L'ancien président pakistanais Pervez Musharraf est arrivé, dimanche 24 mars, au Pakistan après plus de quatre ans d'exil. Son objectif est de remporter les élections générales du 11 mai prochain.
George W. Bush et Pervez Musharraf à Islamabad le 4 mars 2006. Photo : Flickr/Heidi Wasson.
Il est de retour. Après plus de quatre ans d'exil, l'ancien président pakistanais Pervez Musharraf est arrivé, dimanche 24 mars, dans le pays qu'il a dirigé durant neuf années. Porté au pouvoir en 1999 par un coup d'État militaire, il en avait été chassé en 2008 après son échec aux élections législatives. Les rebelles talibans pakistanais que Musharraf a combattu lorsqu'il était au pouvoir ont déjà promis d’envoyer des kamikazes le traquer. Ce dernier a quant à lui, annoncé revenir pour se présenter aux élections générales du 11 mai prochain. Pour Mariam Abou Zahab, chercheuse au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) et spécialiste du Pakistan, l'ancien président ne peux plus jouer un rôle de premier plan dans son pays.
Que représente pour vous le retour de Pervez Musharraf dans son pays ?
C'est un non événement. Les Pakistanais s'en moquent totalement. Il a quitté le pouvoir en 2008 dans des conditions difficiles et les gens n'ont pas oublié. Il était à la tête d'un régime corrompu qui ne se préoccupait pas du sort de la population. Le souvenir qu'il a laissé n'est pas du tout positif. D'ailleurs, il y avait très peu de personnes pour l'accueillir à l'aéroport de Karachi, dimanche, une centaine tout au plus, ce qui à l'échelle d'un pays de 180 millions d'habitants comme le Pakistan est dérisoire. Cela l'est d'autant plus qu'il s'agit d'un pays qui a une véritable culture des grands rassemblements. A mon sens, les occidentaux se fourvoient en pensant que son retour est important pour le Pakistan. La seule chose que les gens lui reconnaissent est son courage physique. Il n'a pas peur des talibans locaux qui ont déjà essayé, près d'une dizaine de fois, de le tuer. Et ils vont sûrement recommencer vu la haine qu'ils lui portent. Ils ne lui pardonneront jamais d'avoir opéré un rapprochement avec les États-Unis après le 11 septembre 2001. Les talibans pakistanais auront aussi à cœur de se venger de la guerre que Musharraf leur a livrée comme lorsqu'il a ordonné l'assaut de la Mosquée rouge d'Islamabad en 2007 causant plus d'une centaine de morts.
A-t-il toutefois une chance de jouer un rôle lors des élections générales de mai prochain ?
Absolument pas, même s'il se veut le sauveur, celui qui pourrait stabiliser le pays et lutter contre les talibans. Croire qu'il peut revenir au pouvoir est une vraie blague. Musharraf ne dispose d'aucune base électorale. Il n'est soutenu que par la classe moyenne supérieure des alentours de Karachi, ce qui ne représente pas grand monde. Sur le plan politique, il est également très isolé. Il n'a pas le réseau qui pourrait lui permettre de jouer un rôle important lors de ces élections. Les personnes qui étaient à ses côtés lorsqu'il était au pouvoir sont restées au pays et certaines travaillent aujourd'hui avec ses adversaires. La Ligue musulmane du Pakistan qui l'avait soutenu lors des élections législatives de 2002 est aujourd'hui une coquille vide. Et son retour va aussi mettre dans l'embarras les militaires qui jouent un rôle très important au Pakistan. Musharraf est militaire, il est donc l'un des leurs. Mais cela ne signifie pas qu'ils vont l'aider à quoi que ce soit.
Comment va réagir à ce retour le Parti du peuple pakistanais (PPP) qui est actuellement au pouvoir et qui s'est toujours opposé à Musharraf ?
Je pense qu'ils ne feront pas grand-chose. Musharraf est en liberté sous caution et devrait le rester. Le président Asif Ali Zardari, qui est membre du PPP, a en ce moment d'autres choses en tête, à commencer par remporter les élections du 11 mai en battant la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif qui le devance dans les sondages. Ces élections devraient être marquées par une très forte abstention. Par exemple, au Balouchistan (sud-ouest du Pakistan, ndlr) les nationalistes appellent les électeurs au boycott. Les gens sont désabusés, ils survivent, et font notamment face à la pénurie de l'énergie. Cela est le résultat de la politique de Zardari mais aussi celle de Musharraf. Les deux hommes n'ont jamais cherché à changer les choses, s'accrochant années après années à la tête d'un État toujours plus corrompu.
Propos recueillis par Antoine Izambard