Fernando Haddad doit être désigné candidat du Parti des travailleurs (PT) dans quelques heures. Crédit : Agence France Presse, Heuler Andrey.
Il était le protégé de Lula en 2012, lorsqu’il a été élu maire de l’immense São Paulo à la surprise générale. Fernando Haddad doit reprendre aujourd’hui le flambeau de l’ex-président du Brésil (2003 - 2011), coincé derrière les barreaux pour une période de 12 ans pour corruption. Il va être désigné d’ici quelques heures candidat du Parti des travailleurs (PT) brésilien par Luiz Inacio Lula da Silva pour la présidentielle du 7 octobre.
Suite à la décision du Tribunal supérieur électoral de le déclarer inéligible fin août, « le petit père des pauvres » est contraint d’abandonner. Et de laisser en suspens les quelque 38 % d’intentions de vote qui lui étaient promis depuis plusieurs mois. Car dans ce pays aux 147 millions d’électeurs, Fernando Haddad, 55 ans, n’a, ni n'aura, la popularité de son mentor.
Un « bourgeois » pour représenter les travailleurs
Méconnu au-delà des faubourgs de la mégapole de 25 millions d’habitants qu’il a dirigé pendant quatre ans, cet ancien Ministre de l’Éducation sous Lula puis sous Dilma Rousseff n’a plus de temps à perdre. Il lui reste moins d’un mois avant le premier tour pour se faire connaître. « Le problème pour le Parti des travailleurs c’est que São Paulo est loin d’être la région où le parti a le plus de soutien, c’est même là où il a le plus grand déficit », explique à Cuej.info Alban Cenault, membre du bureau national de l’Association France Amérique latine, et spécialiste du Brésil.
Au cours de son mandat de maire il n’a, contrairement à ses prédecesseurs de droite comme de gauche, pas eu recours à des politiques de grands travaux. Outre la lutte contre la corruption, il s’est plutôt concentré sur les moyens de mobilité dans cette ville congestionnée. Interdiction de la circulation sur plusieurs axes de la ville afin de les convertir en aire de loisirs et développement de pistes cyclables ont été ses principales mesures, d’après un article de Libération. « Ce sont des choses qui parlent à une certaine classe moyenne de São Paulo, mais pas aux plus pauvres. C’est joli, ça rend bien mais ça peut paraître anecdotique » analyse Alban Cenault.f
Car le fossé est immense avec la base de l’électorat du PT, pour ce professeur de sciences politiques de la prestigieuse université de São Paulo : « Lula vient d’une famille pauvre, du Nordeste, le principal réservoir de voix du PT. Haddad c’est l’inverse : il vient de São Paulo, d’une famille de commerçants libanais, et a étudié à Montréal».
Remplacer Lula, une lourde tâche
Grand, le ton intellectuel, la gestuelle maîtrisée, Haddad « ne va pas haranguer les foules comme le fait Lula ». Il est d’ailleurs régulièrement qualifié d’élitiste par ses détracteurs, en raison notamment du peu de place accordée à la construction de logements sociaux lors de son mandat de maire de l’une des villes les plus inégalitaires du monde. Beaucoup ont déjà oublié le rôle central qu’il a joué dans la mise en place du programme de bourses pour les étudiants les plus défavorisés (Prouni) sous Lula, lorsqu’il était Ministre de l’éducation.
Pour remédier à ce manque de popularité, Fernando Haddad n’hésite pas, aujourd’hui, sur son compte twitter notamment, à recourir à l’iconographie de Lula. A l’instar d’une photo où l’ex-colistier de l’icône de la gauche brésilienne embrasse une personne noire dans un quartier populaire de Sao Paulo.
Quant au programme, aucun chamboulement n’est à prévoir. Bien au contraire. « Le pari du parti, c’est de dire que voter pour Haddad c’est comme voter pour Lula. Lula est tellement populaire que le parti est convaincu que s’il dit « votez pour Haddad », l’électorat suivra ! ». Parmi les mesures défendues par le candidat : mettre fin au plafond de dépenses publiques dans la santé et d’éducation imposée par l’actuel président Michel Temer. « C’est presque assumé que c’est Lula qui tient les rênes ! » assure Alban Cenault.
Dans l’élection présidentielle la plus incertaine de l’histoire récente du Brésil, et malgré une légère progression ces derniers jours, Fernando Haddad est aujourd’hui loin derrière JaÏr Bolsonaro (24%) le candidat d’extrême-droite poignardé le 6 septembre lors d’un bain de foule. Il est à ce jour crédité de 9 % des voix dans le dernier sondage réalisé lundi 10 septembre.
Augustin Campos