Le procès du juge espagnol Baltasar Garzón s'achève ce mercredi 8 février. Accusé d'avoir violé une loi d'amnistie après avoir enquêté sur 100 000 disparus du franquisme, il risque une interdiction d'exercer de vingt ans maximum.
Pendant deux ans, le juge Garzón a enquêté sur les crimes du franquisme (Crédit photo: Ukberri.net)
Promulguée au nom de la réconciliation nationale en 1977, deux ans après la mort du dictateur Francisco Franco, la loi d'amnistie prescrit les crimes commis durant la Guerre civile (1936-1939) et la dictature (1939-1975) espagnoles.
Saisi en 2006 par des familles de victimes, le juge Garzón avait accepté de rouvrir cette page de l'histoire espagnole et tenté de faire la lumière sur la disparition de 114 000 personnes. Pendant deux ans, il enquête sur les crimes Franco. Dans son arrêt, il attribue au dictateur et à trente-quatre de ses proches des "faits d'élimination systématique selon un plan conçu à l'avance". Il pointe également l'inaction de la justice espagnole, qui n'a jamais enquêté sur cette période.
Deux associations d'extrême-droite accusent alors Baltasar Garzón d'avoir enfreint la loi d'amnistie. En 2008, le parquet de Madrid décide de suspendre le juge de son poste dénonçant un risque d'"inquisition" contraire à l'Etat de droit.
Les soutiens du juge Garzón
Baltasar Garzón a pu compter sur le soutien de magistrats européens et de responsables politiques de gauche depuis sa mise en cause. Le 29 janvier, des milliers de manifestants, artistes, représentants syndicaux et victimes du franquisme, ont défilé dans les rues de Madrid pour dénoncer un procès "honteux".
Ses partisans dénoncent un complot politique, d'autant que le parquet lui-même a demandé dans ses réquisitions préliminaires que l'accusé soit blanchi. Il estimait que la tentative d'enquête du juge ne justifiait pas les poursuites. Mais, le 31 janvier 2011, le Tribunal suprême de Madrid a refusé de classer le dossier.
Une carrière qui pourrait s'achever
A 56 ans, suspendu de ses fonctions depuis mais 2010, le juge Garzón risque une interdiction maximum d'exercer de 20 ans. Une sanction qui mettrait fin à une carrière mouvementée.
Depuis l'ouverture de son procès le 24 janvier 2011, l' argumentation du juge Garzón est fondée sur les principes des tribunaux internationaux. Il défend l'idée que ces assassinats de civils constituent des crimes contre l'humanité imprescriptibles échappant à ce titre à la loi d'amnistie.
Déjà en 1998, le juge espagnol s'était appuyé sur le droit international pour faire arrêter Augusto Pinochet à Londres. Avec des juges suisses, belges et français, il avait fait condamner l'ancien dictateur chilien pour crime contre l'humanité. Il a également poursuivi les membres de la junte argentine ou encore Oussama ben Laden avant de s'attaquer avec succès au financement de l'organisation terroriste basque ETA.
Depuis le 17 janvier, Baltasar Garzón est également accusé d'avoir réalisé des écoutes dans le cadre d'une enquête sur un réseau de corruption lié au Parti populaire, actuellement au pouvoir.
Valentine Joubin