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L'Union a décidé de remettre à plat les choix budgétaires qu'elle a arrêtés jusqu'à 2013. De l'argent, pour quels buts communs? Nicolas Sarkozy a ses idées sur les préférences collectives, reste à les faire partager. Alain Lamassoure est un allié clef au Parlement européen.

Alain Lamassoure planche sur le budget

L’eurodéputé est l'auteur d'un rapport sur la réforme des ressources propres de l'Union adopté par le Parlement européen en vue du réexamen du budget en 2008-2009. Un des dossiers chauds de la présidence.

C’est l’un des artisans du Traité de Lisbonne : l’eurodéputé Alain Lamassoure, 63 ans, était le «Monsieur Europe» du candidat Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle, cet ancien ministre des gouvernements Balladur et Juppé, originaire de Gascogne, a mis en musique le projet de traité simplifié du futur chef de l’Etat : «J’ai proposé à nos partenaires allemands, puis aux autres, d’élaborer ce traité, non pas avec un stylo mais avec des ciseaux, en conservant toutes les innovations juridiques qu’apportait le projet constitutionnel par rapport aux traités précédents et en changeant la présentation et le vocabulaire.»
Une mission officieuse qui lui a permis de gommer en partie le souvenir de mai 2005, lorsqu’il avait été «assommé» par la victoire du «non» au référendum sur le Traité constitutionnel. Pendant 18 mois, il avait contribué à son élaboration au sein de la Convention européenne. Alain Lamassoure a ensuite connu une nouvelle désillusion après l’élection de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas entré au gouvernement, ni dans une équipe en charge d’assurer le suivi des affaires européennes. «Je l’aurais mieux compris si mon travail avait été mis à la corbeille. Au contraire, le traité simplifié a été validé unanimement. J’aurais au moins apprécié d’être invité à assister à la signature du Traité à Lisbonne… Même cette ambition est apparue démesurée», confie-t-il.

Un débat «sans tabou»

Président de la délégation française du Parti populaire européen et des Démocrates européens (PPE-DE) et secrétaire national de l'UMP en charge des questions européennes, Alain Lamassoure est aussi membre de la commission parlementaire des budgets et de celle, temporaire, chargée des perspectives financières 2007-2013. Or, le réexamen des finances de l’Europe à 27 fait partie des dossiers importants des mois à venir. En 2006, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient mis d’accord sur une renégociation de ces perspectives en 2008-2009 afin de déterminer les prochaines priorités politiques et les lignes directrices du budget. Le 12 septembre 2007, le président de la Commission José Manuel Barroso a lancé un débat «sans tabou» sur les orientations de dépenses de l’UE en ouvrant une consultation publique qui s’achèvera le 15 avril 2008. Le point le plus délicat de cette révision, à mi-parcours, sera le montant des subsides accordées à la politique agricole commune (PAC) qui représente aujourd’hui 44% du budget de l’UE (55 milliards d’euros). Etape importante : le 20 novembre, la Commission a rendu public son bilan de santé de la PAC.

L’impôt européen n'est pas pour demain

Avant les initiatives de la Commission, Alain Lamassoure avait présenté un rapport sur la réforme des ressources propres, fruit de longues négociations avec les parlements nationaux, adopté par le Parlement européen en mars 2007. Ses conclusions : l’impôt européen n’est pas prêt de voir le jour car la quasi-totalité des Etats membres en rejettent l’idée.
Alain Lamassoure est l’un des rares hommes politiques français à privilégier une carrière européenne plutôt que nationale. «La plupart des grands choix politiques qui conditionnent l’avenir de la France ne se décident plus à Paris mais avec nos partenaires à Bruxelles», avance-t-il. «Trop peu de nos compatriotes en sont conscients.» L’ancien ministre ne sait pas encore s’il se représentera aux élections européennes en 2009. Néanmoins, il ne le cache pas : «Je serais passionné par un mandat de Commissaire…»

