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Un mois s'est écoulé depuis l'incendie du jardin partagé des Deux Rives. Brahim Bouzid, membre de l'association Au delà des Ponts, tente de réaménager l'espace. © Louise Claereboudt

 

« La vie nocturne après 22h n’est pas une priorité »

Au cours des dernières années, les élus ont affiché une réelle volonté de dynamiser Rivetoile-Malraux, qui était encore à l’état de friche industrielle il y a quinze ans. Lassad Essadi, chef de projets à l’Eurométropole n’en démord pas : « Historiquement, c’est une zone à laquelle nous avons tourné le dos. Nous voulons dorénavant créer ici un deuxième cœur de ville », mêlant activités culturelles et commerçantes. Il admet cependant que « la vie nocturne après 22h n’est pas une priorité » dans le quartier, et ce malgré l’organisation d’événements ponctuels, notamment musicaux, à l’image des Docks d’été. Un positionnement qui s’explique par la mixité sociale qui caractérise le quartier. S’y mélangent logements étudiants, habitats sociaux et, sous peu, résidences pour seniors, avec la construction d’une nouvelle tour. Des publics qui ne partagent pas le même désir de vie nocturne. Parmi les projets à l’étude figure aussi l’ouverture d’un restaurant gastronomique près de la Cité de la musique et de la danse. Pas de quoi garder les Strasbourgeois debout jusqu’à 5h du matin.

Florian Bouhot et Blandine D'alena

« Ce projet a vocation à amener une vingtaine de milliers d’habitants dans ce secteur, déclare Philippe Bies, conseiller (PS) en charge de la politique du logement de l’Eurométropole. C’est l’un des rares secteurs de développement dans la métropole aujourd’hui. » Selon CUS Habitat, entre 2009 et 2015 la population est passée de 1200 à 2500 habitants. L’augmentation de la densité favorise ainsi un meilleur aménagement du territoire.

D’après Claudine Simon, propriétaire d’un 81 m2 depuis 2014 à la résidence des Deux-Rives, « il n’y a pas de vie de quartier pour l’instant, les gens ne se connaissent d’ailleurs pas. Ils vivent ici mais travaillent ailleurs », ajoute-t-elle. La proximité avec l’Allemagne et le jardin des Deux-Rives l’ont incitée à quitter Rivétoile pour acheter ici. « J’habite Strasbourg sans avoir l’impression d’habiter une ville », affirme-t-elle.

Mais pour certains habitants, le quartier reste une cité-dortoir. Nathalie Walter et Edouard Ott, un couple d’étudiants en 3e année de licence de STAPS, tranche : « On vit ici depuis début septembre parce que le loyer est moins cher que celui de notre ancien logement dans le centre. La journée, on n’est pas là. Le soir, si on veut sortir, on va dans le centre. Maintenant avec le tram, c’est facile ! »

Bien conscients du pouvoir d’attraction que le cinéma génère, les restaurants ont fleuri des deux côtés du canal ces dernières années. Du Memphis Coffee à La Boucherie, en passant par le McDonald’s, l’offre ne manque pas. Ornella, manager de la brasserie Au Bureau, note que sa clientèle allie souvent toile et burger. L’établissement exploite l’opportunité en proposant des tarifs réduits aux usagers du cinéma. Et ça marche. Les lieux grouillent de clients en début de soirée, en particulier le week-end.

Mais, passé 22h, il semble bien compliqué de continuer sa soirée à Rivetoile-Malraux. Seul le Barco Latino reste ouvert jusqu’à 4h du matin. « Ce ne sera jamais comme la Krutenau ou Homme-de-Fer », tranche Ornella. Aujourd’hui, la zone ne semble pas en mesure de concurrencer les hauts lieux de la vie nocturne strasbourgeoise, et ce malgré l’inauguration récente d’une nouvelle péniche. Nommée Cabaret Onirique, elle propose pièces de théâtre, concerts et cirque.

Un quartier désert en fin de soirée

Bon nombre de personnes partagent leur avis. Difficile de nier que le calme règne à Rivetoile-Malraux une fois la nuit tombée. Interrogée sur la diversité de l’offre nocturne à disposition, Aurélie, petite brune d’une vingtaine d’année, affiche un air peu convaincu. Elle avoue n’y venir que pour le cinéma UGC, qui surplombe le quartier. A la sortie de la dernière projection de Knock, avec Omar Sy, les clients sont unanimes : ils ne s’éterniseront pas à Rivetoile.

