Entre origines ouest-africaines et héritage familial, la jeune artiste Princess Isatu Hassan Bangura explore l’identité, dans une pièce au Théâtre national de Strasbourg, Great Apes of the West Coast, jusqu’au 14 février. Une performance bouleversante.
Great Apes of the West Coast, la pièce de Princess Isatu Hassan Bangura, est à voir tous les soirs au Théâtre national de Strasbourg. © Gilles Njaheut
« D’où viens-tu ? » Cette question aurait pu être l’intitulé de la pièce de Princess Isatu Hassan Bangura, tant elle hante son histoire. Mercredi 7 février au soir, la Sierra-léonaise anglophone apparaissait pour la première fois dans la pénombre de la scène du Théâtre national de Strasbourg, dans le murmure d’une mélodie contemporaine. Great Apes of the West Coast (Les grands singes de la côte ouest, en français) était aussi une première dans l’Hexagone pour la performeuse.
Habillée d’une robe brune, l’artiste de 27 ans déambule, danse, rampe sur le sable éparpillé autour d’une case faite de paillasse. Un décor géométrique et primitif qui renvoie sans doute aux souvenirs d’enfance de Princess Isatu Hassan Bangura. Le sable des plages de la côte atlantique, qu’elle foule tout au long de la pièce, illustre son retour aux racines. Pendant une heure, la performeuse résidant maintenant aux Pays-Bas invite le spectateur à réfléchir au sens des origines.
« "Je pense donc je suis", disait Descartes… Je suis d’avis que nous sommes tels que les autres nous perçoivent », conclut la Sierra-léonaise pour qui ces questionnements ont émergé de manière décisive lors d’une manifestation de Black Lives Matter, à Maastricht, en 2020. « Je suis cette âme qui a choisi le corps d’une femme noire. »
Onirisme, tempêtes psychiques et chorégraphies tribales
Sans lassitude, le spectateur accompagne l’artiste dans ses pérégrinations philosophiques qui convoquent tour à tour, outre Descartes, l’infinité des proverbes tribaux ouest-africains et la psychologie freudienne. La réinterprétation de sa propre naissance, survenue en pleine guerre civile au milieu des années 1990, marque les esprits. La place de la mère dans la performance est centrale et la performeuse la convoque avec un onirisme saisissant.
Les frénésies chorégraphiques et poétiques de Princess Isatu Hassan Bangura illustrent les tempêtes psychiques qui l’habitent. Elle incarne, dans sa chair, une quête de soi. « Le “moi”… C’est tellement délicieux, savoureux », se délecte la jeune artiste.
Ce faisant, elle parcourt les différents états que suppose l’exploration de notre identité : l’excitation, la fierté, le regret, la nostalgie. Une quête vers l’accomplissement et l’acceptation de soi, ponctuée de chorégraphies tribales et de costumes à la fois traditionnels et intemporels. Great Apes of the West Coast est une autobiographie à cœur ouvert, aussi accessible que profonde, qui résonne et raisonne. Une surprenante invitation au voyage intime, à découvrir jusqu’au 14 février.
Zoé Dert-Chopin
Édité par Lisa Delagneau
Great Apes of the West Coast, de Princess Isatu Hassan Bangura, à 20 h. Durée : une heure. Jusqu’au 14 février 2024 au Théâtre national de Strasbourg. Informations et réservation sur le site du TNS.