Guilhem Martin Saint Léon, à Strasbourg

 

Titrisation: l'effet dominos

La France et l’Europe souhaitent mieux réguler et rendre plus transparent le système de titrisation. Cette technique financière née aux Etats-Unis au début des années 1970 permet à une entreprise de transformer des actifs peu liquides (une grosse somme) en valeurs plus facilement cessibles comme des obligations (petites sommes), pour accéder à de nouvelles sources de financement. Les banques, qui réalisent de nombreux prêts aux particuliers (des prêts immobiliers par exemple), font couramment appel à ce type de financement.
Le risque majeur révélé par la crise des subprimes, est que les emprunteurs deviennent insolvables et ne remboursent plus leur emprunt. Du coup, toute la chaîne est menacée d'effondrement.
Risque aggravant: la pratique de la Special purpose company (SPC). En s’interposant entre le cédant et l’investisseur, celle-ci fait écran : les investisseurs (entreprises, banques...) ne vérifient pas l’origine du titre, et se trouvent sans le savoir directement exposés en cas d’insolvabilité des emprunteurs . C'est précisément ce qui 'est produit avec la crise des subprimes.

«Pas prêts de réguler»

Nicolas Sarkozy l’a dit et répété lors d’un discours commun avec la chancelière allemande Angela Merkel en novembre dernier, il faut plus de transparence sur les marchés financiers.
Concrètement? Les dirigeants veulent une règlementation plus soutenue du contrôle de l’origine des titres pour éviter qu’une nouvelle crise des subprimes ne touche les marchés européens. Mais certains financiers et avocats de la titrisation s’étonnent des ambitions du président français.
Le Trésor français travaille en effet en ce moment même à la refonte du cadre législatif de la titrisation. Le Parlement français doit, d’ici juin 2008, voter une loi d’habilitation pour que le gouvernement légifère par ordonnance sur le sujet. Mais la nouvelle loi, selon Alexandre Bordenave, avocat spécialiste de la titrisation chez GIDE, libéraliserait encore plus la titrisation française, déjà régulièrement assouplie depuis vingt ans (lois de 1996, 1998, 2003 et 2004 notamment). «Il a fallu attendre 1996 pour que la loi française officialise l’existence de la titrisation alors qu’elle existait depuis 30 ans. Vous imaginez bien qu’elle n’est pas prête de réguler», conclut-il.

Fanny Lothaire, à Paris

 

Intervenir, oui, mais comment? Le 14 décembre 2007, les dirigeants européens réunis à Lisbonne ont jugé «indispensable d’exercer une surveillance constante sur les marchés financiers et l’économie, car des incertitudes subsistent». Déjà, le 10 septembre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy réclamaient «plus de transparence des marchés financiers et plus de responsabilité pour les agences de notation et les fonds à effet levier». Même Gordon Brown, premier ministre britannique, et protecteur obligé de la City de Londres, s’est prononcé pour une intervention politique. Mais la question du mode d’intervention reste en suspens, entre les partisans d’un gendarme européen et ceux de l’autorégulation.

Hedge funds et agences de notation montrés du doigt

Confrontés à la tempête qui frappe les marchés financiers depuis l’été 2007, la majeure partie des dirigeants politiques et des analystes ont pointé du doigt la responsabilité des hedge funds (fonds spéculatifs) et des agences de notation dans la crise des «subprimes mortgages» (crédits hypothécaires à haut risque). Une crise qui a poussé la Banque centrale européenne, la banque d’Angleterre et la Réserve fédérale américaine à injecter massivement des liquidités afin de stabiliser le système et garantir un minimum de liquidité dans les tuyaux financiers.
En investissant massivement dans les subprimes américains, des produits risqués et proches de l’implosion, puis en répartissant ces investissements dans d’autres secteurs, les hedge funds ont contribué a propager l’instabilité et l’opacité des marchés. Même si, paradoxalement, leur rôle dans l’équilibre de l’économie mondiale est jugé positif par la plupart des analystes.
De leur côté, les agences de notation, chargées de délivrer des notes aux entreprises (de AAA pour les premiers de la classe à D pour les faillitaires), ne sont pas non plus dans les petits papiers de la chancelière allemande: «Si l’on regarde comment s’est déroulée la crise du crédit immobilier, on a souvent constaté que ce qui était très bien noté se révélait beaucoup plus instable». Manque de sérieux? La critique est plus profonde. Les agences de notation seraient coupables de conflit d’intérêt, étant rémunérées par les mêmes entreprises qu’elles évaluent.

