Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a fait l’éloge du « label bas carbone » français auprès de ses homologues européens, à l’occasion d’un meeting en Alsace lundi et mardi. Il prévoit l’extension du stockage du carbone dans les sols agricoles pour réduire les émissions CO2 du secteur.
Le secteur agricole émet 430 millions de tonnes de CO2 par an dans l'Union européenne. © Xavier Remongin
Le carbone, nouveau levier d’action dans la transition écologique ? Julien Denormandie, lui, y croit. Lundi et mardi, le ministre français de l’Agriculture s’est rendu en Alsace à l’occasion d’une rencontre informelle avec ses 26 homologues européens pour discuter de l’avenir de l’agriculture bas carbone au sein de l’Union européenne. Entre visites de terrain et meeting, les discussions se sont cristallisées sur un sujet que le ministre français dit porter à cœur : le stockage de CO2 dans les sols ; aka le « carbon farming ».
Depuis son arrivée à la tête au Conseil de l’UE, le gouvernement français, qui assure faire de la question climatique la priorité de sa présidence, cherche à convaincre ses partenaires européens de la nécessité de cette pratique pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Car, à l’heure actuelle, l’agriculture représente plus de 10 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) en Europe. L’idée serait donc d’inciter les agriculteurs à stocker le carbone dans leurs terres pour diminuer les émissions dans l’atmosphère. La contrepartie ? Des crédits carbones agricoles pouvant être valorisés sur le marché volontaire du carbone… plus connu sous le nom du « marché du droit à polluer ».
Ce procédé – largement controversé –, Julien Denormandie en est très fier : il existe déjà en France via le « label bas carbone », mis en place par le gouvernement en 2019. Le ministre français n’a pas manqué de louer cette initiative hexagonale auprès de ses homologues européens lundi, lors de la visite d’une exploitation à Mussig (Bas-Rhin), engagée dans la démarche « fermes laitières bas carbone ». « Récompense » pour « les acteurs de la lutte contre le changement climatique », le label fonctionne uniquement sur la base du volontariat, sans imposer aucun cadre légal. Car, pour Julien Denormandie, « le sujet du carbone en agriculture ne doit pas se faire par une nouvelle réglementation qui viendrait imposer des réductions de CO2 ou d’émissions ici ou là ».
168 projets labellisés « bas carbone »
Plutôt que le bâton, le ministre choisit donc la carotte économique, en offrant aux agriculteurs, ces « entrepreneurs du vivant », une rémunération en contrepartie de leurs efforts environnementaux. Depuis 2019, un millier d’agriculteurs sont engagés dans la démarche « bas carbone », avec 168 projets labellisés, pour plus de 406 000 tonnes de carbone économisées. De quoi transformer ces professionnels en « véritables soldats du climat », selon les mots du ministre. Et parmi ceux qui ont rejoint le label, on compte aussi une quarantaine de grandes entreprises, pourtant peu connues pour leur engagement en faveur du climat : le groupe LVMH ou encore la banque Crédit agricole qui s'est engagée à acquérir « 25 000 tonnes de carbone issus de la ferme France ».
Avec cet éloge du modèle français, le ministre de l’Agriculture espère inspirer le cadre européen du projet législatif de la Commission, qu’elle doit rendre avant la fin 2022. Un élan bien engagé comme en témoigne l’enthousiasme du commissaire européen de l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, qui a salué le « très bon exemple d’agriculture durable » à propos de la ferme bas carbone bas-rhinoise. À la fin des discussions entre ministres, Julien Denormandie s’est félicité de l’alignement des Etats-membres à ce sujet, qui ont, ensemble « souligné l’intérêt d’engager des pratiques à la fois dans le monde agricole et forestier ». Reste donc à s’entendre sur les règles du jeu communes et à s’assurer que la démarche soit suffisante pour compenser les émissions de CO2… Pas si sûr.
Sarah Dupont