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Cinq sièges de plus pour la France

En dépit de ce double revers de son président, la France enregistre une petite victoire. Le texte adopté par le Parlement prévoit qu’elle gagne cinq sièges en 2019. C’est la conséquence directe du rééquilibrage permis par le départ des 73 députés britanniques. Le Parlement profite de ce vide pour corriger la sous-représentativité de 14 pays.

Les 46 sièges britanniques restants sont pour l’instant « gardés en réserve ». Ils restent à disposition en vue d’éventuels élargissements. La Serbie et le Monténégro convoitent ces places à l’horizon 2025.

Thomas Vinclair et Tom Vergez

Róza Thun a assuré à Cuej.info ne pas avoir été touchée personnellement : « Je ne réagis pas directement. Je ne peux pas me mettre à son niveau dans ce débat. Je regrette qu’il n’y ait pas eu d’excuses de sa part. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est, c’est que tout cela se soit passé dans l’espace public. » En attendant l’élection, Róza Thun a décidé de porter plainte contre M.Czarnecki.

Thibaut Martinez-Delcayrou et Quentin Monaton

Double défaite pour Macron

En refusant le principe des listes transnationales, le Parlement acte une défaite d’Emmanuel Macron à l’échelle européenne. Lors de son discours de la Sorbonne, le 26 septembre, le président français s’était clairement prononcé en faveur de ce mode de scrutin. « Je souhaite qu’aux élections suivantes, le vrai pas en avant puisse être que la moitié du Parlement européen soit élu sur ces listes transnationales », déclarait-il.

Ses adversaires se réjouissent déjà de ce pari manqué. « Ces listes, soutenues à bras le corps par Emmanuel Macron, auraient été un gadget inutile, injuste et inapplicable, dénonce Franck Proust, le président de la délégation française du PPE. Macron s’évertue à brouiller les pistes en imaginant des usines à gaz. »

Le président Macron doit aussi s’incliner sur le principe des Spitzenkandidaten (candidats têtes de liste). Ce système permet aux partis politiques européens de désigner leurs candidats à la présidence de la Commission. En 2014, Jean-Claude Juncker avait été le premier à être nommé selon cette méthode. Le Français Michel Barnier (PPE) est pressenti pour lui succéder à la suite de son travail remarqué dans les négociations du Brexit. Emmanuel Macron, tout comme Angela Merkel, estime que ce procédé mène à une politisation de la Commission, et préfèrerait donc que son président soit désigné par les chefs d’État, réunis au sein du Conseil.

« On ne peut revenir sur les Spitzenkandidaten, réaffirme Manfred Weber. Je m’interroge sur les grands discours invoquant le changement démocratique en Europe, si ceux qui les tiennent ne comptent pas renoncer au secret et à l’opacité. » Une allusion à peine voilée à Emmanuel Macron. Sur ce point, PPE et S&D parlent d’une seule voix face au président français. « Le président Macron rejette le Spitzenkandidat parce que La République en Marche (créée en mai 2017) n’est pas organisée à l’échelle européenne, soulignent les eurodéputés socialistes français dans un communiqué. Elle sait que ce mode de désignation ne la mettra pas au centre du dispositif. » Paradoxalement, la position du couple franco-allemand sur ce sujet est partagée par les gouvernements nationalistes d'Europe centrale, mais ces derniers font plutôt valoir la primauté des Etats face à l'Europe.

Ce mode de scrutin s'est heurté à une nette opposition du PPE (centre-droit), majoritaire dans l’assemblée. « Je dois savoir qui m’élit, soutient Manfred Weber, le président du groupe de centre-droit. Les listes transnationales nous éloignent de cela. Je crois en une union fédéraliste, avec des députés en lien direct avec la population locale. » Même la rapporteure du PPE, la Polonaise Danuta Hübner, s’est opposée à la mesure.

L’esprit européen revendiqué par les défenseurs du projet dérange toujours autant les conservateurs. « Dire que ces listes créeraient une conscience supra-nationale, c’est croire à la magie, a ainsi tonné le Hongrois György Schöpflin (PPE) avant le vote. Si ces listes voient le jour, nous aurons 27 députés qui n’auront de comptes à rendre à personne. »

Le Parlement européen a approuvé mercredi la nouvelle répartition des sièges pour les élections de 2019. Le principe des listes transnationales, mesure phare du projet, a en revanche été rejeté. Un revers pour Emmanuel Macron.

C’était un vieux rêve des fédéralistes. Les 73 sièges libérés par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne devaient permettre de le mettre en œuvre. Le Parlement européen en a décidé autrement en rejetant la proposition d'introduire une dose de listes transnationales dans les élections européennes de 2019.

