Laurent Berger, le leader de la CFDT, a annoncé mardi 26 mars que son syndicat ne défilerait pas aux côtés de la CGT le 1er mai. Le ton monte depuis le début de l'année entre les deux syndicats, alors que la CFDT se positionne comme un syndicat de négociation et que la CGT veut être à la pointe de la contestation.
Rien ne va plus entre la CFDT et la CGT, les deux plus importantes organisations syndicales. Le secrétaire de la CFDT, Laurent Berger, a déclaré le mardi 26 mars au micro de RTL que son syndicat ne défilerait pas aux côtés de la CGT le 1er mai, jour de la fête du Travail. Une première depuis des années.
« C'est une décision de notre bureau national de la semaine dernière », a-t-il déclaré. Laurent Berger a déploré que son syndicat ait été « insulté, vilipendé » lors du congrès de la CGT à Toulouse, la semaine dernière.
« Traître, collabo »
En cause l'accord sur la sécurisation de l'emploi signé par la CFDT et par deux autres syndicats (CFTC, CFE-CGC) le 11 janvier dernier, un accord vivement rejeté par la CGT. « Nous ne sommes pas d’accord avec la CFDT sur le texte réformant le marché du travail, mais c’est une mini fracture », a estimé Thierry Lepaon en clôture du 50ème Congrès de Toulouse le 21 mars. Un congrès au cours duquel il a été élu secrétaire général de la centrale syndicale, succédant ainsi à Bernard Thibault. Pourtant, il avait souhaité « un rassemblement unitaire » pour le 1er mai. Un vœu resté pieux.
« Quand on se fait traiter de traître, de collabo, de renégat, je considère que ce sont des insultes et nos militants ne veulent pas se faire insulter une semaine et aller manifester avec la CGT une autre semaine », s'est justifié Laurent Berger. Fini donc le temps où les deux plus importantes centrales syndicales défilaient ensemble contre le Contrat première embauche en 2006, ou contre la réforme des retraites portée par le ministre du Budget Eric Woerth en 2009.
« Affirmer son identité »
Les mots employés par le CGT ne sont pas assez durs à l'encontre de l'accord entre la CFDT et le patronat qualifié « d'accord Medefdt » ou d'accord « scélérat ». Mais Bernard Vivier, directeur de l'Institut du travail et observateur des mouvements sociaux, relativise les tensions actuelles : « Chaque organisation syndicale durant son congrès veut affirmer son identité et montrer ses lignes directrices. C'est le jeu. Ce n'est pas anormal que la CFDT ait été un peu chahutée par les cégétistes.»
Pourtant le ton monte régulièrement entre les deux centrales syndicales. Début février, c'est Laurent Berger qui attaquait. « La direction et la CGT portent une responsabilité dans le projet de fermeture du site de Goodyear à Amiens Nord », ce qui a provoqué la colère de la CGT. Ce sont ensuite des militants lillois de la CGT, qui, à l'occasion de la manifestation de la CGT et FO contre l'accord sur l'emploi le 5 mars, ont brûlé un drapeau CFDT. « Après l'épisode du 5 mars, la CFDT a voulu marquer le coup. C'est révélateur d'un durcissement de la situation entre les deux syndicats », analyse Bernard Vivier. Une action pourtant condamnée par la direction du parti pour qui « les divergences syndicales ne sauraient justifier » des actes qui ne respectent pas le pluralisme.
Le carton d'invitation s'est perdu
Cerise sur le gâteau enfin, la guerre des égos y étant pour beaucoup, la direction de la CFDT a protesté contre le fait que la direction de la CGT n’avait pas invité Laurent Berger à son congrès, comme c’est l’habitude. La CGT a expliqué qu'une invitation collective avait bien été envoyée.
La rupture est-elle consommée entre les deux plus importants syndicats ? La CGT aime à dire que des syndiqués CFDT rejoignent ses rangs. Bernard Vivier tempère: « Il y'a eu quelques départs mais la situation n'est en rien comparable à celle de 2003 ». A cette époque, François Chérèque signait la première réforme des retraites portée par François Fillon. « 15 à 20% des effectifs CFDT avait déserté les rangs pour rejoindre la CGT », assure le directeur de l'Institut du Travail.
Deux publics, deux stratégies
Et si la surenchère était due en partie aux résultats sur la représentativité syndicale qui seront dévoilés le 29 mars par Michel Sapin, le ministre du Travail ? Bernard Vivier réfute : « Cette réforme a été voulue par ces deux syndicats. Ils l'ont construite ensemble. Certes, ces deux centrales sont en concurrence mais elles sont aussi complémentaires. Elles s'adressent différemment à des publics particuliers. La CGT est plus présente dans le tertiaire et l'industrie tandis que les cadres et les techniciens sont davantage syndiqués auprès de la CFDT. »
La question qui se pose pour les mois à venir est celle de la stratégie. Laquelle adopter face au Medef et au gouvernement dans une période de crise et de chômage massif? « La CGT veut être un syndicat de contestation tandis que la CFDT préfère être un syndicat de négociation. Même si c'est pour négocier des accords au rabais comme dans le cas de Renault », explique Bernard Vivier. Deux stratégies qui ont pour conséquence première l'affaiblissement du mouvement syndical.
Adriane Carroger