Dans deux semaines, les Suisses s’exprimeront sur une initiative de renvoi effectif des délinquants étrangers, lancée par le parti de droite UDC. Si le "oui" l'emporte, de nouvelles tensions avec l’UE sont à prévoir.
Affiche de campagne de l'UDC
Le 28 février, le peuple suisse sera appelé à voter sur différents sujets à caractère fédéral. L’un d’eux concerne l’initiative sur le renvoi effectif des délinquants étrangers (également appelée « initiative de mise en œuvre »). Elle a été lancée par l’Union démocratique de centre (UDC), parti de droite.
Ce n’est pas la première fois que le sujet de l’expulsion des criminels étrangers occupe l’actualité helvétique. En novembre 2010, une première initiative sur le renvoi des délinquants étrangers, lancée par l’UDC, avait été acceptée par 52,3 % des votants. Le Parlement devait inscrire cette initiative dans le code pénal, donc la rendre applicable par les tribunaux, dans un délai de cinq ans - ce qui a été fait. Cependant, l’UDC, persuadée que les chambres n’allaient pas appliquer fidèlement la volonté populaire exprimée en 2010, avait lancé dès 2012 une nouvelle initiative, sur laquelle les Suisses s’exprimeront ce 28 février. L’objectif de celle-ci est de soumettre directement aux citoyens des dispositions détaillées qui devraient, justement, "mettre en œuvre" la première initiative de 2010.
Ce que prévoit la nouvelle initiative
Le projet implique que tous les étrangers qui ont été jugé coupables d’une des infractions listées dans l'initiative seront systématiquement privés de leur droit de séjour et expulsés. Les infractions concernées sont de gravité variable : meurtre, viol mais aussi cambriolage et abus aux assurances sociales.
Une seconde liste énumère les infractions donnant lieu à l’expulsion seulement si l’auteur a déjà été condamné une première fois dans les dix années précédentes, même pour une peine légère. Parmi les délits de cette seconde liste, on trouve les lésions corporelles simples, les violences contre des fonctionnaires, les abus sexuels sur des enfants ou la participation à une organisation criminelle, avec le djihadisme en ligne de mire.
Le risque de tensions avec l’Europe
L’initiative de mise en œuvre se trouve en contradiction avec différents traités ratifiés par la Confédération, notamment la Convention européenne des droits de l’Homme et l’accord Schengen avec l’UE sur la libre circulation des personnes. Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, le renvoi des étrangers doit faire l’objet d’un examen de la proportionnalité au cas par cas.
Dans le cadre de Schengen, seul le renvoi d’un ressortissant européen présentant une menace grave pour l’ordre public est envisagé.
Le projet présenté par l’UDC demande l’inscription dans la constitution de dispositions détaillées sur l’expulsion : elles seraient alors juridiquement supérieures aux traités internationaux. Un obstacle de plus entre la Suisse et l’UE en matière de la libre circulation des personnes.
Anna Riva