Le code de conduite? «C'est du pipeau!»

Solution avancée par les politiques: la "régulation". Mais quel type de régulation et qui pour la faire appliquer? «Faut-il de nouvelles normes ou un code de bonne conduite pour les hedge funds? Faut-il un code de bonne conduite ou de nouvelles normes pour les agences de notation? Je ne sais pas pour l’instant. Une chose est sûre, le marché n’est pas assez transparent», confesse François Pérol, conseiller spécial du président français, en charge des questions économiques.
«Le code de bonne conduite, c’est du pipeau !», s’exclame la française Pervenche Berès, eurodéputée socialiste et présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le vrai problème de transparence dans ces segments des marchés financiers vient du fait qu’il n’y a pas de gendarme européen pour faire appliquer les règles.» Un gendarme que réclame le ministre italien de l’économie, Tommaso Padoa-Schioppa, dans une lettre adressée le 26 novembre 2007 à la Commission européenne.
Pour le moment, les marchés sont contrôlés au niveau européen via le CESR, un comité composé de représentants de chaque institution de réglementation nationale, à l’instar de l’Autorité des marchés financiers en France. Une situation qui semble suffire, à quelques améliorations prêt, à l’Allemagne comme à la Grande-Bretagne, partisans d’une régulation indirecte via un meilleur contrôle prudentiel des banques d’investissement et un simple code de bonne conduite.

Antoine Krempf à Paris

 

L’économie de la zone euro est affectée par les évolutions des taux de change des principales devises internationales (dollar, yen, yuan). Après Nicolas Sarkozy, la Commission européenne, l'Eurogroupe et l’Allemagne s’inquiètent aujourd’hui de la force de la monnaie européenne par rapport aux devises américaines, chinoises et japonaise. L’absence de vraie politique de taux de change risque de continuer à peser sur la zone euro en 2008.
Questions à Eloi Laurent, économiste senior spécialiste des questions européennes à l’Observatoire français des conjonctures économiques (Centre de recherche en économie de Sciences-Po Paris) et maître de conférence à Sciences-Po Paris.

Qu’est ce que la zone euro peut faire pour lutter contre la hausse du taux de change de l’euro?

Il faut d’abord remettre les choses dans leur contexte. Nous sommes pris en étau. La Chine administre son taux de change comme bon lui semble et fait en sorte que le yuan ne s’apprécie pas, le Japon utilise de façon agressive son taux de change pour tirer ses exportations vers le haut et compenser la faiblesse de sa demande interne et les Etats-Unis se servent de leur taux de change comme d’une arme pour réduire leur déficit courant en dynamisant leurs exportations.
Au milieu, l’euro est ballotté au gré des politiques de changes des autres puissances. Car les autres ont une politique de change!
La zone euro est victime de ce que nous avons appelé avec Jacques Le Cacheux et Jérôme Creel un « hold-up tranquille » de la BCE sur le taux de change.
La BCE soumet de fait le taux de change à son objectif de lutte contre l’inflation. L’euro fort sert cet objectif puisqu’il amortit la flambée du prix des matières premières. Et le Conseil, qui a en droit compétence partagée avec la BCE sur la politique de changes, se refuse aujourd’hui à assumer sa responsabilité. Résultat: nous regardons l’euro monter, inquiets et impuissants.