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Michel Makani vit depuis dix mois dans un nouveau logement social. Il paye 490 euros (+ 250 euros de charges) par mois pour 84 m2. Il envisage d’acheter. © Cédric Pueyo

 

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Ouverte le 27 février 2017, la clinique Rhéna est en extension. © Cédric Pueyo

 

Le 13 septembre 2014, la place de l’Hippodrome du Port-du-Rhin était inaugurée, offrant un nouveau visage à ce quartier isolé de l’est de la ville. Trois ans plus tard, les travaux de réaménagement continuent, mais l’offre de loisirs proposée aux résidents reste insuffisante ou inadéquate.

C’est un rituel quotidien. A la sortie de l’école du Rhin, au pied du pont qui relie le quartier à Kehl, Halima et les autres animateurs du centre socio-culturel (CSC) Au Delà des Ponts récupèrent les enfants.  Jusqu’à 18h, le CSC encadre ces jeunes âgés de six à onze ans dans leurs locaux de la Route-du-Rhin, à travers l’aide aux devoirs et des jeux. Un moment apprécié par les 34 enfants inscrits au centre, malgré le manque de moyens. « Ma fille a plus de choses que ce qu’on a ici, j’ai vraiment l’impression que le Port-du-Rhin est un quartier délaissé», rapporte Halima. Sur les étagères de l’atelier peinture, « on n'a que du rouge, du jaune ou du blanc », déplore l’animatrice de 33 ans, arrivée en mars 2017 avec la volonté de « se rendre utile, ici plus qu’ailleurs ».

Depuis trois ans pourtant, le Port-du-Rhin est en pleine mutation. A proximité de la cité Loucheur érigée en 1931, sur la place de l’Hippodrome, s’est élevé un ensemble de 380 logements privés et sociaux qui ont attiré de nouveaux résidents, dans un quartier souffrant d’une mauvaise réputation. L'inauguration en avril de l'extension de la ligne D du tram jusqu'à Kehl a aussi désenclavé la zone. « C’est comme une lumière, avant c’était le noir », raconte Hifi, bénéficiaire d’un logement social. Devant la nouvelle aire de jeux installée au bas des immeubles, très peu fréquentée, le jeune papa surveille ses enfants et se réjouit de la transformation du quartier où il a grandi.

Entre l'Ill et le Rhin, les pêcheurs du front de Neudorf viennent chercher le calme au milieu de l'agitation de la cité. Casquette ou béret, les ambiances changent en fonction des spots qu'affectionnent ces passionnés.

Dans la zone piétonnière de Rivétoile, les horaires restreints et le manque d'espaces de déchargement compliquent le travail des livreurs. L’Eurométropole souhaite minimiser l’affluence de véhicules pour faire la part belle aux autres usagers et réduire la pollution.

Rivetoile, 9h du matin, les livreurs s’affairent. La zone souterraine de livraison est en effervescence, des véhicules stationnent, feux de détresse allumés au bord de l’avenue du Rhin, à cheval sur le trottoir. De chaque côté du centre commercial et de la presqu’île Malraux, le problème d’accès aux commerces est le même. Les livreurs s’adaptent comme ils peuvent pour respecter leurs délais, quitte à enfreindre les règles. Certains vont même jusqu’à traverser la passerelle piétonne en voiture, ou utiliser les accès pompiers.

 « Au sous-sol de Rivetoile, on reste bloqués pendant des heures, il n’y a pas de place réservée et parfois il y a même des clients qui vont dans la partie livraison. Du coup je me mets sur le trottoir, au moins je suis tranquille », témoigne Serkan, livreur UPS. Tous les jours, il livre une vingtaine de colis aux boutiques du centre commercial.

Nombreux sont, comme Serkan, les livreurs qui dénoncent les difficultés pour desservir ce secteur. L’obstacle principal : un nombre trop restreint de zones de livraisons. Le souterrain est trop petit comparé aux flux de véhicules, il est vite encombré par les poids lourds, chaque commerce réceptionnant en moyenne huit fournisseurs différents par jour.

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