière à répartir plus équitablement les sportifs dans l’espace.

Florian Bouhot, Louise Claereboudt, Tifenn Clinkemaillié, Lucie Duboua-Lorsch, Tom Vergez, Sophie Wlodarczak

Crédit photo: HeungSoon, Pixabay

Méthodologie :

Pour distinguer communes rurales et urbaines, nous nous sommes fondés sur la définition des unités urbaines établie par l'Insee.

Toutes les données proviennent de data.gouv.fr. Pour créer les cartes, nous avons choisi de répartir le taux d'équipement par habitants et le nombre d'équipements distincts des communes du Grand Est en six quantiles. Les communes ne possédant pas d'équipement n'apparaissent pas sur les cartes.

Pour définir les sports caractéristiques des unités urbaines et des communes rurales, nous avons mesuré l'écart entre le taux de licenciés de chacun des sports en ville et campagne, et sélectionné ceux pour lesquels la différence était la plus importante.

Gabriel a 4 ans. En attendant l’âge requis pour l’inscrire au football, ses parents décident de l’envoyer au judo. 69% des licenciés de judo ont moins de 15 ans. Sa mère, qui aurait voulu réussir dans ce sport, rêve que son fils devienne un champion sur le tatami. « La frustration des parents joue un rôle dans la pratique précoce d’un sport, explique Gilles Vieille-Marchiset, sociologue et directeur de l'équipe de recherche « Sport et sciences sociales » à l'Université de Strasbourg. Cette pratique est aussi un moyen, pour les parents issus des classes moyennes, de socialiser leur enfant à tout prix, pour rompre l’isolement et créer des amitiés sportives. »

À 7 ans, Gabriel obtient enfin sa première licence de football. Il ne se déplace jamais sans son ballon. Les bonnes performances du Racing Club de Strasbourg, son équipe préférée, n’ont fait que renforcer sa passion.  « C’est pareil dans tous les sports, commente Gilles Vieille-Marchiset. À chaque évènement sportif, six mois plus tard, il y a une croissance du nombre de licenciés, notamment dans les sports collectifs, où les compétitions sont plus fréquentes et plus médiatisées », explique le scientifique.

À 8 ans, Gabriel arrête le judo, au grand regret de sa mère, pour se mettre à la natation. Tout sauf une surprise quand on saît que 56% des pratiquants de ce sport ont moins de 15 ans.

Après trois ans de football, Gabriel est déjà l’un des meilleurs joueurs de son équipe. Passé par à peu près tous les postes, il veut désormais s’essayer à celui de gardien de but. Devant les refus incessants de son entraîneur, qui ne veut pas se priver d’un de ses meilleurs éléments sur le terrain, Gabriel demande à ses parents de l’inscrire au handball, en parallèle du football et de la natation.

Dans ce sport pratiqué à 55,3% par des jeunes de moins de 15 ans, Gabriel retrouve de nombreux camarades de classe. « Les enfants veulent papillonner, faire plusieurs sports pour prendre du plaisir », explique Ann-Marie Bendahan, médecin du sport à Strasbourg. Gilles Vieille-Marchiset complète : « Les adolescents ont accès à une panoplie d’activités proposées en EPS et ils n’hésitent pas à changer. Les ados vont tester de nouveaux sports avec leurs amis »

Mais les week-ends de la famille commencent à être chargés. Claire, la petite soeur de Gabriel, a, entre temps, commencé la gymnastique et l’équitation. Des sports très pratiqués par les jeunes filles. Gabriel arrête le handball, puis la natation.

À 14 ans, il ne pratique plus que le football qui, pour lui, est un moyen de passer des bons moments avec ses amis d’enfance qui jouent presque encore tous dans son équipe.

 

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Mais les boules ne sont pas connues pour le défi physique qu’elles offrent. Lors d’une visite chez son médecin traitant, il se voit conseiller la randonnée pédestre pour continuer à s’entretenir. Les personnes de plus de 60 ans représentent 76% des pratiquants de cette activité. « Je conseille aux personnes atteintes de prédiabète de marcher deux fois 15 minutes par jour pour commencer, explique Ann-Marie Bendahan. En général, on leur propose aussi la gymnastique en salle, ou la natation. »

Gilles Vieille-Marchiset, lui, y voit une conséquence du discours « santéiste » des politiques publiques qui, pour développer le marché du sport, encouragent la pratique d’un sport tout au long de la vie. « Le sport est devenu un véritable marché, explique-t-il. Le Plan vieillir, publié vers le début des années 2010, valorise l’activité physique pour combattre la sédentarité, ce qui a attiré les fédérations, qui proposent des versions adaptées de leurs sports. »

À 80 ans, le corps de Gabriel lui impose ses limites. Difficile pour lui de continuer à faire du sport, le quotidien étant déjà une rude épreuve d’endurance. Il tient néanmoins à se déplacer par lui-même, à l’aide de son déambulateur. Son esprit sportif, lui, reste intact. À chaque match du Racing, il encourage son équipe depuis son fauteuil, en arborant fièrement son maillot bleu et blanc. En France, seulement 2,51% des plus de 75 ans avaient encore une licence sportive en 2014.

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