Mais concrètement, si la BCE voulait agir sur le taux de change, comment pourrait-elle s’y prendre?

Il y a en théorie trois politiques possibles. D’abord, la politique de la parole, c’est à dire avertir les marchés financiers de l'imminence d'une intervention et en tout cas de l'existence d'une forte préoccupation. Ensuite, intervenir sur le marché des changes, mais cette solution n'est efficace que si d’autres grandes banques centrales agissent de concert. Cela a déjà marché en 2000. Troisième et dernière politique possible, baisser les taux d’intérêts.

Est-ce que le nouveau traité européen, s’il est ratifié, donnerait plus de moyens pour agir sur le taux de change de l’euro, par exemple à l’Eurogroupe?

Si le nouveau traité est ratifié, il changera peu de choses. Dans ce texte, l’Eurogroupe, qui rassemble les pays membres de la zone euro, est certes reconnu pour la première fois, mais c'est une instance de débat, pas un lieu de décision. Le traité de Lisbonne ne le dote en particulier d’aucun pouvoir en matière de taux de change. On détaille son fonctionnement dans un protocole additionnel au traité, preuve qu’il est loin d’être une institution centrale.
Le traité ne reconnaît donc l’Eurogroupe qu’en trompe-l’oeil: il acquiert une existence officielle mais pas de pouvoir légal dans un ensemble qui est avant tout juridique. C’est donc une coquille vide qui ne fera absolument pas contrepoids à la BCE, qui est aujourd'hui avec la CJCE l'institution la plus puissante de l'UE. En outre, dans le traité, il n’y a aucune disposition nouvelle qui montre l’Europe a l''intention de sortir de l'ambiguité institutionnelle et de se doter d’une véritable politique de taux de change.

La montée de l'euro inquiète de nombreux pays européens et notamment la France, pour qui l’euro fort est synonyme de baisse des exportations et donc de faible croissance. Est-ce que la France, durant sa présidence, pourra faire pression sur la BCE pour agir sur le taux de change?

L’euro fort coûte très cher à la France. Beaucoup plus cher qu’à l’Allemagne par exemple, qui a beaucoup délocalisé sa production et pratiqué une modération salariale extrême et souffre moins du taux de change en conséquence. Mais dernièrement, quand l’euro a atteint 1,50 dollars, l’Allemagne s’est réveillée et a exprimé ses inquiétudes. C'est donc peut-être le taux de change auquel les intérêts européens convergent. La France ne pourra se faire entendre que lorsque des pays importants, comme l’Allemagne ou l’Italie, se rallieront à sa cause et demanderont à la BCE d’agir, lors d'un sommet européen extraordinaire par exemple. Mais pour que la BCE réagisse, il faudrait presque attendre que l’euro monte à 1,55 ou 1,60 dollars. Il faudrait donc que notre économie agonise sous la pression de l’euro pour que les pays européens aient enfin leur mot à dire! Il faut que l’Europe définisse une vraie politique de change, car, sans cela, elle continuera à perdre au jeu de la mondialisation et finira par se fermer.

Propos recueillis par Fanny Lothaire

Les think-tanks s'y intéressent

BRUEGEL, BRUSSELS EUROPEAN AND GLOBAL ECONOMIC LABORATORY - fondé en 2005, basé à Bruxelles. Dédié à l’économie internationale, se propose de donner un nouveau souffle aux discussion sur les politiques économiques européennes. Il est soutenu financièrement par 16 gouvernements de l’UE et par des grandes entreprises privées. Il fournit des recherches, des analyses, des débats.

THE LISBON COUNCIL - fondé en 2003, siège à Bruxelles. C’est un groupe d’économistes, d’académiciens, d’entrepreneurs qui affirment essayer de trouver des solutions aux grands problèmes économiques et sociaux de nos jours. Ses principaux thèmes de recherche sont: la productivité et l'innovation, le développement et l'emploi, le modèle social européen, le consommateur européen, etc.

