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A côté de l’autoroute A5 en Allemagne, sur un ancien aéroport militaire, à peine huit kilomètres derrière la frontière, se dresse l'immense dépôt de Zalando, leader européen du prêt-à-porter en ligne. Sur 130 000 m² sont stockés vêtements et chaussures de 2 000 marques. « C’est tellement grand ici que je marche largement 15 kilomètres par jour », raconte Jonathan, un jeune Alsacien de Wittisheim. Il fait le « pick »: équipé d’un pistolet-scanner, il cherche la marchandise dans les rayons et réunit tous les articles de la commande sur un chariot. Après, son collègue « packer » prépare le colis, l’emballe et le passe au « shipping », c’est-à-dire à l’envoi.

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Au lycée, la tablette efface le papier

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Treize lycées expérimentent depuis la rentrée le passage au tout-numérique. Objectif : équiper tous les établissements alsaciens d'ici 2022.

Le géant allemand des chaussures en ligne Zalando a ouvert un immense entrepôt de l'autre côté de la frontière. A Lahr, un tiers des 900 employés sont français.

« Quand j'ai commencé, j’étais toujours en jogging-baskets »

Même ressenti du coté de Mehdi Boswagel. « J’avais déjà pas mal de connaissances dans le domaine de la photo et de la vidéo, précise-t-il. J’ai surtout appris à me présenter en professionnel vis-à-vis des clients, à me faire un réseau. » Le jeune homme avait parfois quelques difficultés avec les codes du marché de l’emploi. « Quand j’ai commencé la formation, j’étais toujours en jogging-baskets, raconte-t-il. Je savais que si je voulais entrer dans le monde du travail habillé comme ça, il y aurait des préjugés. »

Désormais, Mehdi travaille en freelance pour la ville de Mulhouse, le Crédit Mutuel, ou le centre socio-culturel Papin, et donne à son tour des cours. Il reçoit également des commandes du Kilomètre zéro (KM0). Futur épicentre du numérique mulhousien, le KM0 accueillera bientôt des entreprises, une pépinière de start-up et des formations. Dont la Ligne numérique.

Les start-up, nouveaux ponts sur le Rhin

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Pour un créateur de start-up, la proximité de l'Allemagne offre des opportunités alléchantes. Mais si la frontière du Rhin est aisément franchie, la langue reste une barrière bien réelle.

La success story d'une start-up berlinoise

Start-up fondée à Berlin en 2008, l’entreprise allemande a conquis l’Europe en moins d’une décennie. Depuis 2014, elle est cotée en Bourse comme société européenne [Lire aussi : « La galère du financement des start-ups »]. En quatre ans, elle a doublé le nombre de ses employés et elle est aujourd’hui présente dans quinze pays. Les clients de Zalando peuvent faire leurs achats sur le site ou avec l’application mobile et surtout renvoyer gratuitement les articles qui ne leur conviennent pas, ce qui a fait le succès du site.

A Lahr, 900 employés gèrent depuis fin septembre 2017 le côté pratique de l’e-commerce, pour les marchés suisse et français en plein essor. Un employé sur trois vient de l’autre côté du Rhin. « L’ambiance est très internationale, les équipes sont bilingues, tous les panneaux sont en français et en allemand », raconte Jonathan. Son ancien job était déjà dans la préparation de commandes, dans une entreprise française.

L’entrepôt de Lahr est parmi les plus automatisés et modernes de Zalando. Ici, un système automatique, le « trieur-poche » gère les retours. Chaque article renvoyé par un client est mis dans une « poche » identifiée par une puce. Elle tourne accrochée à une chaîne sous les hauteurs du toit jusqu’à ce que l’article soit de nouveau vendu. Le système l’envoie alors automatiquement au « packing ». Ce système permet d’augmenter le volume de stockage et d’exécuter une partie des tâches de façon automatisée. Pourtant, le centre dépend encore fortement du travail manuel.

Estelle, la quarantaine, travaille pour la première fois dans un entrepôt d’e-commerce, après seize années passées dans une entreprise allemande à Strasbourg. C’est son deuxième jour chez Zalando. Ce qui l’a convaincu de venir travailler outre-Rhin, c’est le salaire avant tout. « Avec les primes familiales, je gagne plus de 13 euros par heure maintenant. En France, même avec l’ancienneté, j’ai à peine dépassé le SMIC », dit-elle. Pour l’instant, Zalando s’inspire de la convention collective du secteur logistique pour fixer la grille des salaires, en les adaptant au coût de la vie dans les régions respectives, ce qui fait qu’un employé à Lahr gagne plus que son collègue d’un entrepôt en Allemagne de l’Est.

