L'intervention de la Turquie, qui a repoussé Daech loin de sa frontière après avoir subi des attentats sur son sol, pourrait-elle changer la donne ? Éléments de réponse avec Bayram Balci, chercheur au CERI (Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po).
Des combattantes Kurdes, en juin 2015. Crédit : Kurdishstruggle/Flickr
Quels sont les objectifs de la Turquie en Syrie ?
La position de la Turquie a retrouvé une certaine clarté : elle a mis son combat contre Daech en première ligne. Foncièrement hostile à Bachar El-Assad depuis quelques temps, principalement pour des questions humanitaires, la Turquie ne fait plus de sa chute sa priorité. Qu'il parte ou qu'il reste à la tête de la Syrie, cela ne change rien en terme de sécurité sur le territoire turc.
Le deuxième objectif pour Recep Erdogan, le chef d'Etat turc, c'est d'éviter le renforcement de la minorité kurde à la frontière. Et cette minorité n'est pas n'importe laquelle: elle est dirigée par le PYD (parti politique kurde syrien qui contrôle le kurdistan, NDLR), le parti frère du PKK basé en Turquie.
La coalition internationale a été irresponsable en renforçant les Kurdes, parce qu'ils se battent contre Daech, certes, mais aussi contre la Turquie. Il ne faut pas oublier que les Kurdes qui luttent en Syrie sont les mêmes à commettre des attentats contre les soldats turcs.
Qu'est-ce que cette intervention va changer sur le terrain ?
Il ne faut pas exagérer l'ampleur de l'incursion turque. Elle implique une force militaire de quelques centaines de soldats et vise davantage à appuyer les groupes rebelles en Syrie. Il s'agit de l'Armée syrienne libre et des milices séculières ou islamistes modérées qui combattent Bachar El-Assad et qui ne sont pas soutenus par la coalition internationale, contrairement aux milices kurdes.
Et pour Daech ?
Ils ont perdus deux villes à cause de la Turquie. Si on continue comme ça, la fin de Daech pourrait être rapide. Mais ça ne va pas régler le problème. La différence entre Daech et Al-Qaïda, c'est que ces derniers n'ont pas d'ancrage territorial. Une fois qu'on aura retiré Mossoul et Raqqa du contrôle de Daech, ses membres deviendront des combattants invisibles et déterritorialisés. Ils vont se disperser en tant que réfugiés et ils vont commettre des attentats partout, à la manière d'Al-Qaïda. Y compris en Turquie, car la frontière longue d'une centaine de kilomètres est difficile à contrôler. Plus la Turquie va combattre Daech, plus elle va perdre des vies sur son propre territoire.
La situation de l'Etat islamique en carte: (mettre en plein écran pour une meilleure visibilité)
Sarah Bos et Paul Salin