Feuille de route 2008

1er JANVIER : l'entrée de Chypre et Malte dans la zone Euro porte à 15 le nombre d'Etats membres ayant adopté la monnaie unique. Les quotas d'importation de textile dans l'UE, en place depuis 2005, sont remplacés par un système commun de surveillance.
JANVIER : Peter Mandelson commissaire au commerce extérieur propose une révision de la politique de défense commerciale.
8 FEVRIER : réunion du G7 (groupe des sept pays les plus industrialisés : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Australie, Royaume-Uni, Italie, France) à Tokyo, Japon.
13 et 14 MARS : Conseil européen de printemps à Bruxelles, consacré à la stratégie de Lisbonne, sous présidence slovène. Il traitera notamment de la régulation des marchés financiers.
4 et 5 AVRIL : sommet Ecofin informel à Brdo en Slovénie. Les ministres de l'économie et des finances des 27 devraient adopter des principes généraux assurant la stabilité financière dans l'UE.
12 et 13 AVRIL : réunion des institutions de Bretton Woods, Banque mondiale et Fond monétaire international, à Washington D.C. Au FMI, le Groupe des 24 (pays émergents et en voie de développement), lié au G77 de l'ONU, entend peser face au G8.
JUIN : Günter Verheugen, le commissaire aux entreprises et à l'industrie, propose unepaquet législatif sur les PME (Small Business Act)
19 et 20 JUIN : second conseil européen de la présidence slovène, Bruxelles.
7 au 9 JUILLET : Ile d'Hokkaido, Japon. Réunion du Groupe des 8 (G8), sept pays occidentaux plus industrialisés (G7) et la Russie. Le problème de la régulation des marchés financiers devrait être discuté.
12 et 13 SEPTEMBRE : En France, réunion informelle de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin.
DECEMBRE : Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, espère conclure le cycle de Doha. Lancé en 2001 pour 3 ans, il a pour but d'offrir aux pays en développement un traitement différencié et de libéraliser le marché mondial des services. Plusieurs dossiers, notamment l'agriculture, bloquent toujours entre pays en voie de développement et pays industrialisés, dont l'UE.

Des aménagements minimaux pour la zone euro, qui se voit dotée de règles propres et d'une plus grande visibilité. La politique commerciale doit désormais respecter la cohérence de l'action extérieure de l'Union.

L'Eurogroupe voit son existence et celle de son président reconnues formellement (protocole 3). La Banque centrale européenne devient une institution à part entière. Son directoire est nommé à la majorité qualifée. Elle peut se voir confier une mission de contrôle des établissements de crédits (article 127 TFUE).

Une gouvernance renforcée

Au sein du Conseil Ecofin, les Etats membres de la zone euro peuvent décider seuls de renforcer leur discipline budgétaire ou d'adopter des orientations de politique économique (article 136 TFUE). Les autres cas où ils sont seuls à exercer le droit de vote sont énumérés. La Commission européenne obtient le droit de proposer au Conseil de déclarer un Etat membre en «déficit excessif». Il faudra donc l'unanimité des membres de l'Eurogroupe pour modifier cette proposition.

Une représentation commune sur la scène internationale

Le Conseil pourra, après consultation de la BCE, «adopter des mesures appropriées» pour assurer une représentation commune de la zone euro auprès des institutions financières internationales (article 138 TFUE)

Une compétence commerciale élargie

La politique commerciale devient explicitement une compétence exclusive de l'UE. Elle s'étend aux droits de propriété intellectuelle,aux services et aux investissements directs étrangers (article 207 TFUE). Le texte maintient le vote à la majorité qualifiée au Conseil sur les
accords commerciaux, mais il recourra à l'unanimité pour ceux touchant au secteur culturel et audiovisuel et aux services sociaux et de santé «lorsque ces accords risquent de toucher gravement l'organisation de ces services au niveau national». Le Parlement accède à la codécision sur le cadre d’exercice de cette politique, qui doit respecter les «principes et objectifs de l’action extérieure». Le Haut Représentant pourrait donc avoir son mot à dire sur l’action du Commissaire au Commerce.

