Le 26 septembre, les Allemands élisent leur nouveau Bundestag et avec cela, le nouveau chancelier ou la nouvelle chancelière. Le parti écologiste allemand Die Grünen se place parmi les favoris, derrière l’Union conservatrice (CDU/CSU) et le Parti socialiste (SPD). Un score envié par leur voisin français, à la peine dans les sondages de l’élection présidentielle.
1. Des Grünen plus ancrés localement
« Les Verts allemands ont beaucoup plus d’impact sur la vie des gens », note Pierre Radanne, président de l’association 4D et spécialiste des mouvements écologistes. Depuis leur arrivée au Bundestag en 1983, les Grünen cultivent leur ancrage dans les villes et les Länder (les régions). Une tendance qui s’accélère ces dernières années : en 2019, 90 communes avaient un maire écologiste, trois fois plus qu’en 2013 (37). Avec comme apothéose, la conquête de Stuttgart, première capitale régionale allemande sous pavillon vert en 2012.
En France, la vague écologiste annoncée à l’issue des élections municipales, représente 36 grandes villes, comme Lyon, Bordeaux et Strasbourg, soit 1,9 millions de Français.
Mais le parti EELV a du mal à mobiliser un électorat en dehors des villes, alors que les « Grünen ont pu influer sur l’ensemble de la société, par le biais des collectivités territoriales », ajoute Pierre Radanne.
2. Une politique plus pragmatique
Les élus Grünen se distinguent par leur tendance à sortir du seul cadre de la défense de l’environnement. Réalistes, ils n’hésitent pas à dialoguer avec les grands patrons industriels du pays. Le conseil économique du parti compte ainsi dans ses rangs Martin Brudermüller, le PDG du laboratoire chimique BASF ou Hagen Pfundner, membre de la Fédération de l'Industrie allemande (BDI).
Les mesures défendues par les candidats à la primaire écolo, centrées sur la décroissance pour Delphine Batho ou sur un impôt des hauts-revenus d’Eric Piolle, apparaît bien éloignée de la conception allemande. Les Grünen proposent eux un plan d’investissement de 50 milliards d'euros pour financer des infrastructures vertes et investir dans les technologies de pointe.
Cette conception écologiste et libérale ne convainc pas les sympathisants verts outre Rhin. « Ils sont moins radicaux en Allemagne. Ils cherchent à trouver l’équilibre, à être dans la croissance », fustige Octave Delepierre, membre des Jeunes écologistes. Mais ce jeune élu salue l’aptitude de ces voisins à faire des consensus avec d’autres partis, alors que les Verts refusent pour le moment de s’allier avec les autres partis de gauche. « Ce serait contre-productif pour les Grünen de refuser une coalition avec la droite », lâche-t-il, réaliste.
3. Des idées écologistes supportées par d’autres partis
Depuis 1961, la majorité absolue au Bundestag n’a jamais été obtenue et un système de coalition s’est installé. Les partis sont donc parfois contraints de soutenir les idées écologistes, s’ils souhaitent obtenir les faveurs des Grünen. Les discussions entre les partis de gouvernement et l’opposition ont permis de « faire pénétrer la pensée écologiste dans la totalité des partis politiques allemands », souligne Pierre Radanne.
Ainsi, le mouvement de la Energiewende (le virage énergétique) a été initié par les socio-démocrates en 2000, en coalition avec les Verts (1998-2005). La SPD, consciente des problématiques environnementales, a lancé un plan de construction d’éoliennes financé en partie par les impôts.
Succédant à la SPD en 2005, Angela Merkel (CDU) entend aussi adopter des mesures écologiques fortes, sans inclure les Grünen dans son gouvernement. À la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011, et après une forte mobilisation citoyenne, elle annonça la fin du nucléaire à l’horizon 2022. Une mesure balayée respectivement par la droite puis la gauche française. Elle est difficile à mettre en place, tant la France est dépendante de l'énergie nucléaire.
Moins de trois semaines avant les élections, les Grünen tablent sur leur participation au gouvernement. Peu importe quel parti l’emporte, la SPD ou la CDU pourraient probablement compter sur la candidate verte Annalena Baerbock et son équipe pour gouverner. « Il pourrait y avoir des consensus majeurs de la CDU s’il y a une coalition », précise le spécialiste des mouvements écologistes.
4. Un manque de reconnaissance des Allemands pour les Verts
Les deux partis frères, en campagne électorale, ne se sont pas mutuellement soutenus. Un jeune membre des Grünen admet ainsi qu’il ne savait pas que les Verts français gouvernaient dans des grandes villes. D’un autre côté, les sympathisants français sont peu au fait de l’importance de leurs confrères allemands: « c’est une belle surprise cette remontée des voix », ajoute Octave Delepiere. Alors que le parti écologiste trône dans le trio de tête des sondages depuis le début de la campagne.
Malgré tout, « les élus allemands et français sont en contact étroit au niveau européen, car ils siègent dans le même groupe au Parlement européen », confirme Paul Maurice, expert des relations franco-allemandes. Une entente bienvenue, dont « les Français devraient peut-être s’inspirer dans leur conquête du pouvoir », conclut Pierre Radanne.
Alina Metz et Félicien Rondel