Deux djihadistes français ont été arrêtés jeudi, au Mali. Un autre djihadiste présumé a été extradé mardi, vers Paris. Ils seraient ainsi « une dizaine de djihadistes français ou franco-africains » à s'être rendus au Sahel ces dernières années, pour combattre aux côtés des islamistes. Des hommes dont l'identité est donc apparemment connue des autorités françaises. Alors pourquoi les renseignements généraux n'interviennent-ils pas au plus tôt ? Pourquoi laisser ces individus passer nos frontières pour rejoindre ces mouvements terroristes ?
« Parce que les lois de la République ne permettent pas d'arrêter les gens sur de simples procès d'intention, répond Mathieu Guidère, géopoliticien, spécialiste de l'islam. Il faut qu'il y ait des éléments constitutifs de preuves. » Franck Frégosi, sociologue de l'islam et directeur de recherche au CNRS confirme : « On est dans un Etat de droit. Heureusement, on ne peut pas arrêter les gens comme ça. Et puis l'argument sécuritaire pousse parfois à aller trop vite en besogne. » Quitte à commettre éventuellement des bourdes.
« Un moyen de remonter des filières terroristes »
Mohamed-Ali Adraoui, politologue et sociologue, auteur du livre Du Golfe aux banlieues. Le salafisme mondialisé (PUF), nuance ces propos : « Il est un peu naïf de croire envers et contre-tout à cette notion d'Etat de droit. Pour certaines enquêtes très sensibles, comme celles concernant le trafic de stupéfiants ou le terrorisme, la police prend quelques libertés, parfois contre les droits fondamentaux. » Il avance une autre hypothèse : « Laisser ces djihadistes présumés agir, c'est peut-être aussi un moyen de remonter des filières terroristes. Ça peut-être une méthode pour emmagasiner des renseignements. Après, tout est une question de dosage. Le zéro risque n'existe pas », rappelle-t-il en citant l'affaire Mohamed Merah.
« Certaines personnes vont même plus loin, ajoute Franck Frégosi. On pourrait imaginer que ces soi-disant djihadistes travaillent pour les autorités françaises. Des sortes de taupes qui infiltreraient les réseaux terroristes. Mais ce n'est qu'une hypothèse », insiste-t-il.
« Pas le plus gros des troupes »
« Ce qu'on ne dit pas assez, tient à préciser Mohamed-Ali Adraoui, c'est que beaucoup de Français musulmans travaillent avec les renseignements généraux français. Une grande partie des attentats déjoués ont pu l'être grâce aux mosquées. Ce ne sont pas que des lieux de prière : elles repèrent aussi les comportements suspects, les discours extrémistes. Et elles transmettent les noms des islamistes présumés aux autorités françaises. »
En tout cas, « les djihadistes français ne forment certainement pas le plus gros des troupes », assure Franck Frégosi. François Hollande a également rejeté cette idée d'une « filière » de recrutement ce vendredi. Pour lui, les quelques cas de djihadistes français sont le résultat de « concitoyens perdus ».
Mélina Facchin