Fanny Lothaire

L'Union doit gendarmer les marchés monétaires et financiers mais ausi muscler ses instruments de défense commerciale. Protectionnisme ? Non, réciprocité, assure François Pérol conseiller économique de l'Elysée.

François Pérol: « Monsieur économie »

Pour cet homme de cabinet, rallié à la cause sarkozyste sur le tard, l’économie mondiale est un champ de bataille dans lequel l'Union doit imposer sa voix. Rendre l’Europe forte et compétitive sur les marchés mondiaux est un défi essentiel, et la future présidence sera « une occasion très importante de montrer que l’Europe a besoin de la France ».

François Pérol ne cache pas le dédain que lui inspire la stratégie de Lisbonne -qui vise à faire de l’Union européenne l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010. Sourire au coin des lèvres, il la considère comme lettre morte. Mais il ne souhaite en tout cas pas laisser la France et l’Europe se faire écraser par la concurrence agressive des autres pays.
Depuis son arrivée dans les couloirs vieillis du cinquième étage du Palais de l’Elysée en mai dernier, cet énarque diplômé d’HEC, promu conseiller économique de Nicolas Sarkozy, gère les gros dossiers économiques de la présidence. A 44 ans, cet inspecteur des finances, chef du bureau des marchés financiers à la direction du Trésor de 1996 à 1999, ancien directeur de cabinet de Francis Mer en 2002, puis de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Economie, a mérité son surnom de « Monsieur économie » du président.
Les gros dossiers, tels que la fusion GDF-EDF, l’affaire Airbus-EADS ou encore l’avenir d’Areva, passent en priorité dans son bureau, reléguant Bercy, selon Sylvie Pierre-Brossolette de l’hebdomadaire Le Point, à une sorte de pâle doublure médiatique. « Dès qu’il y a enjeu de pouvoir, tout passe par le bureau de Pérol », avait avoué un industriel français à l'hebdomadaire.

L'artisan de « l'Europe qui protège »

Son empreinte est lisible dans tous les discours économiques du président. Le 10 septembre dernier, dans une lettre commune avec la chancelière allemande Angela Merkel, Nicolas Sarkozy souhaitait rendre plus transparents les marchés financiers et contrôler les institutions financières européennes pour tirer toutes les conséquences de la crise subprimes déclenchée par les Etats-Unis . Première étape proposée : mettre en place un code de bonne conduite des institutions financières qui régissent les marchés. Un voeu auquel s'est rallié le Premier ministre britannique Gordon Brown. Le président français souhaite également placer l’Europe au coeur des négociations commerciales internationales, notamment àl’OMC.
Le ton de la future présidence française est donné : face à la volatilité des marchés financiers et à la concurrence globale, « une Europe qui protège ».
« Je ne vois pas de contradiction entre une Europe qui protège et une Europe compétitive », précise François Pérol. « Nous sommes pour la concurrence mais à partir du moment où tout le monde joue selon les mêmes règles. Il ne faut pas être naïf, il faut fixer des règles pour que la concurrence soit la même partout. Nous n’avons aucune raison de laisser les pays non européens profiter du marché sans nous et à notre détriment ».
Comment y parvenir? Par exemple par la création d’une taxe carbone prélevée sur l’importation de produits issus de pays tiers qui ne respecteraient pas les normes de fabrication environnementale de l’UE. Une mesure qui « rétablirait de l’ordre à nos frontières et que l’on défendra pendant notre présidence ». Une façon écologique, aussi, de se protéger de la concurrence mondiale.

