Le quartier Rivetoile-Malraux se verrait bien comme un centre névralgique de Strasbourg. Animé le jour, il est pour l’instant loin d’attirer les noctambules locaux.
Il est 19h50 et le Barco Latino n'affiche pas complet. En ce jeudi soir, pourtant propice aux soirées étudiantes, seules trois des tables de l’imposante terrasse colorée de la péniche cubaine sont occupées. La petite bande à Julie, qui vit à Strasbourg depuis deux mois, ne voit pas que des côtés négatifs à cette faible affluence. « Au moins, ici, on fait pas la queue, constate la jeune fille. Et puis les mojitos sont pas chers ! », ajoute en rigolant son amie Solange, un verre à la main. A la table d’à côté, Alice et ses amis sont plus critiques. « C’est un peu mort le soir ici », confie l’étudiante de 22 ans. Le groupe se rejoint là pour la première fois, plutôt par commodité que par volonté. « C’est ce qui nous arrangeait le plus, c’était à mi-chemin entre nos appartements respectifs », reconnaissent-ils.
Outre les installations fixes, les ateliers temporaires attirent aussi les familles. En 2016, plus de 200 000 visiteurs, petits et grands, se sont rendus au Vaisseau. Cette saison, l’animation Envole toi ! fait découvrir le vol mécanique et naturel à travers la fabrication de petits objets. « Qu’est-ce que je peux bien faire avec une bouteille ? s’interroge un garçon. J’ai besoin d’une cisaille ! » Au centre de la table, pots de yaourt, plumes et papier crépon sont mis à disposition. Les enfants laissent parler leur imagination. « Je fais de la magie scientifique ! », crie un autre marmot en voyant sa création s’élever dans les airs.
Au Shadok, ce sont les cultures numériques qui sont à l’honneur. Le FabLab met à disposition du public de multiples machines-outils pilotées par ordinateur. Sur les étagères trônent des catapultes miniatures en bois, fabriquées par les enfants. Tout au long de l’année, des formations alliant plaisir et découverte leur sont proposées, à l’image de Scan ta face, où les plus jeunes créent leur photo en 3D.
Dans un coin, les enfants s’essaient au recyclage. Ils trient virtuellement des bouteilles, les compactent puis en font des paillettes de déchets. Aucun thème n’est laissé au hasard, couvrant des questions scientifiques complexes telles que la poussée d’Archimède. « On lui explique, mais je ne suis pas sûre qu’elle comprenne, même pour nous c’est pas toujours facile », sourit la grand-mère de Jeanne.
Quant au jardin d'Edithe Bresch, on y trouve des tournesols et des géraniums, mais aucune plante destinée à la consommation, car une partie de l’éco-quartier est construite sur une ancienne usine à gaz. « L’éco-quartier est totalement pollué, déplore Edithe Bresch. On ne peut même pas manger une salade plantée en pleine terre... ». Pour s’affranchir de cette contrainte, la plupart des habitants utilisent les toits en terrasse des bâtiments pour y cultiver des potagers, qui servent aussi d’espaces de rencontre en surface.
Afin de sensibiliser les plus jeunes à une question aussi complexe que la guerre, les psychologues privilégient le dessin. « Tout enfant comprend mieux s’il passe par des modalités qu’il apprécie », estime Alice Titia Rizzi. Expliquer les choses via un langage d’enfants : c’est aussi le parti pris du Vaisseau et du Shadok.
« Au Vaisseau, on apprend en s’amusant ! », aime à rappeler Olivier Gathy, chargé de communication. Créée en 2005, cette mini Cité des sciences vise à redonner le goût de la découverte aux plus jeunes à travers des ateliers traduits en allemand et en anglais. Un comité scientifique se charge de la création des dispositifs pédagogiques. « Le but, c’est vraiment d’apprendre, précise Olivier Gathy, les enfants ne viennent pas seulement s’amuser ici. »
De nombreux ateliers sont aussi organisés tout au long de l’année. Jawad, 5 ans, sa sœur Mazam, 7 ans, et leur mère viennent participer à l’un d’eux. Dans le cadre de l’exposition Déflagrations, ils découvrent 200 dessins d’enfants réalisés en contexte de guerre. De la France en 1914 à la Syrie actuelle, plus de 30 conflits sont représentés.
Jawad et Mazam cheminent d’un dessin à l’autre. Curieux, ils enchaînent les questions : « C’est quoi ça ? Est-ce qu’il y a des monstres ? Pourquoi il y a un os ? » Alice Titia Rizzi et Elisabetta Dozio, les deux psychologues qui encadrent l’activité, leur expliquent différents aspects de la guerre : les explosions, la fuite, la mort. Mais Jawad s’égare rapidement : « C’est quand qu’on dessine ? »
Au bout d’une heure, il est temps de monter à l’étage, où feuilles blanches et crayons l’attendent. Le petit garçon dessine successivement la guerre et un arc-en-ciel. Sa sœur représente sa famille, « pour que ce ne soit pas triste et que ça mette de la bonne humeur dans le cœur ».
« Allez, plus vite, plus vite ! » Manettes en main, Enzo, Nisio et Emmanuel se défient à Mario Kart sur la Wii U. Face à leur enthousiasme débordant, les responsables du Gametisch de la médiathèque André-Malraux peinent à les rappeler à l’ordre. Assis au fond de son pouf rouge, Enzo savoure sa victoire en silence. Les trois amis, âgés de 9 à 14 ans, se sont rencontrés dans l’espace jeux vidéo de la médiathèque. Comme chaque soir après les cours, ils se donnent rendez-vous pour jouer et lire. La structure offre une large palette d’activités, aussi bien culturelles et pédagogiques que purement divertissantes. Lectures de contes, prêt de DVD, jeux de société : il y en a pour tous les goûts.
Depuis l’arrivée de ses premiers habitants en 2015, la vie commence à s’organiser dans l'éco-quartier Danube, malgré le chantier et des difficultés de cohabitation.