Le maire de Francfort a invité Daniel Cohn-Bendit pour intervenir lors de la célébration de la fête nationale allemande. Pour la CDU, parti conservateur, c'est un scandale.
Photo : Stephan Röhl
En 1848, l'église Sainte-Paul à Francfort accueille la première assemblée librement élue en Allemagne. Depuis, l'ancien lieu de culte luthérien s'est converti en symbole de la démocratie allemande. Pour la célébration de la fête nationale, qui se tient le 3 octobre en commémoration de la chute du mur de Berlin en 1990, Peter Feldmann, maire social-démocrate de Francfort, a invité le soixante-huitard et ancien adjoint au maire de la ville à se produire dans cet endroit vénérable : Daniel Cohn-Bendit. Même si les Verts sont enracinés dans la scène politique allemande – ils font actuellement partie de dix gouvernements fédéraux – la base conservatrice de la CDU voit dans cette invitation une provocation.
Un grand nombre de conservateurs au conseil municipal entendent s'abstenir de participer à la cérémonie en raison du "passé pédophile" de Cohn-Bendit, a justifié Michael zu Löwenstein (CDU). L'ancien parlementaire européen des Verts se fait toujours régulièrement attaquer pour son livre Le Grand Bazar, qu'il a publié en 1975 et dont certaines passages sont parfois jugés complaisants envers la pédophilie. Bien que Cohn-Bendit se soit distancié à plusieurs reprises de son propre texte - il le qualifie de "mauvaise littérature" et issu d'un esprit de révolte contre les normes sociales de l'époque -, cet ouvrage lui colle toujours à la peau.
Une bisbille entre élus locaux qui illustre pourtant un dilemme à l'échelle nationale pour le parti d'Angela Merkel. Depuis la disparition des libéraux-démocrates au Bundestag et de la plupart des assemblées régionales, le parti conservateur est contraint de partager le pouvoir avec sociaux-démocrates du SPD ou les écologistes de Die Grünen. Une coopération encore impensable il y a peu. C'est le cas en Bade-Wurtemberg et en Hesse. Et également dans la mairie de Francfort, cinquième ville d'Allemagne, que se partage depuis juillet 2016 une triple-coalition entre sociaux-démocrates, conservateurs et écologistes.
L'essor de l'AfD, nouvelle formation de droite populiste, et le discrédit des partis institutionnels poussent plus que jamais ces derniers à être pragmatiques. Il n'empêche que, aux yeux de beaucoup de conservateurs, les Verts demeurent une formation aux accents révolutionnaires et communistes. Et Dany Cohn-Bendit en est un des personnages les plus flamboyants, qui s'illustre notamment dans les travées du Parlement européen. A l'instar de l'interpellation, en 2010, de son président, le social démocrate Martin Schulz, accusé de favoriser la reconduction du conservateur José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne...
Peter Eßer