«Montrer que l’Europe a besoin de la France»

La meilleure défense reste l’attaque, un adage que le conseiller économique compte mettre en application lors de la présidence française de l’UE. Même souci de protection sur le plan monétaire. Sur ce dernier point, le conseiller économique est catégorique : « Il n’est pas normal que l’euro soit la seule monnaie qui s’apprécie. Nous essayons d’ailleurs de convaincre nos voisins européens que ce n’est pas bon du tout pour notre économie. La politique de change, dans les traités, relève des gouvernements et non de la BCE. Nous voulons donc renforcer les pouvoirs de l’Eurogroupe et renforcer le dialogue avec la BCE », promet-t-il.

Fanny Lothaire
Antoine Krempf

La grande table ronde de l'écologie à la française a tourné à la séance de rattrapage de la législation européenne.

«Le Grenelle de l’environnement? Ah, c'est une belle machine médiatique», ironise un eurodéputé français. De Paris à Bruxelles, l'événement fait grincer quelques dents : la révolution écologique à la française n'est bien souvent qu'une simple reprise de la législation européenne.
Difficile pourtant pour les eurodéputés de croire que leurs collègues français ignorent tout des normes européennes. «Jean-Louis Borloo (ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durable) connaît très bien la législation de l’UE», tranche Ambroise Guellec, député français PPE/DE. « C'est un grand classique politique en France. On oublie le niveau européen.»
Car pour certains, le Grenelle est avant tout « une stratégie de communication avec une petite taxe par-ci ou par-là. Mais c'est surtout la mise en application de la législation européenne, comme pour les OGM», selon Marie-Hélène Aubert, vice-présidente du groupe des Verts au Parlement européen. «Il semble que ce soit une séance de rattrapage. Comme bien souvent, c'est l'Europe qui est moteur», ajoute Philippe Tourtelier, député PS membre de la délégation pour l’Union Européenne de l'Assemblée nationale et du groupe de suivi du Grenelle.

"Sarkozy va se rouler par terre pour la sauvegarde des petits oiseaux"

Jérôme Bignon, député UMP et lui aussi membre du groupe de suivi du Grenelle, dément cet immobilisme écologique : «Mes collègues parlementaires ont peut-être raison quand ils parlent de mise à jour, mais ce n'est que temporaire : il s’agit d’aller au-delà des directives européennes. On est quand même le seul pays en Europe à évoquer le développement durable. Le Grenelle avait aussi pour objectif de changer les habitudes de consommation : cela sera également l'un des futurs enjeux de la présidence française.»
Une présidence de l'Union où l'on devrait donc entendre parler du Grenelle. Mais, selon certains, en France ou en Europe, les priorités de la présidence française sur l'environnement seront du même acabit : «Dans six mois, le Grenelle va être en haut de l’agenda en terme de communication : Sarkozy et ses ministres vont se rouler par terre en appelant à la sauvegarde des petits oiseaux, dit Marie-Hélène Aubert . Le président annoncera la création d’une taxe carbone et si ça ne marche pas, ce sera la faute de ses collègues européens... »

Sarah Bernuchon à Paris

Opposée à la proposition de directive sur le dégroupage patrimonial des monopoles énergétiques, la France tente de prendre les devants pour que ce dossier, sur lequel les Etats membres sont très partagés, aboutisse avant fin 2008.

