Lyon est la première grande ville française à adopter un budget genré. © Tumisu / Pixabay
La ville de Lyon va mettre en place un budget "genré" destiné à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Isabelle Guéguen, sociologue et consultante experte en égalité explique à Cuej.info pourquoi c'est un premier pas.
Les nouveaux élus écologistes de Lyon préparent la mise en place d'un budget "genré", selon les informations du Monde. Chaque dépense sera analysée au regard de "son impact sur la place des femmes dans la société". Une première pour une ville française de plus de 500 000 habitants. En 2017, la secrétaire d'Etat à l'égalité hommes/femmes, Marlène Schiappa, annonçait vouloir encourager cette pratique au sein même du budget général de l'Etat. Consultante en égalité femmes/hommes, la sociologue Isabelle Guéguen travaille sur l'intégration de l'égalité dans les politiques publiques et le budget. Elle détaille les enjeux d'une telle mesure budgétaire.
Comment fonctionne un budget "genré" ?
Il y a plusieurs méthodologies pour regarder l'égalité hommes/femmes. Une première méthode consiste à analyser à qui va l'argent pour ensuite rééquilibrer. Les élus vont regarder les politiques d'achat ou les subventions accordées aux associations en étudiant le profil de leurs adhérents. Souvent, on observe que si les femmes représentent 35% des licenciés dans une association, elles ne reçoivent que 20% des fonds car les associations à dominante masculine (comme les clubs de football par exemple) sont des sports beaucoup mieux financés que ceux où les femmes sont présentes (comme la gymnastique douce). Ensuite, la municipalité va essayer de rééquilibrer ou de travailler à la mise en place d'une section féminine ou masculine. Cela permet de rendre compte de manière plus objective à qui va l'argent.
Et les autres méthodes ?
Il est possible de classer les lignes budgétaires en fonction de leur sensibilisation au genre. Si je prend le budget "prestation", est ce que rémunérer tel type d'intervenant va avoir des impacts en termes de genre, s'il ne s'agit que d'hommes ? Cela permet aux conseillers de réfléchir aux enjeux en amont. Enfin, il est aussi possible de partir d'un diagnostic qui va constater des inégalités et de se dire ensuite que le budget a pour but de les réduire. On va alors demander de l'argent pour atteindre cet objectif dans un domaine précis.
Quels sont les effets concrets d'une telle mesure sur l'égalité femmes/hommes ?
Les politiques publiques sont des intentions et se financent. Cela permet de prendre conscience qu'elles ne sont pas neutres et qu'une partie de l'argent public n'est pas réparti de manière égale. Mais cela suppose un diagnostic et d'être conscient des enjeux de l'égalité, d'avoir des objectifs et de faire en sorte de les réaliser.
Quelles conditions pour que ce modèle fonctionne bien ?
Il faut que la direction des finances et les élus en charge de l'élaboration du budget soient associés. Il est nécessaire qu'il y ait une volonté politique d'intégrer véritablement cette dimension là dans les budgets.
En quoi est-ce important qu'une ville comme Lyon s'y convertisse ?
Les villes se tirent un peu toutes la bourre. Si une commence à le faire, les autres vont s'y mettre, donc c'est plutôt bon signe.
Y-a-t-il des villes pionnières dans ce domaine ?
En Europe, Vienne et les villes suédoises ont particulièrement développé ce modèle. En France, cela reste au stade du balbutiement. J'ai pu accompagner Brest qui l'a mis en place sur son budget culture. Sinon Ivry-sur-Seine avait suivi la méthode belge qui consiste à catégoriser les dépenses en fonction de leur sensibilisation au genre. C'est un début, il y a dans la politique de la ville une demande de classer les projets financés en fonction de leur sensibilisation au genre. Cela commence à prendre, que ce soit à l'échelle nationale ou dans les collectivités locales.
Propos recueillis par Cyrielle Thevenin