Ce parti satirique allemand amuse la galerie à l'occasion d'une campagne électorale monotone en Allemagne. Mais il lutte aussi contre l'extrême droite. Le tout avec un certain succès.
En ce moment, la campagne électorale en Allemagne ressemble à un bateau sans moteur dérivant sur une mer d'huile. Pourtant les législatives approchent : elles auront lieu le 24 septembre. Alors qu'aucun parti n'arrive vraiment à imposer ses thèmes, la campagne se révèle plutôt ennuyeuse. Beaucoup d'Allemands semblent attendre la 4e élection de la chancelière Angela Merkel et de son parti conservateur CDU (Union chrétienne-démocrate d'Allemagne). Seul son mentor politique, Helmut Kohl (1982-1998), est resté aussi longtemps au pouvoir, dans une Allemagne d'après-guerre. De cette offre politique réduite, un parti satirique a tout de même émergé, bousculant les partis traditionnels en tentant de les mettre face à leurs contradictions.
LE parti du "centre radical"
Die PARTEI, Le PARTI, acronyme de Parti pour le travail, l’État de droit, la protection des animaux, l’élitisme et l’initiative démocratique, a toujours eu pour devise de tourner en dérision les programmes politiques. Mais pas cette année. "Parce que tous les partis le font maintenant", comme le revendique une de leurs affiches électorales. Avec son programme, dont les grands lignes sont inspirées des idées des Verts, il peut être classé comme étant à gauche. Lui-même se définit comme une formation politique du "centre radical". "Notre objectif central est la prise de pouvoir, et on y travaille", explique à cuej.info Tim Jochmann, candidat dans la circonscription de Fribourg.
Fondé en 2004 à l'initiative du magazine satirique Titanic, le PARTI s'apparente à un site web parodique français Le Gorafi. Avec l'article défini LE Parti dans son nom, il fait référence à deux formations politiques uniques qui ont existé dans le passé : le parti socialiste unifié de l'ex-RDA et le parti nazi NSDAP du Troisième Reich. Il entend attirer l'attention du public et y parvient. Son président, Martin Sonneborn, ancien rédacteur en chef du Titanic, a été élu député européen lors des élections européennes de 2014 avec 0,6 % des voix. Le parti est représenté dans certains conseils municipaux, où sa communication satirique n'empêche pas les élus de remplir leurs obligations conscienscieusement au quotidien. Les sondages actuels créditent Die PARTEI de moins de 1 % d'intentions de votes: son entrée au Bundestag, le parlement allemand, fin septembre, tient donc de la mission impossible. Il compte cependant bien continuer à jouer les poils à gratter.
Le Mur de Berlin revient
Certains le considèrent comme utile pour la politique allemande, d'autres le voient juste comme une plaisanterie. Dans son programme, le PARTI se propose de limiter les revenus des patrons, mais aussi de reconstruire le Mur de Berlin et les frontières de la RDA. Il propose également un plafond de réfugiés flexible. Il estime que l'Allemagne ne devrait pas accueillir "plus de réfugiés que la mer Méditerranée". Autre facétie, son spot publicitaire de campagne qui a été publié sur le site de vidéos pornographiques YouPorn, et les contenus du programme qui ont été transformés en une chanson rap.
La campagne électorale du PARTI a commencé plus tard que celle des autres partis. "Nous attendons ce que font les autres pour pouvoir travailler contre eux", explique Tim Jochmann.
Ridiculiser l'extême droite
Leur satire se montre particulièrement efficace contre l'extrême droite, et notamment le parti AfD (l'Alternative pour l'Allemagne). Leur dernière action a marqué les esprits. Pendant onze mois, des membres du PARTI ont infiltré 31 groupes Facebook privés et leurs quelque 180.000 membres, tenus par des sympathisants de l'AfD. Les pirates ont par exemple changé les noms des groupes de "Aime ton pays" en "Aime ton houmous". Ils voulaient également introduire une part obligatoire de 18% de réfugiés parmi les membres d'un groupe, raconte un des pirates, le satiriste et activiste Shahak Shapira, dans une vidéo.
Germany's right-wing AfD party had its Facebook groups infiltrated by comedian Shahak Shapira and @DiePARTEI. @CarlNasman reports. pic.twitter.com/pbuYqGMe6x
— dwnews (@dwnews) 5 septembre 2017
Son audience va croissante. "Les grands partis travaillent pour nous", raille Tim Jochmann, en référence au duel télévisé dimanche entre Merkel et Schulz, plus perçu comme un duo que comme un duel.
Ferdinand Moeck