Besoin de culottes ? Cinq femmes de 25 à 36 ans se donnent rendez-vous à la Fabrique, une association d'ateliers partagés, pour régler cette affaire. Pour elles, c'est un moment créatif de partage et de convivialité, mais aussi une forme d'engagement.
Elles étaient cinq ce samedi 10 novembre, dans la grande salle de l'atelier de la Fabrique à Koenigshofen, à fabriquer leur propre culotte hyper durable. Tissus rose, rayés, à motifs Panda ou Bicyclette, il y en a pour tous les goûts. En ramenant leur propre tissu, chacune des cinq participantes ont tenu à respecter le thème de cette première édition de l'atelier "Culottes rigolotes".
Clémence, Delphine, Zoé, Laure et Clem ont chacune bravé le froid pour passer l'après-midi à apprendre les techniques de confection d'un sous-vêtement qui leur sera bien personnel, " des pièces uniques" comme elles le disent en rigolant. Pour deux "tickets Fabrique" soit 15 euros, elles bénéficient de l'aide de deux professionnelles, Annett Andersch et Laurence Amici, pendant trois heures, autour de machines, épingles et autres rubans. Sur la grande table, Clémence essaie de ne pas trop galérer avec son tissu nounours. "Bien sûr qu'elle est pour moi !" s'amuse t-elle, avant de tenter la couture en points zigzag sur sa propre machine Zinger. À sa droite, Laure n'en mène pas plus large, mais elle est ravie de tenter la fabrication de sa première culotte, "c'est quand même plus sympa que les tutos Youtube", place cette jeune trentenaire qui, pragmatique, avoue être venue avant tout "par besoin de culottes".
Une démarche militante
Laurence Amici veille à la bonne cadence de l'atelier. Elle connaît bien les lieux pour y animer depuis un an le club rasfistolage de vêtements, deux samedis par mois, toujours aux côtés de son acolyte Annett Andresch. En face d'elle, Clem, 25 ans, ingénieure tramway à la CTS, est novice en couture. La lecture du patron et le jersey qui s'étire dans tous les sens lui donne du fil à retordre. Et oui, s'habiller local, ça demande du travail. "Depuis un an, j'ai décidé de m'habiller uniquement avec des vêtements fabriqués en France, et ce n'est pas facile. C'est une démarche politique en réalité... " explique la jeune Strasbourgeoise.
"C'est une activité à la fois sociabilisante mais surtout une démarche politique" renchérit Annett Andresch, une touche-à-tout du quartier, qui officie bénévolement depuis deux ans dans ces ateliers de l'ancienne brasserie Gruber. Petites lunettes rondes sur le nez et vêtements colorés, cette artiste d'origine allemande de 48 ans perçoit dans la couture une manière d'inciter à la dé-consommation : "Il s'agit de redonner des capacités individuelles aux gens, en les responsabilisant face à la consommation de masse. Evidemment, une culotte que l'on conçoit soi-même ne coûte pas 1 euro comme chez Primark, mais on veut justement sensibiliser sur les ravages de la surconsommation en développant une attitude écologique et durable". Alors bye bye dentelle, stras et satin, une culotte durable se doit d'être confortable, solide et, quant à faire... rigolote !
Sophie Mercier et Jonathan Trullard
Avant d'être un chantier, le 2 route des Romains était un squat (à gauche). Il a été démantelé le 30 octobre 2012, deux jours avant la trève hivernale (à droite). © Maxime Glorieux et Anne Chabert
Si vous cherchez le 2 route des Romains, passez votre chemin. Le premier numéro pair du principal accès à Koenigshoffen est introuvable. A sa place, un chantier et un chemin goudronné emprunté par un ballet de tractopelles. Le mur mitoyen porte les stigmates d’une bâtisse détruite. On devine les délimitations des anciennes pièces et les marques de la tuyauterie. Au numéro 4, un garage, seul rescapé avec le corps de ferme voisin, au milieu d’un imposant amas de gravats qui s’étend jusqu’au numéro 22 inclus.
Les ouvriers s’affairent depuis juillet sur cette route très fréquentée qui recevra courant 2020 la prolongation de la ligne F du tramway. Pas l’ombre d’un rail pour l’instant, mais des barrières et des déviations en pagaille. Un concert de marteaux-piqueurs étouffe le ronronnement des moteurs de voiture. Au milieu de ce bazar urbain, les cyclistes se démènent pour distinguer leur chemin. L’odeur de la poussière, mêlée aux pots d’échappement, prend le nez.