Le projet était de réutiliser 27 des sièges britanniques pour créer une vingt-huitième circonscription, à l’échelle européenne. La mesure recevait un large soutien à gauche, où l’on y voyait un symbole fort. « Nous avions une opportunité fantastique d’avoir un Parlement plus juste, avec une meilleure représentativité européenne », estime le Portugais Pedro Silva Pereira (S&D, sociaux-démocrates), l’un des deux rapporteurs du projet. « Les campagnes européennes ont souvent une couleur très nationale, déplore Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts au Parlement. Des listes transnationales européaniseraient l’élection. Elles obligeraient les familles politiques à tenir un discours cohérent à travers tous les pays. »

A 55 ans, Ryszard Czarnecki n’avait jamais été inquiété politiquement avant cet incident. Cet ancien journaliste, député et ministre est élu au Parlement européen depuis 2004. Il est l’un des membres les plus influents du parti Droit et Justice (PiS, eurosceptique et conservateur), au pouvoir à Varsovie. Désormais ex-vice-président européen, il a déclaré mercredi à la télévision polonaise avoir « la conscience tranquille » et qu’il continuera à remplir son travail au service de son  pays. Quant à Róza Thun, elle est l’une des figures majeures de l’opposition polonaise au sein du parti PO (Plateforme civique, centre-droit). Elle affirme que, malgré des conflits récurrents, « c’est la première fois que de tels mots sont employés ».

Socialistes et Verts au soutien du PPE

Dans la semaine, les eurodéputés de tous bords ont multiplié les déclarations de soutien à Róza Thun. « L’Union européenne a été fondée pour rejeter le nazisme, la guerre et pour avoir un voisinage pacifique, a rappelé le président par intérim du groupe S&D (socialistes et démocrates), Udo Bullman. On ne peut pas tolérer d’avoir une terminologie nazie de la part des titulaires des plus hautes fonctions. » Philippe Lamberts, co-président des Verts, a reproché que, si « dans cet hémicycle tous les élus ici sont dignes de respect, lui n’a pas été à la hauteur ».

Dans l’attente d’un nouveau vice-président

Ryzard Czarnecki ne fait donc plus partie des quatorze vice-présidents. En revanche, il ne perd pas son mandat d’eurodéputé et pourra toujours siéger dans l’hémicycle. Son remplaçant sera élu lors de la prochaine session plénière, du 12 au 15 mars.

Le futur élu sera un membre de l’ECR, comme Czarnecki. « J’aurais aimé que le groupe ECR retire de lui-même M.Czarnecki de son poste de vice-président, indique le socialiste Udo Bullmann. Mais il n’y a pas de conflit. Nous sommes prêts à voter pour un autre candidat ECR. » Même son de cloche chez Manfred Weber, président du groupe PPE, qui a tenu à souligner que « ce n’est pas une mesure contre la Pologne ou le PiS. Il s’agit uniquement du comportement d’un individu ».

Mails et tracts pour influencer le vote

En début de semaine, Czarnecki a pourtant tout tenté pour essayer d’inverser la tendance. Dans un mail envoyé lundi à des centaines d’eurodéputés dans les 24 langues de l’Union européenne, que Cuej.info a pu consulter, Ryszard Czarnecki a tenté de se redonner une bonne image. « En tant que vice-président du Parlement européen, j’ai traité tous les députés, provenant de tous les partis, avec le même respect, en garantissant la liberté de parole et sans couper le micro en pleine phrase des intervenants – parce que je suis en faveur du pluralisme politique. J’ai également protégé le pluralisme linguistique, en essayant de m’adresser à chaque membre dans sa langue maternelle – vous l’avez entendu plusieurs fois ! » Mercredi, le Polonais a fait distribuer des tracts dans les bureaux des parlementaires à l’exception de ceux du PPE, initiateur de la demande de destitution. 

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Ryszard Czarnecki (275) dans l'hémicycle, quelques minutes avant sa démission forcée du poste de vice-président du Parlement européen. ©Juliette Vilrobe

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Le tract distribué aux eurodéputés avant le vote. ©Quentin Monaton

Le Polonais Ryszard Czarnecki (ECR, souverainistes) a été destitué de son poste de vice-président, mercredi au Parlement européen, après avoir insulté l’eurodéputée Róza Thun. Une première dans l’histoire de l’institution.

C’est une première depuis l’instauration en 2009 du poste de vice-président au Parlement européen. Ryszard Czarnecki, membre des Conservateurs et réformistes européens (ECR, souverainistes), a été contraint mercredi de quitter son poste. Sur les 673 députés présents, 447 ont voté pour sa destitution, 196 ont voté contre. Le Polonais a été « démissionné » pour « fautes graves ». Il a payé cher d’avoir comparé sur le site Niezalezna.pl l’eurodéputée polonaise Róza Thun (PPE, centre-droit) aux Szmalcowniks, groupes polonais qui collaboraient avec les nazis. Thun avait fait part de sa préoccupation sur l’état de la démocratie aujourd’hui en Pologne, dans un documentaire diffusé sur Arte.

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