Les ministres maliens entament un processus d'apaisement avec l'annonce de la création d'une commission de dialogue et de réconciliation. Ses membres doivent être nommés dans les prochains jours. Plusieurs défis les attendent.
Le Conseil des ministres malien a annoncé mercredi la création d'une commission de réconciliation et de dialogue (CDR). Elle a trois objectifs : « rechercher, par le dialogue, la réconciliation entre toutes les communautés maliennes », « de recenser les forces politiques et sociales concernées par le processus de dialogue de réconciliation », et enregistrer « les cas de violation des droits de l'Homme commis dans le pays du début des hostilités (des rebelles comme des forces maliennes), jusqu'à la reconquête totale du pays », précise le décret rendu public par le Conseil des ministres.
L'ambition est d'apaiser les relations difficiles entre le nord et le sud du pays. Depuis le début du conflit en janvier 2012, près de 420 000 Maliens du nord ont été déplacés. 170 000 d'entre eux ont dû franchir les frontières pour fuir selon l'ONU. On ne dispose d'aucun chiffre officiel sur le nombre de morts.
Le conflit n'est pas encore terminé que déjà il faut penser à la reconstruction. C'est l'objectif de cette commission de réconciliation. Elle va devoir pacifier les relations avec les rebelles touaregs, les premiers à entrer en conflit armé contre Bamako, allant jusqu'à s'allier avec les islamistes. Les Maliens du sud, près de Bamako, la partie la plus développée économiquement, et les Maliens du nord, région beaucoup plus pauvre et terrain du conflit, devront aussi se réconcilier. Le plan prévoit donc un plan d'aide au développement du Nord-Mali.
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La réconciliation : un processus difficile
Le ressentiment est fort à l'encontre des groupes d'activistes touaregs tels que le MNLA ou des habitants du Nord qui ont rejoint les islamistes. Les Touaregs en particulier suscitent de la colère et beaucoup de rancoeur. « Le ressentiment est beaucoup plus fort vis-à-vis des touaregs. Beaucoup de Maliens considèrent qu'ils sont le cheval de Troie par qui le malheur est arrivé. Cela frôle même parfois la haine », affirme Malika Groga-Bada, journaliste à Jeune Afrique.
Officiellement, pas de dialogue depuis le début du conflit
Mais ce sentiment diffus dans la population ne doit pas être confondu avec l'ambition politique. Dioncounda Traoré, le président malien, avait déclaré fin janvier qu'au sein de la communauté touareg, « le seul groupe avec lequel nous pouvons envisager des négociations c'est certainement le MNLA (Mouvement de libération national de l'Azawad, en rébellion), à condition que ceux-ci renoncent à toutes leurs prétentions territoriales ». Une issue politique semble donc possible. Le pouvoir malien est dépassé : en plus des questions courantes, il doit gérer ce conflit difficile. Les négociations avaient donc été reléguées au second plan.
Mais le contexte électoral approchant, il faut aplanir le terrain.
« Les autorités maliennes sont pour des élections plus tardives, mais on leur a forcé la main pour que cela se fasse vite. Je veux dire, leurs partenaires de guerre qui pensent que cela donnera une impulsion à la paix. Mais en quatre mois, je n'y crois pas », explique Malika Groga-Bada. Ces nouvelles élections devraient donc servir de base à la réussite du processus de dialogue, avec une équipe renouvelée au pouvoir.
Et la justice ?
Dans les processus de dialogue mis en place en Afrique du Sud de 1995 à 1998 et au Rwanda de 1994 à 2011, la place de l'action judiciaire a été capitale. Les crimes ont été reconnus, puis condamnés ou graciés. C'était l'un des piliers de la réconciliation.
Aucune procédure judiciaire n'est pour l'instant mise en avant au Mali, l'accent est mis sur le dialogue. Une reprise des discussions entre les différents protagonistes est certes importante, mais pas suffisante pour la journaliste de Jeune Afrique : « Il n'y a pas de réconciliation possible sans justice. Se contenter de parler c'est bien. Que les gens se serrent la main, c'est bien. Mais s'il n'y a pas de réparation, les processus ne donnent pas de résultats qui durent dans le temps. »
Le président Traoré va nommer les membres du CDR dans les prochains jours. C'est une lourde tâche qui attendra les trente commissaires et leur président.
Clémence Mermillod