Face au projet de la Commission européenne de démanteler les monopoles sur le gaz et l’électricité, la France freine des deux pieds. Afin de préserver Gaz de France et EDF, Nicolas Sarkozy tient à boucler le dossier «ownership unbundling» au cours de la présidence française du Conseil. Car après, il sera plus difficile de défendre la position française : dès 2009, les décisions en matière d’énergie seront soumises au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, et non plus au régime de l’unanimité.
En jeu : le démantèlement des systèmes verticaux à la française, où un même groupe détient toute la chaîne énergétique, de la production à la commercialisation, en passant par le transport. Objectif : ouvrir le marché européen à la concurrence. La proposition de la Commission, prévue dans le troisième paquet législatif présenté en septembre 2007, vise à instaurer une séparation de propriété entre, d’un côté les réseaux de transport, de l’autre les activités de production, extraction, distribution et commercialisation des opérateurs énergétiques.
La France, soutenue par une Allemagne soucieuse du sort du groupe E.ON, mène la fronde des pays opposés à la directive «unbundling» (Autriche, Grèce, Luxembourg, Slovaquie). Nicolas Sarkozy et Angela Merkel veulent prendre les devants : ils ont récemment annoncé qu’ils présenteront fin janvier 2008 une proposition conjointe sur la question de la séparation effective.
Les orientations contenues dans le troisième paquet ne devraient pas y trouver une très grande place, comme le laisse présager la déclaration de Jean-Pierre Jouyet à la presse, en septembre dernier : «Nous sommes très clairement en opposition avec les propositions faites par la Commission. C’est un paquet qui affaiblit les opérateurs européens et qui ne permet pas de garantir une baisse des prix au profit des consommateurs.»

La bataille des chiffres s’engage

Car l’effet du dégroupage sur les prix est contesté, et la bataille des chiffres ne fait que commencer. Il existe des pays où l’unbundling existe déjà : le Danemark, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, rappelle Oskar Almén, co-auteur du neuvième Observatoire européen des marchés de l’énergie, publié le mois dernier par le cabinet de conseil Capgemini. «Ces pays sont en faveur de la séparation patrimoniale, tout comme la Belgique. Selon une étude d’impact de la Commission, depuis 1998 les prix du gaz et de l’électricité ont augmenté de 6% dans ces pays, contre 29% dans les autres. Mais je pense qu’il est prématuré de mettre la différence sur le compte du seul unbundling. Il y a d’autres variables qui entrent en jeu, comme la dépendance de chaque pays aux différentes énergies.»
De fait, le rapport de Capgemini pointe qu’«à quelques exceptions près, on observe des prix de détail de l’électricité supérieurs à la moyenne européenne dans les Etats membres dont les marchés sont ouverts à la concurrence depuis plus de trois ans». C’est au Danemark que l’électricité à usage domestique coûte le plus cher (258 €/MWh au 1er janvier 2007), tandis que la Grèce (72 €/Mwh) et la France (121 €/MWh) présentent les tarifs les moins élevés, bien en dessous de la moyenne de l’UE (158,1 €/MWh).

Doutes sur la clause Gazprom

En outre, les anti-dégroupage mettent en doute l’efficacité d’une stratégie d’éclatement des opérateurs énergétiques face à la politique russe de «super-bundling». «Gazprom cherche à maîtriser tous les maillons de la chaîne gazière, relève Oskar Almén. Et je ne suis pas sûr qu’une clause de réciprocité soit une solution très réaliste. » Cette suggestion de la Commission, dite « clause Gazprom » imposerait au groupe russe de séparer lui aussi ses activités de production et de transmission avant d’être autorisé à détenir une part de contrôle dans les entreprises énergétiques européennes. Mais «même si Gazprom perdait formellement la propriété des réseaux, l’Etat russe garderait la haute main à la fois sur les réseaux et sur Gazprom», soulignait déjà Philippe Herzog, président du think tank Confrontations Europe, en novembre 2006.
Quoi qu’il en soit, la Commission a déjà fait une seconde proposition susceptible de se substituer à celle de l’unbundling : c’est l’option «Opérateur indépendant du système» (ISO), qui permettrait aux entreprises de rester propriétaires de leurs actifs ; mais la gestion, y compris l’investissement et les décisions commerciales, devraient être transférées à cet opérateur. En retour, ce dernier verserait une rémunération aux groupes énergétiques.
Quant au commissaire à l’Energie Andris Piebalgs, il espère que la négociation entre les Etats membres, qui promet d’être longue et ardue, pourra se conclure sous la présidence française du Conseil. Au moins un point sur lequel la Commission et la France tombent d’accord.

Fabien Mollon à Paris

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