Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Moldavie craint d'être la prochaine sur la liste du Kremlin. Sa présidente, Maia Sandu, accuse Moscou de fomenter un coup d'État alors que le pays, frappé par la crise économique, souffre d'une instabilité chronique depuis un an.
Maia Sandu, présidente de la Moldavie en 2022 © Créative Commons
Le 13 février, au cours d’une conférence de presse organisée spécialement pour l’occasion, la Présidente de la République de Moldavie, Maia Sandu, a publiquement accusé la Russie de chercher à déstabiliser son pays, voire de chercher à « renverser le gouvernement légitime et d’installer un gouvernement illégal contrôlé par la Fédération de Russie »
Ce faisant, la cheffe d’État moldave a repris à son compte les révélations de Volodymyr Zelensky qui, le 9 février à Bruxelles, assurait aux chefs d’États européens que les services de renseignement ukrainien avaient intercepté des documents russes prouvant que des actions violentes se préparaient en Moldavie. Cette information, n’a pour l’instant pas pu être vérifiée par une source indépendante.
Une cinquième colonne pro-russe
Maia Sandu affirme que Moscou aurait infiltré des agents russes, biélorusses, monténégrins et serbes en Moldavie. Ces « saboteurs », d’après la cheffe d’État, auraient le profil « d’anciens militaires camouflés en civil » et leur mission serait d’organiser des manifestations violentes, mais aussi des « prises d’otage » et des « attaques contre des bâtiments gouvernementaux ».
En définitive, ce plan viserait à « stopper le processus d’intégration [de la Moldavie] à l’Europe, mais aussi à faire de la Moldavie une base que la Russie pourrait utiliser dans sa guerre en Ukraine », conclut la Présidente. Une menace d’autant plus plausible que le 10 février, la Russie n’a pas hésité à envoyer trois missiles survoler l’espace aérien moldave pour frapper des cibles ukrainiennes dans le nord du pays.
Pour la Russie et l’opposition, un contre-feu
Le ministère russe des Affaires étrangères a réagi ce mardi 14 février. Balayant dans un communiqué ce qu’il considère être des « allégations infondées », il accuse Maia Sandu de vouloir « détourner l'attention des citoyens moldaves des problèmes intérieurs rencontrés par le pays ».
Une position partagée par l’opposition moldave. Le Parti Șor, du nom du sulfureux politicien et homme d’affaire pro-russe Ilan Șor – qui se trouve actuellement en résidence surveillée du fait de son implication présumée dans une fraude bancaire d’un milliard de dollars – appelle les Moldaves à manifester dimanche pour forcer le gouvernement à régler leurs factures de gaz, dont le prix a explosé depuis l’invasion russe de l’Ukraine, voisine de la Moldavie.
Quel futur pour la Moldavie ?
La crise économique qui s’en est suivie pourrait remettre en cause la politique menée par Maia Sandu depuis son arrivée au pouvoir en 2020. Cette politicienne de centre-droit a été élue sur la base d’un programme résolument pro-européen et anticorruption. En 2015, alors qu’elle occupait le poste de ministre de l’Éducation, elle appelait déjà de ses vœux une « classe politique qui aime plus le peuple que ses poches », critiquant la mainmise des oligarques pro-russes comme Ilan Șor sur les maigres ressources du pays. Sous son mandat, la Moldavie s’est rapprochée de l’Otan et de l’Union Européenne (UE) avec, pour cette dernière, un dossier de candidature déposé en mars 2022 et la reconnaissance officielle de son statut de candidat par les Vingt-Sept en juin 2022.
Alors que la guerre en Ukraine a conduit l’UE à accélérer l’examen du dossier moldave, l’effondrement de l’économie moldave qui l’a accompagnée pourrait mettre un coup d’arrêt à l’occidentalisation du pays. En effet, depuis l’été dernier, la Russie a diminué de moitié ses livraisons de gaz à la Moldavie, provoquant une inflation record dans le pays (atteignant 27,3% en janvier 2023) et accentuant l’exode de la population vers l’Europe centrale et de l’ouest. Depuis septembre, l’opposition pro-russe profite de la situation pour affaiblir le gouvernement de Maia Sandu en organisant des manifestations à répétition dans la capitale, Chișinău.
L’impopularité grandissante de son gouvernement a conduit la Première ministre Natalia Gavrilita à démissionner le 10 février. Son remplaçant désigné, Dorin Recean, est lui aussi issu de la formation politique de Maia Sandu et farouchement pro-européen. Mais si la situation économique des foyers moldaves ne s’améliore pas prochainement, l’avenir du camp pro-occidental semble incertain.
Matei Danes