En temps normal, « un gouvernement commence quelque chose et fait en sorte que tout soit transparent et durable pour que la structure politique suivante vienne reprendre ce qu'il a commencé. Il s'agit d'une sorte de procédure démocratique qui n'existe malheureusement pas à l'heure actuelle ».
De son côté, l'économiste serbe Goran Radosavljević voit dans ce projet une stratégie économique bien pensée : faire construire de grands bâtiments permet d’augmenter le PIB du pays à court terme, mais aussi de gagner de l'argent. « Il n'y a pas eu de marché public et le projet a été confié à une seule entreprise, note le chercheur. Waterfront sert alors probablement de machine à blanchir de l'argent, sans aucun contrôle. Le groupe politique d’opposition Zeleno-Levi Front (anciennement mouvement civil Ne Davimo Beograd, « Ne laissez pas Belgrade se noyer ») dénonce ce manque de transparence et alerte sur des risques de corruption. « Les accords de construction ont été signés directement auprès des sous-traitants [sans appel d’offres, ndlr], c’est une possibilité énorme de corruption », soutient Zdravko Janković, membre du parti d'opposition.
Jusqu’à 12 000 euros le m2
L’ambition officielle du projet est d’attirer des investisseurs, des touristes et de créer des emplois. « Tout est neuf, le quartier est moderne et dynamique, avec de nouvelles infrastructures et lieux de vie comme des cafés, des restaurants et des boutiques de luxe qui attirent des visiteurs étrangers », témoigne Isidora Jovanović. Cette étudiante dans une faculté privée d'hôtellerie est aussi serveuse au café de l'hôtel St. Régis, au rez-de chaussée de la Tour de Belgrade. L'hôtel de luxe y occupe les onze premiers étages. Les trente autres sont des logements privés et « le dernier devrait être un restaurant ouvert à tous », explique Isidora Jovanović. « La plupart des clients de l’hôtel St. Régis sont Allemands, Russes, Chinois ou Français, ce sont des personnes en vacances ou alors des hommes d’affaires serbes », liste-t-elle.
« De Loznica à Laznica, nous ne vendrons pas nos mines. » Sur cette affiche accrochée à la rambarde d’un balcon décrépi, une lettre sépare ces deux communes qu’a priori tout différencie. La première, dans l’ouest du pays, est implantée dans une vallée jeune, aux terres agricoles et fertiles. Dans la seconde, en Serbie orientale, les rides de la population se creusent, au même rythme que les mines à ciel ouvert de Majdanpek et Bor qui grignotent les montagnes environnantes. D’un paysage à l’autre, un même fil rouge : des multinationales minières convoitent ces sous-sols.
Dans l'est de la Serbie, les terres de la vallée d’Homolje sont riches en minéraux et pauvres en habitants. En roulant à flanc de coteau, on arrive à Laznica, petite ville de 1 700 âmes. Une société canadienne, Dundee Precious Metals (DPM) y fouille le sol. Depuis avril 2023, DPM a creusé 1 277 trous d’exploration dans un rayon de dix kilomètres autour des villages de Zagubica et de Zdrelo . « Ce sont des forages qui descendent à plusieurs centaines de mètres », explique Ivan Milosaveljević, membre des Gardiens d’Homolje, collectif qui se bat contre le projet aurifère qui devrait voir le jour à l’horizon 2026.
De part et d'autre de la Serbie, des habitants tentent de résister aux projets miniers de multinationales étrangères. À l'ouest, la lutte contre le lithium rassemble et porte ses fruits. À l'est, les habitants peinent à défendre un des derniers joyaux de biodiversité face à la ruée vers l'or.
De part et d’autre du pays, des habitants locaux tentent de résister à des projets miniers exploités par des entreprises étrangères. Des luttes auxquelles les étudiants veulent apporter leur soutien.