La mort d'Hugo Chavez, mardi 5 mars, a privé le mouvement bolivariste de son porte-parole le plus bruyant. Orphelins de leur leader, les « pays frères » vont devoir se trouver un autre chef de file.
Rafael Correa (à l'extrême gauche) avec à ses côtés Evo Morales (deuxième en partant de la gauche). Crédits Photos : Fabio Pozzebon/ABR
Qui osera maintenant qualifier le président des États-Unis de « diable » comme avait tonné Hugo Chavez, à la tribune des Nations unies en 2006 ? Qui pourra menacer les États-Unis de fermer « le robinet à pétrole » ? La mort de celui qui était à la tête de la « République bolivarienne » du Venezuela depuis 1999 laisse un grand vide pour tous les pays engagés dans le mouvement bolivariste (courant politique né au XIXe siècle au Venezuela et qui se caractérise par une volonté d'indépendance vis-à-vis des puissances dominantes). Celui-ci s'articule autour de trois institutions qu'Hugo Chavez a contribué à créer : l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), qui est la plus puissante, l'Union des nations sud-américaines (Unasur) et la Communauté d'Etats latino-américains et Caraïbes (Celac). Il vilipende l'impérialisme américain, défend une stratégie d'unification ou de rapprochement des ex-colonies et prône la mise en œuvre de politiques sociales.
Hugo Chavez avait contribué à fédérer autour de sa personne tout un ensemble de pays composés principalement de Cuba, de la Bolivie, de l'Équateur ou encore du Nicaragua, en leur fournissant notamment du pétrole à des taux préférentiels. Il apparaissait comme le rassembleur des peuples dominés d'Amérique Latine. La place laissée vacante vaut donc cher. Tour d'horizon de ses possibles successeurs.
1. Nicolas Maduro
Celui qu'Hugo Chavez a désigné comme son successeur en décembre fait office de favori. « Nicolas Maduro est en situation non seulement d’assumer ma charge… mais vous élirez Nicolas Maduro président de la République bolivarienne du Venezuela », avait alors lancé le président défunt.
Cet ancien chauffeur de bus devrait représenter le Parti socialiste unifié du Venezuela et affronter le leader de l'opposition, Henrique Capriles, fondateur du parti conservateur Justice d'abord (Primero Justicia) lors de l'élection présidentielle qui aura lieu dans les trente jours qui viennent.
Il fait figure de grandissime favori de l'élection selon les sondages. Mais ce chaviste modéré manquerait, selon certains analystes, de la légitimité et du charisme nécessaires pour prendre la tête du mouvement bolivariste.
« Maduro est largement capable de prendre le leadership, rétorque Jessica Brandler-Weinreb, chercheuse à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL), interrogée par Cuej.info. Il a de la personnalité, il surgit du peuple, il a toutes les capacités pour être un leader. En plus, il est l'ancien ministre des Affaires étrangères de Chavez et il est reconnu par les autres chefs d'État. Mais surtout, le bolivarisme est né au Venezuela, je ne pense pas qu'un dirigeant d'un autre pays puisse priver le Venezuela de ce rôle. »
2. Evo Morales
Le président bolivien était au premier rang du cortège qui transportait le corps d'Hugo Chavez vers l'Académie militaire, mercredi à Caracas. À la tête de son pays depuis 2006, il fait parti des chavistes historiques. « La question de la santé du camarade Chavez est un problème et un souci non seulement pour le Venezuela, mais pour tous les peuples anti-impérialistes et anticapitalistes. Nous sommes tous Chavez ! », déclarait-il en janvier.
Le pays est l'un des piliers du mouvement bolivariste. Sous sa direction, la Bolivie a été le troisième pays à rejoindre l'Alba, en 2006, après le Venezuela et Cuba. Mais Evo Morales est confronté à des difficultés nationales. Il a reconnu être « en campagne » pour solliciter un nouveau mandat lors des élections générales de 2014, alors que ses adversaires, s'appuyant sur la Constitution qui interdit trois mandats successifs, s'y opposent. « Il faudra compter avec lui, explique Jessica Brandler-Weinreb. Il symbolise la continuité avec Chavez. Mais, ce n'est pas un leader international, il a peu de charisme et il mène une politique indigéniste peu populaire. »
3. Rafael Correa
En Equateur, pays socialiste et ami, le président Rafael Correa a exprimé son « profond chagrin » face à la mort du « chef de file d’un mouvement historique » et du « révolutionnaire mémorable ».
Au pouvoir depuis 2007, après avoir été élu en 2006 face à l'homme le plus riche d'Équateur et une deuxième fois en 2009, lors d'un scrutin provoqué par l'adoption d'une nouvelle Constitution, cet économiste de 49 ans a battu un record de longévité dans ce pays de 15 millions d'habitants. A l'image du tonitruant Chavez, Rafael Correa a adopté un style flamboyant sur la scène extérieure et un ton critique envers Washington. Il a ainsi chassé l'armée américaine de la base anti-drogue de Manta sur la côte Pacifique. Il a fait adhérer l'Equateur à l'Alba en 2007 en même temps que le Nicaragua. Il a été réélu le 17 février pour un troisième mandat.
« Il s'est manifesté comme possible successeur de Chavez, il fait partie de ceux qui comptent, analyse Jessica Brandler-Weinreb. Il peut apporter quelque chose de nouveau, de plus moderne par rapport à Chavez, il est plus libéral. Mais je pense qu'il veut d'abord mener la révolution dans son pays. »
4. Daniel Ortega
C'est celui qu'on évoque le moins, l'outsider. Élu en 2006 et réélu en 2011 à la tête du Nicaragua, cet ami personnel de Fidel Castro et d'Hugo Chavez profite des liens historiques qui existent entre le Venezuela et l'Equateur.
Mais, président d'un pays de seulement cinq millions d'habitants, cet ancien leader de la guérilla marxiste, bête noire de Washington et des Contras dans les années 80 a une influence limitée.
« Je n'y crois pas trop, il est un peu en retrait par rapport aux autres, glisse Jessica Brandler-Weinreb. Mais c'est un chaviste et un bolivariste respecté. Il aura un rôle à jouer, même si la place de leader est trop importante pour lui.»
Antoine Izambard