« Pas encore de comité d'entreprise et très peu de syndiqués »

Les problèmes que les travailleurs rencontrent dans les centres logistiques de Zalando se ressemblent pourtant. A Lahr, comme dans plusieurs autres entrepôts, « il n’y a pas encore de comité d’entreprise et très peu de syndiqués », nous explique par mail le syndicat allemand Verdi. Difficile alors pour les travailleurs de faire valoir leurs droits, même fondamentaux comme la pause.  « A cause de la taille de l’entrepôt, ça nous prend longtemps pour arriver dans les locaux destinés à la pause », confie Estelle. « On perd sept minutes rien que pour nous déplacer et c’est beaucoup sur une pause de vingt minutes. »

Un problème que les employés de l’entrepôt Brieselang, près de Berlin, rencontraient jusqu’à ce qu’ils protestent. Les contrôles de sécurité aléatoires à la sortie, pour empêcher les vols dans l’entreprise, prennent beaucoup de temps aussi. Si son badge sonne a la sortie, l’employé devra alors passer à côté pour se faire fouiller par les agents de sécurité. Ces fouilles génèrent souvent de longues files d’attente à la sortie et les employés attendent parfois jusqu’à trente minutes avant de pouvoir sortir.

Pour rentrer ensuite en Alsace, les travailleurs français peuvent prendre le bus qui s’arrête directement devant l’entrepôt. Cette ligne spéciale, qui pourrait être un jour ouverte au public, a été mise en place pour faciliter la venue des employés alsaciens en reliant la ville d’Erstein à la zone d’activité « Industrie- und Gewerbezentrum Raum Lahr ». La proximité avec l’Alsace, où le taux de chômage est autour des 8 %, a été un facteur décisif pour l’installation de Zalando dans la région.  « Au Bade-Wurtemberg, en région frontalière, on a presque le plein emploi. C’est difficile de trouver de la main-d’œuvre disponible », explique Daniel Halter, gérant de la zone d’activité. Avec environ 300 employés français, pour l’instant de nombreux précaires, le calcul semble avoir été le bon.

Franziska Gromann et Clara Surges

Le nouveau complexe Kilmètre zéro (KM0) abritera bientôt la Ligne numérique. Crédit photo: Mehdi Boswingel

« On n'est pas des sociologues ou des scientifiques, expliquent les jeunes femmes, on ne prétend pas faire une étude précise. On souhaite juste imaginer d'autres utilisations des réseaux. Les gens ont conscience que leurs données sont utilisées. On en parle beaucoup. La question maintenant c'est : qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre leur utilisation ? Comment peut-on changer ses habitudes ? »

Pour Alice et Mona, l'idée n'est pas de culpabiliser les gens avec un discours alarmiste. En dehors de leur travail, elles prennent sur leur temps libre pour leurs entretiens. Les jeunes sont les cibles de ce premier jour. Après une demi-douzaine d'échanges dans le tram, elles partent en quête de cobayes sur le campus universitaire. Et repèrent un autre mélomane.

Lui n'hésite pas à donner son téléphone. Après l'avoir interrogé sur les applications qu'il utilise le plus – Spotify « pour la musique » et les différents réseaux sociaux pour « tuer le temps » , Mona lui demande si elle peut « liker quelque chose avec son compte Facebook ». Aucun problème. « Est-ce que tu pourrais envisager d'avoir un seul compte Facebook que tu partagerais avec des amis ? » « Pourquoi pas », répond le jeune homme un peu surpris.

Perturber les algorithmes pour mieux gérer ses données 

La question n'est pas posée au hasard. Facebook interdit en effet à ses utilisateurs de partager leur compte, ou de créer des comptes communs. La plateforme exige par ailleurs de ses utilisateurs qu'ils indiquent leur vrai nom pour s'inscrire. Probablement pour maximiser la récolte de données personnelles. « Partager un compte permet de diminuer la valeur des données récoltées. Les publicités ciblées ne marchent plus aussi bien dans ce cas », explique Mona. « Cela perturbe le fonctionnement des algorithmes », ajoute Alice. Et ces algorithmes sont l'essence même du réseau social, ceux qui déterminent le contenu du fil d'actualité des utilisateurs. Abonnées aux mêmes pages et aux mêmes médias, deux personnes ne verront pas les mêmes publications. Les algorithmes leur proposeront ce qui est le plus susceptible de les garder le plus longtemps possible sur le site, et donc de générer le plus de recettes publicitaires.

Mais toutes les personnes interrogées ne sont pas prêtes à partager leurs comptes, sur Facebook, Instagram ou Snapchat. « Je tiens beaucoup à ma “vie privée” », explique une jeune femme en mimant des guillemets. « Enfin, privée...  se reprend-t-elle, je sais bien que sur Facebook ce n'est pas vraiment privé mais bon... »

A la fin de leur journée, les filles font le bilan sur ceux qui ont accepté de balancer leur portable aujourd'hui. « Franchement, on ne s'attendait pas à ce que les gens donnent leur téléphone aussi facilement. Ça fait tomber un certain nombre d'idées reçues qu'on pouvait avoir sur les jeunes. On en a rencontré qui n'étaient pas beaucoup sur les réseaux sociaux », s'étonne Mona. Tous ont reçu leur cassette rétro, sur laquelle figure l'adresse mail du mouvement. Ne reste plus qu'à exhumer un vieux Walkman du grenier pour réécouter l'échange.

* les prénoms ont été changés à la demande des interviewées 

Anne Mellier

L'entrepôt Zalando à Lahr profite de sa situation à la frontière et de l'accès à la main-d'œuvre alsacienne. Crédit photo : Cuej / Franziska Gromann

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